Une vie entière et heureuse à La Tuque

Quant on parle avec Pierre Vézina, on saisi très rapidement que l’homme a eu une vie bien remplie. Dernier-né d’une famille de neuf enfants, son père Paul est arrivé à La Tuque en 1929 afin de travailler pour la jeune ville. Femme et enfants viendront le rejoindre un an plus tard, le temps pour lui d’acheter la terre, de déboiser et de construire la maison familiale sur la rue Roy.

Né en 1932, il s’est mis au travail très jeune. «Aussitôt que j’ai été capable de distinguer une mauvaise herbe d’une pousse de légume, je me suis mis à genoux, ça n’a pas été long» nous dit-il en riant. À l’époque, la rue Roy n’existe pas. La voie ferrée sépare la terre paternelle d’un champ loué à M. Keenan, à l’endroit même où sera bâtie plus tard, l’usine d’aluminium. «On menait les vaches en pacage le matin et on les ramenait le soir. On traversait le boulevard Ducharme qui était en sable et on passait la voie ferrée avec le troupeau», se souvient-il. Tout cela prendra fin en 1942 lorsque le gouvernement obligera la pasteurisation du lait et qu’on érigera l’usine d’aluminium. La famille continuera à produire des légumes.

À l’âge de 12 ans, il travaille avec ses frères pour son père qui construit des maisons. Il apprendra le métier de menuisier et de maçon. Puis à 15 ans, il s’engage à l’hôpital pour la construction de l’orphelinat. Il y apprendra le métier de plâtrier. Il recevait alors un salaire de 0,80$ de l’heure.

Durant l’hiver, il s’engage comme bûcheron. «On prenait un petit train qu’on appelait la Punaise avec notre sciotte et notre hache, pour se rendre au chantier» explique t’il.

Puis à l’âge de 20 ans, il s’achète un camion, un malaxeur à ciment, quelques outils et devient contracteur. En 1954, lorsque Brown Corporation vend à C.I.P., de gros travaux débutent à l’usine. Il y travaillera à titre de menuisier et coulera les formes des agrandissements pour accueillir les nouvelles machines à papier.

En 1956, on lui propose un emploi de policier. Il accepte et passera 12 ans au service de la ville. À l’époque, on dénombre 11 tavernes à La Tuque. La population de la ville augmentait de près de 2000 personnes lors de la descente des chantiers. L’abus d’alcool causait bien des problèmes. Le taux de suicide, à une certaine époque était très élevé. «Ramasser un suicidé, c’est quelque chose que tu n’oublies jamais. J’en ai ramassé une dizaine. Ça marque» déclare t’il. Il commence alors à penser sérieusement à quitter son emploi. «Je me suis dit que si je restais là, j’étais pour mourir».

Un poste s’ouvre à la commission scolaire comme régisseur et il postule. Il sera engagé et y travaillera de 1969 jusqu’à sa retraite. Au fil des ans, il verra de nombreuses écoles fermer, mais il travaillera aussi à en agrandir d’autres. Il terminera sa carrière en supervisant la construction de l’école de Parent.

Parallèlement à son travail, il construit sa dernière maison sur le bord de la rivière Bostonnais et fait son bois de chauffage. «Des gens m’ont demandé de leur vendre du bois de chauffage. Je faisais 150 cordes par année» souligne t’il. Ce qui ne l’empêche pas de faire en même temps, de superbes jardins où il cultive légumes et fleurs.

À 79 ans, pour la première fois cette année, il ne fera pas de bois de chauffage. Blessé gravement au dos, il doit se résoudre. «Mais je continuerai mes jardins» précise t’il.