Compressions de 300 millions $ : les municipalités ont assez contribué!
OPINION. Lors de son discours d’assermentation, en mai dernier, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a réitéré l’engagement pris lors du Sommet sur le milieu municipal en confiant au ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Pierre Moreau, le mandat « de renégocier, dès cette année, l’entente de partenariat fiscal et financier avec le milieu municipal (…) pour transformer les relations Québec-municipalités (…) en s’inspirant du Livre blanc de l’UMQ ».
Malheureusement, pour nous qui espérions voir des signaux concrets en faveur d’une transformation en profondeur des relations Québec-municipalités, la déception a été amère. En pleine période de préparation de leur budget pour l’an prochain, les élus municipaux du Québec ont en effet appris sans préavis que les transferts qu’ils reçoivent de Québec seraient amputés de 300 millions $, soit en moyenne 1,2 % de leur budget, et ce, dès le 1er janvier.
Ces compressions importantes feront évidemment très mal et entraîneront des sacrifices importants pour l’ensemble des municipalités au Québec. Celles-ci auront à faire les choix budgétaires qu’elles jugent appropriés à cet égard en fonction de leur taille, de leur situation financière et économique et de leurs réalités régionales, et en seront imputables devant leurs citoyens.
Québec a maladroitement banalisé l’impact des coupes pour le monde municipal et les contribuables, en soulignant que les municipalités disposaient de surplus totalisant 1,3 milliard $ qui leur permettraient d’absorber ces compressions. Il a toutefois omis de mentionner que les municipalités ne peuvent légalement faire de déficit et doivent donc mathématiquement générer des surplus qui, de surcroît, ne sont pas libres, demeurent bien contrôlés et ne représentent que 7 % de leur budget (à titre comparatif, les surplus des municipalités ontariennes sont de l’ordre de 16 %).
Rappelons, par ailleurs, que le monde municipal est déjà passé plus souvent qu’à son tour à la caisse au cours des dernières années. Pensons, par exemple, aux pertes de 235 millions $ liées aux modifications unilatérales des normes comptables pour les municipalités en 2013, à l’écart de 300 millions $ à combler par rapport au remboursement complet de la taxe de vente du Québec, ou encore au recul du gouvernement sur la pleine compensation pour la collecte sélective.
Soyons clairs : les élus municipaux ne vivent pas dans une bulle et comprennent la réalité budgétaire difficile avec laquelle doit composer le gouvernement. C’est pourquoi, plutôt que de livrer une guerre inutile qui n’aurait rien apporté de plus ou d’accepter passivement ces coupes importantes, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a choisi de faire preuve de pragmatisme et de sens des responsabilités. C’est pourquoi elle a consenti à contrecœur à ces réductions budgétaires temporaires imposées par Québec et a entrepris des discussions avec le gouvernement pour s’assurer de protéger les municipalités.
En contrepartie de sa signature au bas de ce pacte fiscal, l’UMQ s’est cependant assurée d’obtenir un engagement ferme de la part du ministre Moreau afin que la prochaine entente fiscale et financière, qui entrera en vigueur en 2016, soit véritablement négociée entre le gouvernement et les représentants municipaux et prenne en considération les demandes prioritaires du monde municipal.
À cet égard, on peut penser, notamment, à un partage des redevances sur les ressources naturelles, à une simplification des processus de reddition de comptes et à l’adoption d’une Loi sur les gouvernements de proximité.
Certes, les élus municipaux du Québec sont, avec raison, déçus du pacte fiscal transitoire. Il est cependant essentiel, au cours des prochains mois, que le monde municipal fasse fi de ses divergences de vues, se montre solidaire et mise sur les consensus qui le rassemblent. C’est de cette façon qu’il parviendra à la reconnaissance qu’il mérite et à sa pleine autonomie, et ce, afin d’assurer son avenir et de garantir la prospérité et la qualité de vie future de ses citoyens.
SUZANNE ROY,
PRÉSIDENTE DE L’UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC