Services éducatifs déficients dans près de 30 % des garderies évaluées

QUÉBEC — Depuis 2018, près de 30 % des centres de la petite enfance (CPE) et garderies ont échoué à l’évaluation de la qualité éducative préparée par le ministère de la Famille. Ce taux d’échec a atteint 41 % en 2022-2023.

La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a déposé jeudi à l’Assemblée nationale un volumineux rapport à quatre volets qui écorche le ministère de Suzanne Roy.

Mme Leclerc souligne qu’en vertu de la loi, tout enfant a le droit, dans la limite des ressources et places disponibles, de recevoir des services de garde éducatifs personnalisés de qualité.

Toutefois, le ministère est «peu intervenu» auprès des services de garde qui ont échoué à l’évaluation, et les actions correctives mises en place sont insuffisantes, peut-on lire dans son rapport.

En point de presse, elle a établi une «corrélation» entre les taux d’échec et le manque de personnel qualifié; la proportion des garderies n’ayant pas un ratio de deux éducatrices qualifiées sur trois est passée de 32 % à 46 % entre 2018 et 2023.

Après avoir réduit les ratios pendant la pandémie de COVID-19, Québec s’est donné comme objectif un retour graduel à un ratio réglementaire de deux éducatrices qualifiées sur trois d’ici avril 2027.

À ce rythme-là, il sera «pratiquement impossible» d’y arriver, a prédit jeudi la vérificatrice générale devant les journalistes.

Santé et sécurité des enfants

D’ailleurs, le nombre de plaintes relatives «à des attitudes ou des pratiques inappropriées» est passé de 203 en 2018-2019 à 358 en 2022-2023, une augmentation de 76 %, note-t-elle.

Elle donne cet exemple de plainte reçue par le ministère: «Les éducatrices (…) utiliseraient régulièrement la menace, le sarcasme et l’humiliation dans leurs interventions avec les enfants.»

Ou encore: «Grande hostilité (…) tirer le bras d’un enfant, les dents serrées et le visage furieux, déplacer un enfant en le bardassant jusqu’au muret, en le poussant vers le sol.»

Les interventions du ministère sont «insuffisantes pour prévenir les manquements fréquents relatifs à la santé et à la sécurité des enfants», signale Guylaine Leclerc.

Elle fait état dans son rapport de médicaments expirés, de produits nettoyants toxiques mal entreposés et de problèmes concernant la vérification d’absence d’empêchement survenus dans plus de 20 % des inspections.

Il faut savoir qu’un corps de police doit établir si l’éducatrice a déjà eu certains comportements (inconduites à caractère sexuel, comportements violents, omission de fournir les choses nécessaires à la vie).

Si c’est le cas, le ministère ou le service de garde éducatif doit décider si la personne fait l’objet d’un empêchement de travailler dans un service de garde.

Comme si ce n’était pas suffisant, la vérificatrice générale constate également que plus de 15 % des garderies n’ont jamais fait l’objet d’un test visant à mesurer la concentration de plomb dans l’eau.

Le ministère n’assure pas non plus un suivi adéquat des actions mises en place par celles présentant une concentration de plomb trop élevée, conclut-elle dans son rapport.

Par exemple, 90 % des CPE ont été inspectés et 26 % d’entre eux dépassaient la norme.

La ministre Roy se veut rassurante

«On a des chiffres qui nous démontrent que ce dont on était si fiers depuis 25 ans, bien, c’est un réseau qui est en train de se dégrader», s’est insurgé jeudi le porte-parole du Parti québécois pour la famille, Joël Arseneau.

«Le gouvernement, visiblement, veut faire vite, mais pas nécessairement mieux. (…) Ce rapport-là, je pense qu’il est extrêmement douloureux pour le ministère de la Famille, mais également pour les familles qui ont recours aux services de garde», a-t-il ajouté.

Interrogée au Salon bleu jeudi, la ministre de la Famille, Suzanne Roy, a soutenu que «les milieux sont sécuritaires». «On continue l’évaluation de façon constante pour toujours améliorer la qualité à l’intérieur du réseau», a-t-elle déclaré.

Pour sa part, le ministère de la Famille a rappelé que «durant la période couverte par l’audit, les services de garde éducatifs à l’enfance (SGEE) ont dû faire face à la pandémie de COVID-19 et à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent».

«La mobilisation ainsi que les efforts constants et soutenus du réseau des SGEE ont permis d’assurer un service de qualité malgré les enjeux inhérents au contexte de pandémie», a-t-il affirmé.

Réactions des syndicats

Dans un communiqué publié jeudi, l’Association québécoise des CPE (AQCPE) s’est inquiétée du «signal d’alarme sérieux qui est envoyé par une instance neutre».

«Bien qu’il ait aussi des enjeux à relever, le CPE (…) est le modèle qui génère le plus de qualité et qui est le plus susceptible d’assurer la sécurité des enfants. Choisissons-le», a déclaré sa co-directrice générale, Marie-Claude Lemieux.

Le rapport déposé par la vérificatrice générale concernant la qualité des services éducatifs en petite enfance est désolant, ont renchéri la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ).

Elles réclament «que le gouvernement prenne au sérieux les enjeux présents dans le réseau et mette les efforts nécessaires pour maintenir les intervenantes qualifiées en place et ainsi assurer une meilleure qualité des services».

Taux d’échec de la mesure d’évaluation de la qualité éducative:

2022-2023

– CPE: 21 %

– Garderies subventionnées: 57 %

– Garderies non subventionnées: 59 %

– Taux d’échec pour 2022-2023: 41 %

– Cumulatif depuis 2018: 30 %