Lettre à Monsieur le curé

Bonjour Marc,
Je n’aurais jamais pensé qu’un jour j’écrirais au curé de mon patelin natal pour lui exprimer mon désaccord avec certains de ses positionnements. J’ai un petit malaise, qui ne tient pas à ton titre de curé, mais du fait que les quelques fois où j’ai eu le privilège de te rencontrer, d’écouter ton discours, j’étais très admiratif envers toi. J’ai de toi l’idée d’un jeune curé plein de hardiesse, capable de faire le tour de son grand territoire diocésain en « bicycle à gaz », qui plus est, a le sens de l’humour, le contact facile… un passionné du bon Dieu, que tout le monde aime.
 

Mais pour une fois, je dois t’avouer que ce positionnement exprimé dans le journal local le 28 août dernier m’a secoué. Je l’étais d’autant plus lorsque je suis passé par le centre-ville le lendemain et j’ai vu les clôtures de protection devant la façade de l’église.

J’ai compris par cet article Marc que le choix de se départir de l’Église St-Zéphirin est arrêté… ou sera décidé lors d’une rencontre le 13 septembre prochain. Mais, lorsqu’un curé adulé de ses concitoyens exprime publiquement : « … les catholiques (et la population aussi d’une certaine manière) auront à choisir entre la belle église et le curé si jamais on oublie la mission pour laquelle je me suis consacrée. Je n’ai pas voulu devenir prêtre pour sauver des châteaux… »

Par ces propos, j’ai la profonde conviction que le curé que tu es vient de décider du sort de l’église St-Zéphirin. Comme le disait un de mes professeurs de philo, « celui qui a le pouvoir d’influencer une décision a souvent plus de pouvoir que ceux et celles qui prendront la décision. » Et je te sais assez intelligent, pour être capable de mesurer le pouvoir d’influence de ces paroles sur la communauté Latuquoise. À cet égard, je sais aussi que mon propos aura peu de poids dans le « choix » des citoyens du 13 septembre, mais je voulais exprimer un regard plus distancé- du fait que je ne sois plus résident de La Tuque, mais toujours épris pour le coin de pays de mon enfance et sensible à son développement et son avenir.

Cette comparaison de l’église St-Zéphirin avec le château est à mon sens inapproprié… et je suis convaincu que les citoyens de La Tuque ne voient pas leur église comme un château, mais comme un bâtiment signifiant pour eux. Un bâtiment qui porte dans ses bras, l’histoire d’une petite collectivité, ses joies comme ses peines, qui est la mémoire aussi des grands passages de vie des citoyens : naissance, petite communion, communion solennelle, célébration de mariage, office funéraire… un bâtiment dont ils sont fiers. 

Par ailleurs, depuis le début de la Nouvelle-France le cœur du village s’est toujours établi autour de l’église, laquelle a toujours été une figure dominante, point de repère pour situer le cœur et l’âme de la ville ou du village. 

Depuis quelques années, l’engagement plus marqué des membres du conseil municipal et ses administrateurs, conjugué aux efforts de commerçants et de leaders dynamiques ont su dynamiser le centre-ville et atténuer son air tristounet. Je crois, que ce projet de se départir de l’église St-Zéphirin viendra porter un dur coup à ceux et celles qui tentent revitaliser le centre-ville. J’ai peine à croire que le visiteur ou le citoyen qui verront l’entrée principale clôturée de l’église et le bâtiment laissé à l’abandon aura le sentiment que Ville de La Tuque, constitue une ville dynamique et pleine d’avenir.

Je comprends qu’un bâtiment comme celui de l’église St-Zéphirin devient onéreux à conserver, mais je demeure convaincu qu’avec la synergie du conseil municipal et des groupes de commerçants, des groupes sociaux, des citoyens….tous les efforts devraient être tentés pour sauvegarder l’église St-Zéphirin. Il faut alléger la charge financière de ce bâtiment pour le diocèse, cela est une évidence. Pour ce faire, il faut chercher à donner à ce bâtiment une vocation multiple. Il faut poursuivre sa mission première de lieu de culte, mais à mon avis, le presbytère pourrait être cédé pour en faire des résidences pour personnes âgées ou lieux d’hébergement touristiques avec un café-restaurant. Pourquoi ne pas examiner avec Ville de la Tuque des espaces pour les organismes communautaires, sociaux ou services publics. Ex. des locaux réservés pour la bibliothèque municipale.

Mes salutations respectueuses, Marc et je t’invite à poursuivre ton excellent travail.

Gaston Croisetière 

N.D.L.R. Les propos rapportés dans ce texte n’avaient pas paru dans L’Écho de La Tuque, mais dans un autre média.