Loi pour protéger des élus: un organisme craint une application «abusive»

QUÉBEC — La Ligue des droits et libertés (LDL) critique vertement le projet de loi 57 qui vise à protéger les élus contre les menaces de citoyens, prétextant «l’existence de risques sérieux d’atteintes aux libertés fondamentales d’expression, d’opinion et d’association». L’organisme croit également que la pièce législative pourrait faire craindre à des citoyens d’exprimer leur mécontentement contre leurs représentants élus.   

Le projet de loi 57 «ne fait aucunement mention de ces libertés constitutionnelles et le gouvernement ne semble pas en avoir tenu compte dans l’élaboration du projet de loi», peut-on lire dans le mémoire que l’organisme a déposé lors des consultations sur la pièce législative mardi. 

La LDL dit observer des «reculs démocratiques et la limitation des espaces de contestation» qui «s’accentuent depuis plusieurs années au Québec» et qui lui font «craindre légitimement une application abusive de la nouvelle loi proposée». 

«Énoncés trop larges»

Le projet de loi déposé par la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, prévoit notamment qu’une personne qui entrave l’exercice des fonctions d’un élu municipal ou d’un député en le menaçant, en l’intimidant ou en le harcelant de façon à lui faire craindre pour son intégrité ou sa sécurité serait passible d’une amende entre 500 et 1500 $.

«À cet égard, la nouvelle loi contient des dispositions aux énoncés trop larges et ne distingue pas, d’une part, les menaces avérées envers des personnes élues et, d’autre part, la contestation sociale qui est au cœur d’une société démocratique et de l’action politique en faveur de la justice sociale et de la défense des droits humains», dit la LDL. 

La ligue affirme que des outils existent déjà pour protéger les élus. On indique par exemple qu’il existe des mesures contre l’intimidation, les menaces et le harcèlement dans le Code criminel.  

«La création de nouvelles infractions pénales spécifiques à la réalité des élu-e-s nous apparaît donc mal avisé pour la préservation des institutions démocratiques, car en plus de rater l’objectif d’agir sur la problématique visée, elles dissuaderont les citoyen-ne-s d’employer des moyens d’expression et de contestation légitimes», indique-t-on. 

L’organisme déplore également que les consultations sur la pièce législative soient de trop courte durée, selon elle.  

«Alors que le projet de loi 57 prétend viser à protéger les institutions  démocratiques, il est paradoxal qu’il laisse plutôt entrevoir des atteintes aux libertés constitutionnelles ainsi qu’à la participation citoyenne.»

Lors des consultations de mardi, la ministre Laforest a défendu son projet de loi en assurant qu’il ne concernait que les «cas extrêmes» et les «situations abusives». 

L’Union des municipalités du Québec (UMQ), la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ainsi que la Ville de Montréal se sont prononcées en faveur du projet de loi du gouvernement. 

L’UMQ a demandé que la pièce législative soit renforcée afin de faciliter l’identification des cyberharceleurs qui se cachent derrière des faux comptes sur les réseaux sociaux.  

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, s’oppose également au projet de loi 57, en évoquant, lui aussi, des risques  pour la liberté d’expression.