L’attaque à l’Université de Waterloo n’était pas du terrorisme, tranche le tribunal

L’attaque de masse au couteau perpétrée dans une classe d’études des genres de l’Université de Waterloo ne constituait pas une attaque terroriste, mais un crime haineux «particulièrement grave» visant à créer un sentiment d’insécurité dans ces lieux, a statué lundi une juge ontarienne qui a condamné l’agresseur à 11 ans de prison.

La juge qui a condamné Geovanny Villalba-Aleman a déclaré à un tribunal de Kitchener, en Ontario, que les preuves dans cette affaire ne prouvaient pas hors de tout doute raisonnable que sa haine envers la communauté LGBTQ+ s’était cristallisée en idéologie, ce qui est l’une des conditions pour conclure à un acte de terrorisme.

Cependant, la juge Frances Brennan, de la Cour de justice de l’Ontario, a conclu que la haine envers cette communauté était la «principale motivation» de l’agression au couteau de juin 2023, ce qui constitue une circonstance aggravante importante.

Mme Brennan a déclaré que «M. Villalba-Aleman a planifié cette attaque. Il a publié une déclaration vantarde et haineuse faisant état de son intention et a commis le délit dans une salle de classe universitaire, sans doute pour attirer l’attention du public sur son crime».

La magistrate a ajouté qu’il «ne s’agissait en aucun cas d’un acte impulsif», insistant sur le fait que l’accusé a agi de façon «délibérée et calculée». «Il avait l’intention de semer la terreur, et il l’a fait», a tranché Mme Brennan.

Villalba-Aleman, 25 ans, avait plaidé coupable à deux chefs d’accusation de voies de fait graves, un chef d’accusation d’agression armée et un chef d’accusation de voies de fait causant des lésions corporelles lors de l’attaque qui a blessé une professeure et deux étudiants à l’arme blanche.

Avec les déductions pour le temps déjà passé en détention, il risque près de sept ans et sept mois de prison. La juge Brennan a ordonné qu’il purge au moins la moitié de sa peine avant d’être admissible à la libération conditionnelle.

La juge a déclaré qu’un crime haineux planifié est considéré comme plus grave qu’un crime commis sur un coup de tête, et que la planification d’un crime dans le but d’attirer l’attention du public est une circonstance «extrêmement aggravante».

Le jeune âge de Villalba-Aleman et l’absence de casier judiciaire sont des facteurs atténuants, tout comme ses plaidoyers de culpabilité et le fait qu’il ait exprimé des remords pour ses actes, que la juge a dit avoir acceptés comme sincères.

Le tribunal a appris que Villalba-Aleman s’était rendu dans une salle de classe cet après-midi-là et avait demandé quelle matière y était enseignée. Lorsqu’il a appris qu’il s’agissait d’un cours d’études des genres, il a sorti deux couteaux de cuisine de vingt centimètres et a attaqué la professeure, la poignardant au visage et au bras, selon un exposé conjoint des faits lu précédemment au tribunal.

Deux étudiants ont été poignardés, et un autre étudiant que Villalba-Aleman a tenté de poignarder a réussi à s’enfuir sans blessure, rappelait également le déroulé des faits.

La professeure, Katy Fulfer, a dû subir une chirurgie reconstructive et a confié que l’agression l’avait laissée en état de vigilance constante.

Le tribunal a appris que Villalba-Aleman s’était d’abord fait passer pour une victime à l’arrivée de la police sur les lieux, avant d’admettre être à l’origine de l’agression.

Il faisait initialement face à 11 accusations dans cette affaire.

Une attaque qui n’«avait rien de personnel»

Une partie de son entretien avec la police a été diffusée au tribunal lors de l’audience de détermination de la peine l’automne dernier. Villalba-Aleman y expliquait avoir choisi ce cours en raison de la matière enseignée, mais ne connaître ni le professeur ni les étudiants.

L’agression n’avait «rien de personnel», mais visait à envoyer un message aux progressistes qui, selon lui, réduisaient les autres au silence, a-t-il déclaré.

Villalba-Aleman a déclaré à la police qu’il n’avait aucun préjugé à l’égard de la communauté LGBTQ+ et qu’il se fichait de l’identité des personnes, mais qu’il craignait qu’elles n’endoctrinent les autres, a pu apprendre le tribunal.

La police a également trouvé sur son téléphone un manifeste que la juge a qualifié lundi de «bourré d’insultes» et contenant des «propos extrêmement désobligeants» à l’encontre de plusieurs groupes, notamment les féministes, les personnes transgenres, les défenseurs de la justice sociale et la Chine.

Bien qu’il ait affirmé n’avoir aucun préjugé fondé sur l’orientation ou l’identité sexuelle, ses autres commentaires et le manifeste soulignent son mépris et sa haine envers ce groupe, a pointé la juge Brennan dans sa décision.

«Il a choisi ce cours parce qu’il enseignait des points de vue sur l’identité de genre qu’il abhorrait clairement, a-t-elle déclaré. Le fait qu’il ait tenté de modérer ce langage dans sa déclaration à la police n’enlève rien au vitriol sans nuance de son manifeste.»

Pourtant, les preuves ne suffisent pas à prouver que ses opinions constituaient une idéologie, a nuancé la juge, ajoutant que son manifeste est «autant l’expression d’une vision du monde globale qu’une assiette cassée est une mosaïque».

La juge a rejeté l’argument de la défense selon lequel la maladie mentale aurait contribué aux actes de Villalba-Aleman, estimant que le psychologue qui l’avait évalué dans le cadre du processus de détermination de la peine manquait d’informations clés, notamment son dossier médical et la vidéo de sa déclaration à la police.

La Dre Smita Vir Tyagi a témoigné que Villalba-Aleman semblait être dans une spirale infernale et aurait pu vivre une crise psychotique dans les semaines précédant l’agression.

La juge a affirmé que, selon elle, sa situation personnelle – une vie isolée avec peu d’amis et aucune famille à proximité, doublée d’un stress scolaire et d’une pression financière croissants – permet mieux de «comprendre les raisons pour lesquelles il a commis ces infractions».

Villalba-Aleman est arrivé au Canada en provenance d’Équateur en tant qu’étudiant international en 2018 et fera éventuellement l’objet d’une mesure d’expulsion, a-t-on appris au tribunal.