Souvenirs de policiers

LA TUQUE.  Depuis maintenant plus de 18 ans, les anciens policiers de la Sécurité publique de La Tuque, « les bleus », se rencontrent en groupe chaque mois pour un déjeuner dans un restaurant afin de maintenir les liens d’amitié, parler de leur famille, et bien entendu, se remémorer les anecdotes du temps. Tout comme le village gaulois d’Astérix et Obélix, « les bleus » latuquois résistaient encore et toujours à l’envahisseur en étant la seule brigade en Amérique du Nord qui portait les trois chapeaux : celui de policiers, pompiers et ambulanciers.

C’est à la suite d’une initiative de l’ancien enquêteur Vincent Gauthier que cette tradition mensuelle a vu le jour. Parfois des membres sont absents, mais le groupe d’anciens policiers qui se rencontrent peut parfois grimper jusqu’à 12.

« C’est une façon de maintenir les liens et de fraterniser d’une autre façon », lance Jacques Fraser.

« On jase plus de nos vies d’aujourd’hui en prenant des nouvelles de nos familles », précise Alain Riendeau.

« Mais on continue toujours à se taquiner », ajoute la première femme qui a fait partie du corps policier latuquois, Sylvie Lessard.

Quelqu’un entre ou sort du restaurant, le groupe d’anciens policiers reçoit des salutations ou un du groupe envoie la main. « Ça démontre le lien de proximité qu’on pouvait avoir avec les gens de la communauté. On était tous des gars de la place qui entraient au poste », indique Alain Riendeau.

« Souvent, les gens se souviennent plus de nous qu’on peut se souvenir d’eux, surtout quand on a pu changer leur vie de façon positive », opine Daniel Fortin.

Du tac au tac, M. Fraser raconte l’anecdote d’une personne qui l’a interpellé alors qu’il est à la retraite pour lui demander s’il se souvenait de lui. « C’était flou. Il me disait qu’il avait eu un accident sur le rang des Hamelin et que c’était grâce à moi s’il pouvait encore marcher aujourd’hui! »

Le groupe d’anciens policiers raconte comment ils pouvaient intervenir auprès de la population pour les personnes âgées notamment. « Ce n’était pas rare de changer les batteries de l’avertisseur de fumée ou même de recalibrer la manette de la télévision déréglée », lance Alain Tremblay.

En cumulant les trois métiers de policiers, pompiers et ambulanciers, des images marquantes sont demeurées en tête des anciens « bleus ». « Vers la fin, c’était rendu qu’on intubait les patients. Un moment donné c’était rendu trop », ajoute M. Riendeau, tout en confirmant à l’auteur de ces lignes que La Tuque était la seule municipalité en Amérique du Nord où les policiers étaient aussi pompiers et ambulanciers.

« Ça serait impossible de faire ce qu’on faisait aujourd’hui avec toutes les nouvelles normes en place », poursuit Mme Lessard.

« On était comme le village gaulois d’Astérix et Obélix qui résistait à l’envahisseur », image Alain Tremblay.

 Les bleus tournent au vert

C’est en juin 2002 que les policiers municipaux sont devenus des policiers de la Sûreté du Québec (SQ), « les verts », comme « les bleus » aiment les nommer.

Plusieurs policiers municipaux ont vécu difficilement ce changement, surtout au niveau des mentalités. « Je l’ai vécu à la dure de mon côté, avoue Daniel Fortin qui a fait seulement 13 mois au sein de la SQ. On relevait d’en bas, et ils voulaient nous montrer comment être une police de proximité. C’est ce qu’on faisait chaque jour. On virait toujours dans notre petit monde. Je ne sais pas si je referais ce métier avec toutes les normes d’aujourd’hui. »

Jacques Fraser a quant à lui été muté à Montréal comme officier pour ses deux dernières années. « Combien de fois je me suis fait demander c’était où La Tuque… »

À l’époque, on retrouvait 22 policiers municipaux et 13 policiers de la SQ qui couvraient le reste du territoire hors La Tuque.

Avec le recul, est-ce que cette transition vers la SQ a été profitable pour La Tuque? « Personnellement oui, mais pour la communauté, je te laisse répondre à la question », tranche M. Fraser.

En plus du groupe que nous avons rencontré, les Martin Dubuc, Mario Labonté, Pierre Arvisais et Christian Pichette peuvent se greffer.

Le groupe a aussi eu une pensée pour Jean-Raymond Fortin, Vincent Gauthier, et Gérald Tremblay, des « bleus » qui sont décédés aujourd’hui.