«Pour lui, je suis un héros. Pour moi, c’est lui mon héros»
COURAGE. Jonathan Dupont est dans l’armée. Aujourd’hui, il est âgé de 24 ans. Sa passion: servir pour son pays et aider son prochain. Lors de son seul séjour en Afghanistan, en décembre 2010, le soldat Dupont a côtoyé la mort de près. Puis, lorsqu’il s’est relevé du sol, il a sauvé la vie d’un homme, d’un ami.
Le soldat Dupont s’est enrôlé dans la réserve à l’âge de 16 ans. Il a quitté pour un an et il y est retourné à l’âge de 18 ans
«À 16 ans, j’étais artilleur au 62e Régiment d’Artillerie de Campagne de Shawinigan. J’étais sur la réserve. Alors je suis sorti parce que je n’aimais pas le métier que je faisais. Puis ça me manquait, alors à 18 ans, je suis revenu dans l’armée comme ingénieur. Je ne sais pas si c’est dans mes gênes. Mon grand-père a servi pendant la Guerre de Corée. J’ai toujours été attiré par l’armée et par le fait de servir en mission», explique d’entrée de jeu le soldat Dupont.
18 décembre 2010
Le 18 décembre 2010, Jonathan Dupont allait vivre un moment inoubliable.
«Ma tâche, c’est de me promener devant les troupes avec un mine-detector. Nous sommes formés pour faire une vérification complète des mines cachées. Pas très loin de nous, un caporal a mis le pied sur un engin explosif. Nous avons été appelés sur les lieux pour sécuriser l’endroit et ensuite, le faire évacuer en toute sécurité.»
«Puis sur les lieux, j’ai découvert un 2e engin explosif non loin de là. Mon sergent voulait ensuite aller le signaler au camion derrière et il s’en venait vers moi. Comme c’est tellement sec là-bas, la levée de l’hélicoptère a provoqué un énorme nuage de terre et mon sergent a posé le pied sur le 2e engin explosif», se souvient-il comme si c’était hier.
Le temps s’arrête. L’explosion retentit.
Jonathan Dupont est projeté au sol.
«J’ai entendu des hurlements. Je me suis relevé et je suis allé vers le blessé. J’ai tout de suite noté que la personne avait la jambe arrachée et l’autre très amochée. J’ai commencé à mettre de la pression et à faire des garrots. Je devais arrêter le sang le plus rapidement possible.»
Puis un deuxième choc.
«Ensuite, il m’a tiré sur l’épaule et s’est approché de moi. Il y avait moins de poussières et j’ai réalisé qui c’était. Le blessé était mon sergent Gaétan Bouchard. Je ne savais pas que c’était lui au départ. J’étais trop concentré à travailler sur la plaie. Réaliser que c’était lui m’a boosté encore plus! Mon sergent, ça fait plus d’un an que je le côtoyais. Là-bas, c’est mon meilleur ami. C’est mon père de guerre, comme je l’appelle. Tu réalises rapidement que ton grand chum est en train de mourir», ajoute-t-il.
Le sergent Bouchard a rapidement été évacué et aujourd’hui, il travaille encore au service de l’armée. Il est amputé d’une jambe.
«Le danger est constant. Même dans les zones sécurisées. La plupart des engins explosifs sont des bombes artisanales. Pour te piéger, ils les placent à des endroits stratégiques où l’armée pourrait circuler. Peu importe où, au détriment de penser à leur propre civilisation ou même aux enfants qui pourraient passer sur ses engins», ajoute le soldat Dupont.
En janvier 2013, Jonathan s’est vu décerner la Mention élogieuse du Chef d’état-major de la Défense, prix remis par le Chef en personne.
L’Expérience
Ce n’est pas un secret de polichinelle. Certains soldats reviennent de zones de guerre avec des chocs post-traumatiques. Pour Jonathan, ce fut l’effet contraire.
«Ma crainte en partant, c’était de savoir si je pourrais réussir ma job rendu là-bas. Est-ce que je serais capable de faire mon travail jusqu’au bout? Je savais que certaines occasions comme ça arriveraient. Les hurlements, l’environnement et les explosions, c’est tellement réel sur place et c’est du danger potentiel constant. Le danger est au sol, sous terre et dans les airs.»
«C’est le stress que j’avais! Est-ce que je vais être capable de réagir? Puis cet évènement-là s’est avéré à la fois le pire de ma vie et la meilleure expérience de ma vie. Dans le sens que ça m’a rapporté énormément comme personne. Je me suis rendu compte que j’étais fait pour ça. Après cette journée-là, je savais que je pourrais bien réagir aux prochaines expériences du genre durant les sept prochains mois.»
Retour en force
«Je suis revenu de là-bas plus fort. En Afghanistan, ça m’a pris trois semaines à m’habituer au climat. Je sais maintenant que l’être humain peut s’habituer à toutes les situations. Tu connais les risques et tu t’habitues à ton environnement et aux risques potentiels.»
Meilleure personne
Aujourd’hui, il se dit une meilleure personne.
«Je me rends compte qu’on se plaint parfois pour des petits trucs et qu’on se stresse pour rien dans certaines situations. Là-bas, je ne savais même pas si j’allais vivre jusqu’au soir. Aujourd’hui, je m’en fais moins. Le plus dur là-bas, c’était l’ennui. Tu t’ennuies de tes proches et des petits détails, par exemple les fêtes. Par contre, j’y retournerais n’importe quand», ajoute-t-il fièrement.
«Notre présence était très importante. Je sais que je suis fait pour ça. C’est tellement intense, mais tellement gratifiant. J’ai des photos avec des enfants et des familles. Je suis fier, juste de savoir que j’ai réussi à les sécuriser et à les rendre heureux. Que j’ai réussi à sécuriser ma gang aussi, mes chums qui me suivent. Là-bas, tu n’as pas besoin de penser à toi. Tu le sais que les gars te protègent.»
Malgré son acte de courage, le soldat Dupont demeure humble.
«Je partage mon expérience, mais pas de mon gré. Si on m’en parle, je vais le raconter, mais je ne vais pas me vanter avec mon histoire. Puis aujourd’hui, pour lui (Sergent Bouchard), je suis un héros. Pour moi, c’est lui mon héros. Il rayonne de joie. Il a trouvé tout le bonheur et le bon côté de sa vie dans son incident. Du jour au lendemain, il a y a plein de choses qu’il ne pouvait plus faire. Il a tellement de projets. Il est toujours heureux et c’est ça qui m’impressionne chez lui.»
«Nous avons fait quelque chose de bien là-bas. Ce n’est pas vrai que nous avons perdu notre temps. La présence de l’armée était nécessaire, ne serait-ce que pour aider les gens et les familles», conclut-il.