Le juge dénonce l’étroitesse du palais de justice

Rebondissement sans précédent jeudi au palais de justice de La Tuque alors que le juge Richard Poudrier s’est retiré de la cause concernant la présumée trafiquante Lucette Boisvert puisqu’il a subi des pressions provenant de la fille de l’accusée.

Il faut savoir que la cause de Lucette Boisvert devait être entendue plus tôt en semaine, mardi, mais qu’elle avait été reportée à jeudi pour permettre la communication de la preuve entre les avocats.

Mme Boisvert avait été arrêtée lors de l’opération Déluge en avril 2011, mais elle a été arrêtée de nouveau en mai dernier, toujours concernant les stupéfiants. Elle est détenue depuis le 11 mai dernier. C’est l’avocat de la défense Me Denis Otis qui a expliqué les faits devant l’audience avant de laisser la parole au juge Poudrier.

« Avant d’aller plus loin, il faut dire que sans l’événement de ce matin (jeudi), les avocats se seraient probablement entendus, commente le juge Richard Poudrier. C’est très clair, un juge ne doit pas subir de pressions. Il est impartial. La seule façon dont les personnes peuvent influencer un juge, c’est par le biais de son avocat. L’indépendance judiciaire est la chose la plus importante dans notre système de justice. Ici à La Tuque, il n’y a aucun accès direct au palais de justice. Il s’agit d’une configuration particulière. En plus, je dois passer devant tout le monde dans les corridors, dont certaines personnes à qui je dois donner un jugement, ce qui est anormal. »

Le juge a ensuite expliqué que la fille de Lucette Boisvert l’a interpellé jeudi matin dans le stationnement souterrain situé au Carrefour La Tuque, qui abrite le palais de justice.

« Sa fille m’a dit bonjour, puis elle m’a demandé si elle pouvait me poser une question. J’ai répondu non parce que je l’avais reconnu et je me doutais bien de sa question. Elle m’a ensuite fait une remarque sur la sentence de la poursuite en la comparant avec des cas d’agressions sexuelles. Pourquoi s’adresser à un juge de cette façon, si non que pour l’influencer? Je n’ai pas aimé du tout. Ça causait du tort pour une peine non rendue. Je suis monté au palais de justice et j’ai demandé à rencontrer les deux procureurs. Il doit y avoir justice et apparence de justice. Je ne me saisirais donc pas du dénouement du dossier pour sauver l’apparence de justice. »

Dénonciation du retrait des travaux

Le juge Poudrier a renchéri concernant la configuration du palais de justice. « S’il y avait eu un corridor restreint comme à d’autres palais de justice, ça ne serait pas arrivé. Je déplore que les travaux soient encore non réalisés alors que plusieurs fois on nous annonçait une meilleure configuration. J’espère que les travaux du corridor d’accès soient faits le plus tôt. »

Remise de la cause

Comme il est impossible pour un juge à La Tuque de se faire remplacer, la cause a été remise le 4 septembre prochain au palais de justice de Shawinigan. « Ça sera plus facile d’entendre la cause rapidement à Shawinigan », conclut le juge Richard Poudrier.

De son côté, comme son bureau est situé à Roberval, Me Otis en défense s’est aussi retiré. « C’est plus difficile d’aller représenter ma cliente à Shawinigan. Je lui ai expliqué la situation, et ma cliente comprend que je devrais cesser de la représenter », a commenté Me Otis. Lucette Boisvert a alors éclaté en sanglots dans la boîte des détenus.

Une cascade de report

En raison de toutes ces circonstances qui ont chamboulé l’horaire prévu jeudi, les sentences pour Claude Tremblay et Jason Charland, aussi accusés dans le cadre de l’opération Déluge, devront revenir à la cour le 20 novembre prochain. « Ces messieurs ont le droit d’être écoutés avec tout le temps qu’on leur doit, et je ne pense pas que l’on puisse faire vite et bien », soulignait Me Otis au juge.