Crise du logement: agir avant de frapper le mur 

LA TUQUE.  La Mauricie vit sa plus grande crise du logement des 19 dernières années, et le phénomène s’est accéléré farouchement depuis la pandémie. Grâce à une initiative de Chantier logement Haut-St-Maurice, le Consortium en développement social de la Mauricie a présenté les résultats d’une étude sur le logement ainsi que les pistes de solutions qui peuvent être apportées.

L’événement s’est déroulé au Complexe culturel Félix-Leclerc le mardi 16 avril dernier et une trentaine de personnes s’était déplacée pour l’occasion, autant des employés municipaux, que des représentants d’organismes, des propriétaires d’immeubles et des citoyens curieux.

« On est à vivre la plus grande crise du logement en Mauricie au cours des 19 dernières années, soutient Stéphanie Milot, coordonnatrice du Consortium en développement social de la Mauricie. Toutefois, il faut dire que la situation est moins pire à La Tuque comparativement à Shawinigan ou Trois-Rivières. L’objectif de l’étude était de faire un portrait de l’habitation avec la réalité vécue par des groupes de population qui peuvent vivre des besoins particuliers. »

Lise St-Germain, directrice du Centre de recherche sociale appliquée (CRSA) qui a participé à l’étude pour le consortium, indique que la crise dépasse le Québec et le Canada. « C’est une crise planétaire! Ce sont les transformations systémiques du marché de l’habitation globalement qui impactent sur d’autres enjeux de logement avec un effet d’entonnoir, entre autres, sur les populations le plus dans le besoin. Quand il n’y a plus de logements, et que les coûts explosent, on tombe dans un effet d’entonnoir. »

L’étude permet d’apprendre qu’il existe certaines particularités pour La Tuque, comparativement à d’autres villes de la Mauricie. Notamment, la crise du logement a d’abord été perçue à Trois-Rivières en 2019 avec une chute drastique du taux d’inoccupation. À Shawinigan, le taux est passé en 2020 de 5,8%, à 2,6% en 2021, et à 0,7% en 2023. Pour La Tuque, le taux était de 8% en 2019, de 5,5% en 2020. Toutefois, les données ne sont pas assez fiables pour le comparatif de 2023. On indique que le prix moyen d’un loyer à La Tuque en 2021 était de 549$.

« En scrutant les petites annonces, on s’aperçoit par contre qu’il n’y a pas ou presque pas de logements à louer à La Tuque », ajoute Mme Milot.

Un autre fait marquant pour l’agglomération est la présence autochtone. La proportion des Autochtones est passée à 29,9%, et pour le centre urbain de La Tuque, le nombre d’Autochtones a doublé entre 2016 et 2021 pour atteindre 18% de la population.

Le nombre de ménages en attente est passé de 11 au 31 décembre 2021 à une soixantaine en mars 2023.

« L’objectif est d’ouvrir les conversations avec des groupes pour trouver des pistes de solutions, poursuit Mme Milot. C’est une amorce d’un travail qui est à faire pour ajuster les stratégies sur chacun des territoires à partir des partenaires qui sont présents. On peut déjà des leviers facilitants comme des programmes provinciaux et municipaux. C’est un coffre à outils d’arguments qu’on présente. Il ne faut pas oublier que le logement communautaire et social est une solution à la crise. Au Québec, nous avons seulement 10% de logements communautaires qui existent, en termes d’équilibre on voit qu’il y a un problème. »

Le constat d’un propriétaire

Présent à la rencontre, un propriétaire de plusieurs immeubles à La Tuque indiquait qu’il ne faisait pas la promotion de ses logements à louer publiquement, puisqu’il est souvent l’objet de représailles lorsqu’il le fait, La Tuque étant un petit milieu où tout le monde se connaît.

« Ça fait huit ans que je suis dans l’immobilier à La Tuque. La crise du logement est omniprésente depuis plusieurs années, mais c’est devenu pire lors des deux dernières années. Il y a plus d’immigrants, plus de retraités, et plus d’Autochtones. Je dois avoir de 8 à 12 appels par semaine qui cherchent des loyers. En plus, il y a eu beaucoup de séparations avec la Covid. Ça fait une famille qui cherche un appartement. Je n’ai aucun loyer de libre présentement, comparativement à 1 appartement sur 5 il y a 5 ans. Les seuls loyers qui sont inoccupés à La Tuque sont insalubres. En ce qui concerne les Autochtones, je dois avoir le même pourcentage de locataires dans mes appartements que le pourcentage d’Autochtones à La Tuque, soit 18% », commente le propriétaire qui désirait conserver l’anonymat.