Volleyball à l’école Nikanik: une équipe de pionnières

Par Rémi Laflamme | WEMOTACI. Grande nouveauté cette année pour l’école secondaire Nikanik de Wemotaci, alors que pour la première fois de son histoire, une équipe féminine de volleyball représentait la communauté au sein du Réseau du Sport Étudiant du Québec (RSEQ). Voici un petit survol de cette aventure et de ses différentes étapes, ainsi que des entretiens avec les principaux acteurs de cette belle réussite!

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Auparavant, la seule participation de Wemotaci au RSEQ eut lieu en 2015-2016 alors qu’un programme adapté de sport-études hockey pour les catégories cadet et juvénile fut lancé sous l’initiative de Nick Fugère et d’Adam Jourdain, deux anciens joueurs de la LHJMQ (Fugère ayant même été repêché par les Predators de Nashville en 2004). Le but du programme, à prime abord, était de lutter contre le décrochage scolaire, mais a aussi permis aux hockeyeurs de la communauté de mesurer leur talent à d’autres équipes de la Mauricie. Aux dires de M. Jourdain, l’intérêt pour le programme fut instantané, car pratiquement tout le monde a un bâton de hockey dans les mains à Wemotaci, autant les filles que les garçons!

La première année, les deux catégories remportèrent même le titre de leur division respective. Malgré deux saisons satisfaisantes, la formule n’a malheureusement pas été renouvelée. Depuis trois ans, c’est maintenant le programme de Joé Juneau, ancien joueur de la LNH, qui a pris la relève. Celui-ci est implanté dans plusieurs communautés autochtones au Canada, mais est surtout axé au niveau local et n’est donc pas relié au RSEQ ou à une autre ligue. Il demeure toutefois une excellente source de motivation pour inciter les jeunes à rester sur les bancs d’école.

Cette incursion au RSEQ, bien qu’éphémère, fit quand même germer l’idée auprès de la direction que des portes pourraient éventuellement s’ouvrir pour offrir d’autres programmes de sports à l’école Nikanik. Et c’est ce qui est finalement arrivé cette année avec l’implantation d’une équipe de volleyball juvénile féminine D4.

Trois entraineuses déterminées

C’est grâce à l’implication de trois entraineuses déterminées, Dominique Savard, Noémie Marchand et Mireille Trottier, que ce beau projet a pu voir le jour. Ce sont elles qui ont entrepris les démarches pour joindre les rangs du RSEQ et pour monter et entrainer l’équipe qui allait briser des barrières.

Selon le directeur de l’école, Pascal Sasseville-Quoquochi, la direction réfléchissait depuis longtemps à offrir un sport autre que le hockey pour faire participer davantage les filles. Il se dit très satisfait de cette première expérience et a remarqué que le projet avait amené une influence extrêmement positive sur les élèves et que la participation était excellente.

« Nous devons offrir un choix de services à nos élèves pour qu’ils soient bien dans leur école, mentionne M. Sasseville-Quoquochi. Le sport et la culture sont deux piliers importants. Notre école mise beaucoup sur la réappropriation culturelle pour favoriser le mieux-être, mais il ne faut pas oublier le sport! Dans ce contexte, cette équipe de volleyball est une excellente nouvelle! Je remercie beaucoup les intervenantes qui s’impliquent dans ce projet. »

Il ajoute également que c’était un bon moyen de favoriser le sens des responsabilités et que la portion académique serait toujours plus importante que le sport. On parle ici d’émulation, un incitatif à mieux faire en classe et à bien se comporter pour éviter des répercussions négatives à la pratique de son sport.

Pour une nouvelle équipe sans expérience, joindre une association aussi bien rodée que le RSEQ est déjà un gros défi en soi, mais le faire en plus au niveau juvénile, alors que la plupart des autres joueuses évoluent ensemble depuis plusieurs années, et avec par-dessus le marché un choc culturel à gérer, c’en est un titanesque! Mais comme les russes au hockey en 1972, les représentantes atikamekws ont plutôt opté pour l’approche « Nous sommes venues pour apprendre« . Cette approche fut la bonne car elles ont été respectueusement accueillies partout où elles ont joué et elles ont lentement progressé au fil de la saison.

