45 ans à enseigner différemment

Lorraine Savard aime jouer du piano, mais ce qu’elle aime plus que tout, c’est l’enseigner. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait à La Tuque depuis 45 ans, notamment à son école, l’Académie Rhapsodie, qu’elle a fondée en 1980. 

Elle avait comme objectif d’offrir un contexte d’apprentissage complètement différent de ce qu’elle a reçu étant enfant, et le plaisir est l’essence de son enseignement.

Dès l’âge de 6 ans, Mme Savard joue ses premières notes de piano et s’exerce cinq fois par semaine, pendant une heure chaque jour, avec les Sœurs de l’Assomption. Cependant, elle déplore le fait que la notion de plaisir était généralement mise de côté. Mais lorsqu’elle a commencé à enseigner, à la demande d’une des sœurs, elle a pu constater à quel point il était gratifiant pour elle de partager son savoir, tout en mettant de l’avant les intérêts de ses élèves. « Ce que ça m’apporte? Du pur bonheur! », assure-t-elle.

Son école s’appelait autrefois Studio Lorraine : « Ça avait plus l’air d’un nom de salon de coiffure que d’une école de musique », lance-t-elle en riant. On y enseignait le piano, le clavier et l’orgue. « J’avais une douzaine d’élèves d’orgue qui avaient tous des modèles différents de marque différente, alors j’allais aux maisons leur donner leurs cours, en plus des cours de piano que je donnais chez mes parents. Je n’avais pas de vie! », se remémore l’enseignante. Maintenant nommée Académie Rhapsodie, l’école propose des cours de musique classique et populaire adaptés à chaque élève, peu importe ses connaissances de la musique ou son âge.

« Ce que je veux, c’est donner le privilège à tous les enfants, peu importe leur âge ou leur supposée capacité à apprendre ou à se concentrer. Je me dis toujours que le problème, ce n’est pas l’enfant, mais l’encadrement, indique-t-elle. Il semble y avoir beaucoup d’enfants qu’on identifie avec des troubles d’apprentissage de tous genres, et pour moi, c’est un privilège que de travailler avec ces enfants-là, parce qu’ils ont des capacités souvent sous-estimées. Ils sont remplis de surprises, ils veulent apprendre et ils veulent s’intégrer. »

Mme Savard se désole d’ailleurs que de moins en moins d’écoles proposent des programmes de musique. « Je trouve ça très dommage, parce que c’est tellement un beau moyen d’évasion, de distraction et de valorisation! Quand tu joues de la musique, peu importe l’instrument, tu peux oublier tes problèmes. »

La Latuquoise est d’ailleurs plus que persuadée que l’apprentissage de la musique est rempli de bienfaits, notamment en matière de confiance en soi, de persévérance et de concentration, et Mme Savard va bien au-delà de la musique dans son enseignement, car elle souhaite transmettre à ses élèves de belles valeurs et des apprentissages divers. En plus de les impliquer dans les concerts en matière d’animation, ils apprennent à jouer ensemble, ils chantent, ils dansent, ils jouent la comédie; et cela ne leur est jamais imposé, même si Mme Savard avoue être plutôt convaincante!

Elle leur permet également d’être impliqués dans leur communauté en offrant des performances à différentes occasions : anciennement lors des galas du Club optimiste, au Gâteau latuquois ou encore au CHSLD où ils peuvent côtoyer des personnes âgées en perte d’autonomie ou vivant avec des problèmes cognitifs.

Une école axée sur ses élèves

À l’Académie Rhapsodie, les élèves ont le choix. Ils ont le choix de leur pièce de concert, ils ont le choix de participer aux numéros spéciaux, ils ont même le choix de ne pas y participer, tout simplement.

« Chaque fois qu’un élève joue sur la scène, mon cœur arrête de battre dans les coulisses, parce que je veux toujours que l’enfant soit à la hauteur du travail qu’il a donné. Ce qui compte, c’est que ce soit agréable et que l’élève se sente en confiance quand il est avec moi », révèle Lorraine Savard.

« Les élèves sont ma priorité et il n’y a pas de comparaison ou de compétition entre eux. Je crois que l’important dans la vie, ce n’est pas d’être le meilleur, mais de faire de son mieux. Et jusqu’à présent, je n’ai eu que des élèves heureux de bien performer dans les concerts ou encore des élèves qui choisissent de ne pas y participer, car ils sont trop stressés », ajoute l’enseignante, démontrant ainsi tout le respect qu’elle leur porte.

Lorraine Savard révèle également qu’elle n’offre jamais de prestation lors des concerts, car ce sont les élèves qui sont mis en vedette dans ce moment qui leur appartient. En fait, Mme Savard n’a jamais aimé monter sur une scène, « parce que les religieuses n’alimentaient pas suffisamment notre confiance en nous. »

« Quand j’avais 7 ans, le médecin avait conseillé à ma mère de me donner une demi-once de cognac avant les concerts, parce que j’étais trop angoissée! Pourtant, je ne me suis jamais trompée, je n’ai jamais fait d’erreur, je n’ai jamais accroché une note. Devenue adulte, j’ai goûté au cognac et je n’ai jamais été capable; je trouvais que ça goûtait le concert! », dit-elle avec humour. Apprendre aux élèves à rire de leurs erreurs fait également partie de son enseignement, « parce que ce n’est pas dramatique! Ce n’est pas ce que les parents retiennent, mais plutôt la beauté de la pièce, la persévérance des enfants et le plaisir que cela leur procure », conclut-elle.