Histoire d’amour et de haine

ROMAN. Dans son deuxième roman Ma sœur chasseresse, le Latuquois Philippe Arsenault met en scène un personnage exilé en Chine qui entretient un certain mépris à l’égard du Québec. Malgré cette aversion, la Mauricie, et en particulier La Tuque, demeure pour lui un doux refuge. En fait, ce personnage… c’est un peu lui.  

Le rapprochement entre le protagoniste et l’auteur est évident. Élevés à La Tuque, tous deux sont des auteurs qui ont habité l’Asie pendant plusieurs années… on ne s’y trompe pas.

«J’ai un peu pris le cadre de ma vie, que j’ai rempli avec de la fiction», concède Philippe Arsenault. «Le narrateur a des paramètres d’existence qui sont à peu près les miens, mais ce n’est pas autobiographique», précise-t-il.

Dans Ma sœur chasseresse, l’auteur Roé Léry, de passage au Québec pour assister à la messe commémorative d’un ami à La Tuque, rencontre une doctorante en histoire à Montréal. Ensemble, ils tenteront d’accéder au tombeau de Jeanne Mance, première infirmière laïque au Canada, dans le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal.

Le goût de l’intelligence

N’ayons pas peur des mots: Roé Léry est un personnage méchant. Il affiche ouvertement «le dégout de sa propre filiation, la haine de son peuple», peut-on lire sur la quatrième de couverture. Dès les premières pages, on découvre que le personnage cultivé a quitté le Québec parce qu’il n’aimait pas son contexte intellectuel.

Si le fil des événements n’est pas autobiographique, en revanche, les réflexions éditoriales du roman, elles, sont bien assumées. La Chine et Philippe Arsenault, c’est un peu une histoire d’amour. «J’ai tout aimé de ce pays, les gens, le décor. Quand je suis revenu ici, après neuf ans, c’était en sachant que j’y retournerais», avoue-t-il. «Je ne cite pas la Chine en exemple, précise-t-il, c’est une dictature, c’est un pays qui fait face à plusieurs défis pour l’avenir. Ce qui m’apparait louable toutefois, c’est le rapport qu’ont les Chinois avec l’éducation.»

Pour Philippe Arsenault, la clé du succès d’un individu, et d’un peuple, passe par son éducation et son goût pour l’intelligence. C’est ce qu’il manque au Québec à son avis. «Le taux d’analphabétisme fonctionnel chez les adultes est de 54% au Québec. La tragédie, c’est que ce taux augmente. C’est terrible, c’est le contraire du progrès! Nous devrions être obsédés par cette question», s’emporte-t-il. «Ça va nous tuer à terme.»

La Tuque, c’est la maison

À son retour, après neuf ans en Chine, Philippe Arsenault s’est senti un peu étranger dans son propre pays. «Il n’y avait qu’à La Tuque que je me sentais à la maison.»

Ce sentiment se reflète dans son roman, à travers son personnage qui y étale son amour pour sa ville et sa région natale. «Il dit beaucoup de mal du Québec, il est très violent, mais quand il arrive à La Tuque son rapport au Québec change. C’est très élogieux. J’ai essayé de faire ça le plus beau possible parce que c’est vrai que j’aime beaucoup ma ville et je voulais bien la mettre en scène», révèle-t-il.

Son premier livre Zora, un conte cruel, écrit pendant son périple, a remporté le Prix Robert-Cliche en 2013. Son second, Ma sœur chasseresse, roman de 308 pages, a été refusé par 19 éditeurs avant d’être publié par Québec Amérique en début d’année. Arsenault est présentement en écriture d’un troisième roman.

Le Latuquois a étudié la philosophie et le droit avant d’enseigner le français pendant neuf ans en Chine et d’y travailler comme traducteur-correcteur. Il a également été notamment journaliste à l’Écho de La Tuque, à Radio-Canada, à La Presse et au magazine Les Affaires. Le plan de rédaction pour un troisième roman est presque achevé.