Les entraineuses rappellent d’ailleurs que l’objectif premier de cette adhésion au RSEQ était de s’amuser et de s’améliorer plutôt qu’être compétitives. Bien que l’équipe n’ait remporté que 2 sets sur les 40 disputés, tout cela était bien secondaire. Les voyages en autobus, sortir de la communauté, le plaisir de bouger, bâtir des amitiés et un esprit d’équipe, en plus de la grande fierté de représenter Wemotaci et la nation atikamekw, voilà ce qui était important pour cette troupe de pionnières! Mais, d’après le témoignage des entraineuses, elles ont aussi découvert qu’en continuant à pratiquer, elles pourraient se rendre plus loin dans le sport, ce qui s’avère une autre bonne source de motivation.

Une équipe d’embassadrices

L’équipe est composée de 17 filles de 12 à 17 ans et de trois entraineuses. Chacune y joue un rôle différent. Une s’occupe davantage de l’aspect théorique des pratiques, la seconde de l’esprit d’équipe et du sentiment d’appartenance, et la troisième de la gestion administrative ainsi que de la gestion des différents comportements et besoins. Les trois s’accordent sur le fait que cette expérience est une réussite sur toute la ligne et qu’elle est très enrichissante, autant pour elles que pour les jeunes.

Est-ce que, comme on le voit fréquemment au hockey, les joueuses ont été victimes de commentaires déplacés ou racistes au cours de la saison? « Non, au contraire, depuis notre participation aux tournois, nous recevons plusieurs beaux mots de la part des autres entraineurs et des parents des autres équipes. Ils nous disent que nos filles sont belles à voir jouer puisqu’elles persévèrent malgré les défaites. Elles gardent toujours le sourire et leur belle énergie », raconte le trio d’entraineuses. De très bons mots qui prouvent à quel point cette petite équipe partie de rien peut en devenir une remplie d’ambassadrices pour une nation. 

Pratiquant ensemble à peine un peu plus de deux heures par semaine, l’équipe a usé d’imagination pour organiser des activités spéciales tout au long de l’année afin de renforcer l’esprit d’équipe et d’également financer une partie des frais pour participer aux tournois. Des activités telles qu’une soirée BBQ à la plage, une soirée de bingo, une soirée de Noël avec un échange de cadeaux, une partie contre les parents et les enseignants et même une partie de volleyball fluorescente dans le noir! Comme autre moyen pour solidifier l’équipe, les entraineuses ont lancé ce petit rituel après chaque match.

 » Nous remettons aussi un ballon blanc aux filles qui se sont démarquées pour une raison particulière. La personne qui reçoit le ballon blanc peut écrire quelque chose qui est important pour elle sur le ballon et cela deviendra notre ballon de la reconnaissance pour l’année de volleyball ».

Ça donne presque le goût de se joindre à elles n’est-ce pas? 

Questions en rafale aux joueuses:

Comment a été l’accueil des autres équipes lors des premières parties ?

 » Je me sens accueillie. Ils sont bien gentils  » – Lisa-Marie Clary

Qu’aimes-tu le plus des tournois RSEQ ?

 » De pouvoir sortir de la communauté  » – Lewina Chilton Petiquay

 » J’aime jouer contre des nouvelles personnes et voir des nouvelles écoles, des nouveaux gymnases  » – Alexia Donpierre

 » Cela nous permet de faire quelque chose de différent  » – Xia Petiquay

 » Participer dans les tournois RSEQ, cela me motive beaucoup  » – Joyna Bellemare Quoquochi 

De quelle manière est-ce que tu sens que tu t’améliores ?

 » Je m’améliore beaucoup avec mes services  » – Lewina Chilton Petiquay 

 » En regardant les autres, j’apprends. J’apprends d’elles  » – Ghalia Eddaif Chilton

Est-ce que tu sens que tu peux rivaliser contre les autres équipes ?

 » Oui. Même si on n’est pas les meilleures, on arrive quand même à gagner un peu  » – Alexia Donpierre

Quelle sensation ça te fait de représenter la communauté de Wemotaci ?

 » Je me sens fière de jouer, de représenter ma communauté  » – Ghalia Eddaif Chilton

 » Je me sens bien de représenter Wemo  » – Yonah-Kate Flamand

 » C’est le fun de représenter la communauté  » – Joyna Bellemare Quoquochi

Est-ce que tu as été témoin de commentaires déplacés ou racistes depuis le début ?

 » Non, au contraire, on nous a plutôt dit qu’on jouait bien  » – Xia Petiquay

 » Non, même qu’une autre coach d’une autre équipe est venue me dire qu’elle est fière de nous. De nous voir aller. Qu’on ne se décourage pas  » – Joyna Bellemare Quoquochi

 » Non, il y a plutôt un bel esprit d’équipe entre les écoles dans les tournois  » – Mya-Chelsy Ottawa 

 » Non, c’est plutôt très amical et les gens sont gentils avec nous  » – Lisa-Marie Clary 

Est-ce que tu aimerais jouer à Wemotaci et que d’autres équipes viennent jouer aussi ?

 » Oui j’aimerais ça, pouvoir manger à la maison, ne pas avoir à faire la longue route  » – Xia Petiquay

 » Oui j’aimerais ça. Les autres équipes pourraient venir découvrir notre communauté  » – Lewina Chilton Petiquay

 » Oui ! Ils pourraient venir découvrir notre culture  » – Ghalia Eddaif Chilton

Sur cette dernière question, autant les joueuses, les entraineuses que le directeur étaient unanimes sur le fait qu’ils aimeraient tenir un tournoi un jour à Wemotaci pour recevoir les autres équipes et pouvoir partager la culture atikamekw avec eux. Pour y être allé deux fois lors de matchs amicaux avec l’équipe de hockey de mon fils, je recommande fortement cette expérience à tout le monde. La population est chaleureuse et sympathique et nous y sommes accueillis comme des rois. Toutes les écoles de la Mauricie devraient d’ailleurs inclure ce genre de voyage à leur agenda !

La saison au niveau du RSEQ est maintenant terminée, mais l’équipe continue de s’entrainer en vue de matchs maisons contre d’autres communautés ainsi que pour les jeux interscolaires du CEPN (Conseil en Éducation des Premières Nations) qui auront lieu en mai à l’Université Laval de Québec. Les 10-12 ans devaient d’ailleurs intégrer ces pratiques afin d’assurer une certaine relève. Et ce n’est pas tout ! Suite à son grand succès, le programme semble vouloir faire des petits. En effet, une équipe de basketball fut assemblée par la suite et souhaiterait éventuellement rejoindre le RSEQ elle aussi. Selon Monsieur Sasseville-Quoquochi, avec l’engouement créé cette saison, le programme de volleyball sera fort probablement de retour pour la prochaine année scolaire, et l’ouverture est toujours là pour étendre l’offre à d’autres sports. Une bien bonne nouvelle !

Les joueuses qui formaient cette équipe : 

Youana Ambroise, Joyna Bellemare-Quoquochi, Alanah Biroté, Mya-Chelsy Ottawa, Lewina Chilton Petiquay, Lisa-Marie Clary, Bella Coocoo, Beverly Coocoo, Hémi-Yan Coocoo-Boivin, Alexia Donpierre, Ghalia Eddaif-Chilton, Yonah-Kate Flamand, Sokina Newashish, Alexann Petiquay, Mikowinna Petiquay Neashish, Xia Petiquay-Bellemare, Neeyan Petiquay-Biroté.