La Cour réexamine l’accès à la psilocybine pour la formation des professionnels

Le Canada a violé les droits de centaines de patients en attente d’accès à une psychothérapie assistée par la psilocybine (champignon magique) en rejetant les demandes de professionnels de la santé de consommer cette drogue restreinte à des fins de formation, a déclaré mardi un avocat des professionnels devant la Cour fédérale.

Nicholas Pope a souligné qu’il n’y avait pas suffisamment de professionnels de la santé autorisés à fournir une psychothérapie assistée par la psilocybine et que la décision de Santé Canada signifie que les patients pourraient avoir de la difficulté à accéder aux thérapeutes offrant le traitement.

Me Pope a présenté les arguments dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de Santé Canada de juin 2022 qui a rejeté les demandes de 96 professionnels de la santé de posséder et de consommer de la psilocybine – le composé psychédélique produit par les champignons magiques – dans le cadre d’une formation pour obtenir une licence pour prescrire le médicament.

Les travailleurs de la santé – dont des médecins, des psychologues, des conseillers cliniques, des travailleurs sociaux et des infirmières – avaient demandé une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Me Pope a déclaré que les travailleurs veulent que le tribunal ordonne à Santé Canada de retirer son rejet des demandes d’utilisation du médicament.

«Des milliers de patients à travers le Canada qui souffrent de dépression résistante aux traitements, de trouble dépressif majeur et de détresse en fin de vie ont essayé d’innombrables traitements et médicaments, mais n’ont trouvé aucun soulagement», a-t-il fait valoir au tribunal.

«Chaque jour qui passe, le retard augmente le risque de préjudice … Six des patients sur liste d’attente ont témoigné qu’ils avaient envisagé ou tenté de se suicider.»

La psychothérapie assistée par la psilocybine consiste à ingérer des substances altérant la conscience, comme la psilocybine, dans un cadre clinique dans le contexte d’une psychothérapie plus traditionnelle. Un praticien clinique formé et agréé fournit ensuite une thérapie qui guide les patients lorsqu’ils ressentent les effets de la psilocybine.

Me Pope a cité dans ses arguments plusieurs études évaluées par des pairs qui ont révélé qu’une telle psychothérapie peut traiter en toute sécurité et efficacement des patients souffrant de douleurs psychologiques et physiques qui sont autrement résistantes à d’autres traitements.

En 2020, Santé Canada a commencé à accorder des exemptions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances aux patients souffrant de détresse psychologique en fin de vie, de dépression résistante aux traitements et de trouble dépressif majeur.

En décembre 2020 et janvier 2021, Santé Canada a accordé des exemptions à 19 praticiens de la santé pour consommer et posséder de la psilocybine dans le cadre d’un programme de formation en psychothérapie assistée par la psilocybine, offert par TheraPsil, un organisme à but non lucratif qui offre une formation aux praticiens de la santé et travaille avec des patients pour obtenir de la psilocybine.

«Les professionnels de la santé ont signalé que la formation a amélioré leur capacité à traiter les patients, et aucun effet négatif n’a résulté de cette formation ou des exemptions», ont indiqué des documents soumis au tribunal par les professionnels de la santé.

Pas assez de professionnels formés pour la demande

Lors de l’audience de mardi, Me Pope a déclaré que depuis 2020 environ 80 Canadiens avaient ingéré des psychédéliques pour traiter leur douleur, avec la permission du gouvernement. 

Des centaines d’autres personnes se renseignent quotidiennement pour soulager leur anxiété, leur dépression, leurs idées suicidaires, leur trouble lié à l’utilisation d’opioïdes, leur trouble de stress post-traumatique ou d’autres maladies, a-t-il ajouté. 

«Mais il n’y a pas assez de professionnels dans le pays pour fournir le traitement», a souligné Me Pope.

«Deux praticiens de la santé du Manitoba ont demandé des exemptions. Si ces deux exemptions étaient approuvées, les patients qui n’ont autrement pas de praticiens de la santé qualifiés dans un rayon de milliers de kilomètres pourraient avoir accès à la psychothérapie assistée par la psilocybine.»

Les professionnels de la santé soutiennent que l’arriéré de patients ayant besoin de ce service est si énorme que les médecins canadiens qui sont actuellement formés à la thérapie n’ont pas la capacité de répondre à la demande.

Me Pope a également déclaré que des rapports indiquait que des personnes non formées offrent une thérapie à la psilocybine «et que les gens souffrent».

L’avocat a noté que Santé Canada avait exhorté les professionnels de la santé à participer à un essai clinique existant ou à créer le leur, mais cela ne fonctionne pas pour plusieurs raisons.

La première est que les essais existants sont coûteux et peu pratiques en termes de calendrier et de lieu, a expliqué Me Pope. Certains professionnels ne souhaitent pas non plus participer aux essais existants, car ils se concentrent sur la recherche sur la psilocybine, un problème éthique potentiel pour les professionnels dont l’objectif est la formation.

Yassie Pirani, une conseillère clinique agréée basée à Vancouver qui participe au dossier, a déclaré lors d’un entretien téléphonique qu’il est «absolument essentiel» pour les experts qui soutiennent les patients pendant leur psychothérapie de faire eux-mêmes l’expérience des psychédéliques.

«On pense qu’en faisant l’expérience directe de cet état de conscience non ordinaire, les thérapeutes … seront mieux en mesure d’intervenir et, plus important encore, de savoir quand ne pas intervenir», a-t-elle expliqué. 

Il existe des médicaments que les médecins prescrivent actuellement, par exemple, qui peuvent entraîner un dysfonctionnement sexuel irréversible, mais «la psilocybine a beaucoup moins de risques et cela est connu dans la recherche», a fait savoir Mme Pirani, qui aide à traiter l’anxiété et la dépression.