Brian Mulroney est le dernier chef conservateur à obtenir une majorité au Québec
OTTAWA — Si l’on demande à l’un des principaux rivaux politiques de Brian Mulroney d’identifier la plus grande réussite de l’ancien premier ministre, sa réponse est celle d’une percée remarquable au Québec.
Jean Chrétien cite la percée de M. Mulroney en 1984, qui a donné aux progressistes-conservateurs la plus grande victoire majoritaire de l’histoire du Canada.
Cette victoire a également accaparé 58 des 75 sièges du Québec à l’époque, un exploit impressionnant pour un parti conservateur.
L’ancien premier ministre, décédé jeudi à l’âge de 84 ans, savait qu’il avait accompli quelque chose de remarquable lorsqu’il est monté sur scène le soir de sa victoire électorale.
Il a promis un «nouveau jour pour le Québec» dans son discours et a souligné sa décision de briguer un siège dans la province, renonçant à celui de la Nouvelle-Écosse qu’il avait obtenu lors d’une élection partielle de 1983.
S’adressant à la foule en français, M. Mulroney a déclaré qu’il était entré en politique au Québec «par la grande porte», choisissant de le faire dans sa circonscription natale. La salle a éclaté sous les applaudissements.
M. Mulroney était un fils du Québec, a déclaré M. Chrétien – mais un anglophone, ce qui le plaçait en minorité.
Né à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord, il fut le premier Québécois à diriger le Parti progressiste-conservateur au XXe siècle.
Depuis lui, aucun chef conservateur n’est passé près du résultat qu’il avait obtenu au Québec : le parti conservateur moderne n’a pas encore battu son sommet de 2015, alors qu’il a obtenu 12 sièges dans la province.
Après les dernières élections fédérales de 2021, au cours desquelles M. Mulroney a fait une apparition aux côtés du chef conservateur de l’époque, Erin O’Toole, au Québec, le parti a terminé avec seulement 10 sièges dans la province.
Le stratège politique Rudy Husny affirme que la passion de M. Mulroney était l’un des principaux facteurs qui l’ont fait aimer des Québécois.
«Au Québec, les gens sont plus émotifs, surtout lorsqu’ils votent, a-t-il déclaré en entrevue vendredi. Surtout quand ils écoutent et observent les dirigeants, ils veulent voir de la passion (…) et quand on regarde Mulroney, c’est ce qu’on a.»
«On pouvait voir toute sa passion, toute son énergie», a-t-il fait valoir.
La victoire électorale ultérieure de M. Mulroney en 1988 était la dernière fois qu’un parti conservateur envoyait des députés élus sur l’île de Montréal, a ajouté M. Husny.
Les appuis du parti conservateur moderne dans la province se situent désormais principalement autour de la ville de Québec, même si le parti voit un terrain fertile dans la banlieue autour de Montréal.
Avant de remporter la majorité en 1984, M. Mulroney s’était présenté comme la réponse dont l’ancien parti avait besoin pour mettre fin au blocage du Québec qui durait depuis des années.
Le passage du parti dans le désert de l’opposition est dû à son échec à convaincre les régions francophones du pays, a-t-il déclaré dans un discours de 1980.
Pour les conservateurs d’aujourd’hui, cela demeure un défi.
La victoire majoritaire de Stephen Harper en 2011 est due en grande partie à sa performance dominante dans la banlieue de Toronto, remportant seulement cinq sièges au Québec.
Les successeurs de M. Harper à la tête du parti, dont MM. O’Toole et Andrew Scheer, n’ont pas mieux réussi à convaincre les électeurs francophones.
Entre en scène maintenant Pierre Poilievre, un leader parfaitement bilingue qui a été élevé par un père issu d’une communauté francophone de la Saskatchewan.
Son épouse, Anaida, a grandi à Montréal, la ville vers laquelle sa famille a émigré du Venezuela lorsqu’elle était enfant.
Il s’agit d’une histoire personnelle qui devrait être très utile à M. Poilievre alors qu’il cherche à raviver le soutien des conservateurs au Québec à l’occasion des prochaines élections fédérales.