Pris 18 heures sous sa motoneige, il est reconnaissant envers celui qui l’a sauvé

SAUVETAGE.  Le Parentois Maurice Bérubé se souviendra longtemps de la soirée du 11 février 2016.

Ce soir-là, il s’était rendu pour un souper chez des amis, non loin du village, en motoneige. Au retour, il y a une accumulation importante de neige dans le chemin où il passait habituellement. Il a fait un virage un peu sec et pensait bien s’en tirer en sautant de sa motoneige, mais celle-ci est aussitôt tombée sur lui. Il est resté prisonnier de sa lourde motoneige pendant 18 heures : elle lui écrasait les jambes.

Gardant son sang-froid, M. Bérubé a rudement manoeuvré pour se déprendre pendant tout ce temps : il a gratté et gratté la neige, mais au prix de trois ongles. Ses doigts saignaient. Malgré tout, il trouve assez de force pour briser sa visière de motoneige, afin d’en faire une pelle. À force de creuser, il a atteint la glace sous la neige.

À grands coups d’efforts, composant avec le froid qui devient un adversaire coriace, Maurice Bérubé a réussi à libérer une jambe prise sous la motoneige, mais l’autre y reste coincée. Il n’a évidemment pas dormi, ne faisant que penser à la façon de s’en sortir. N’ayant pas consommé d’alcool, il garde toute sa tête, mais la fatigue, les efforts, les dangers d’hypothermie et l’adrénaline lui ont fait avoir des hallucinations. Il se voyait même être «en train de partir».

L’ange gardien

Puisque le chemin de fer passe exactement à cet endroit, un employé du Canadien National, Jonathan Descoteaux, l’a retrouvé lorsqu’il faisait des signaux de détresse avec sa main: «Une chance qu’il arrivait, Jonathan, car je restais là».

«Quand il m’a vu, il a levé le «ski-doo». J’étais content de le voir». Immédiatement, il a été conduit au dispensaire de Parent du CIUSSS-MCQ.

Un peu plus tôt, une dame qui promenait son chien était aussi passée par là. Le chien a repéré M. Bérubé à côté de la voie ferrée, mais la dame n’a pas pu voir qu’il était là.

Sitôt arrivé au dispensaire, on l’a transporté au CIUSSS-MCQ de La Tuque, avant de l’amener à Trois-Rivières.

«J’étais allé à Senneterre pour une inspection de la voie ferrée. Quand je suis arrivé, il faisait encore clair. Devant chez Maurice, il y a un «stop» et un bout de rue qui entre dans la cour du CN. J’ai vu un ski doo à l’envers, mais sans savoir qu’il pouvait y avoir quelqu’un», raconte Jonathan Descoteaux.

Quelqu’un pouvait avoir besoin d’aide. Voulant en avoir le cœur net, il a fait le tour pour repasser par la cour du Canadien National et à ce moment il a découvert Maurice Bérubé, sous sa motoneige. Elle avait beau être lourde, M. Descoteaux n’a fait ni une ni deux et l’a tout de suite sorti de sa mauvaise posture. «Il avait la jambe prise au niveau du genou, face contre terre. Il ne pouvait pas pousser sur sa motoneige (…) J’ai vu que c’était urgent».

Ne sachant pas si le dispensaire du centre de santé était ouvert au moment où les événements se sont produits, il a immédiatement fait un appel d’urgence avec les appareils radio du Canadien National, pour qu’une ambulance se rende sur place le plus vite possible.

«Le contrôleur, à Montréal, avait déjà appelé à La Tuque pour une ambulance. Ça a été quand même assez vite», affirme Jonathan Descoteaux.

Il faisait froid et l’homme était exposé au vent. Quand il regarde son agenda de 2016, Jonathan Descoteaux avait inscrit «froid extrême», pour cette journée-là.

Il a eu des nouvelles de Maurice Bérubé par sa fille, quelques semaines après les événements, dans un message où elle lui disait qu’il commençait à aller mieux. Puis, l’été suivant, Jonathan Descoteaux lui a rendu visite à sa résidence de Parent, après sa longue hospitalisation.

Il estime que Mauricie Bérubé a été chanceux que quelqu’un passe dans le secteur surtout qu’il y a moins d’activités pour le Canadien National dans la fin de l’après-midi. Lui aussi pense que M. Bérubé n’aurait pas pu survivre à une autre nuit sous sa motoneige, au froid. Il s’est dit heureux de voir qu’il s’en est si bien sorti, vu les circonstances.

Des séquelles

Sa mésaventure a malheureusement laissé des séquelles. Il aura fallu un mois avant de statuer sur une éventuelle amputation, après quoi il a finalement perdu tous les orteils et des muscles sur la jambe droite. En tout, M. Bérubé a passé huit mois à l’hôpital, sous les bons soins de l’orthopédiste Alain Pagé, pour lequel il n’a que de bons mots.

Aujourd’hui, l’homme de 62 ans porte une prothèse, la cinquième qu’on aura confectionnée pour lui. La physiothérapie lui aura apporté le plus grand bien. Si bien qu’il marche presque normalement et peut vaquer à ses activités quotidiennes. Des psychologues l’ont aussi aidé à accepter les choses pour faire en sorte que cet événement soit chose du passé.

Mais le Parentois sait qu’il ne pourra plus travailler à la scierie du village comme opérateur d’écorceurs. Son commerce d’installations de coupoles a cessé ses opérations au village. «Je voulais garder cela pour ma retraite, mais c’est trop dangereux de monter dans un escabeau».

«C’est un plan B, tu n’as pas le choix. Mais il y a plusieurs lettres dans l’alphabet», confie l’homme visiblement très résilient. Une telle mésaventure marque au fer rouge. Il lui aura fallu trois ans avant d’être capable d’extérioriser cet événement.

M. Bérubé est bien conscient que si les ondes cellulaires se rendaient à Parent, il n’en serait pas là. Il aurait pu demander du secours qui serait arrivé rapidement.

Il a tenu à remercier Jonathan Descoteaux, «son ange gardien», de même que les gens du CIUSSS-MCQ de Parent et La Tuque, les premiers répondants et les ambulanciers, de même que les médecins et les infirmières, des gens pour lesquels il éprouve une grande gratitude.