Michel Matteau n’a pas écrit son dernier mot

Au-delà de 1500 numéros. Des dizaines de milliers de pages. Empilées les unes par-dessus les autres, elles atteindraient sans doute la hauteur de l’immeuble du 2102, avenue Champlain.

C’est à près de trente-cinq ans de passion que Michel Matteau a dit au revoir ce mercredi 30 décembre en refermant la porte des bureaux de L’Hebdo du Saint-Maurice. «Ça bouge en-dedans, confie-t-il mais je suis rendu là.»

Cet homme passionné part évidemment avec le sentiment du devoir accompli. Il a mené la production de cette ultime édition avec la même énergie débordante et contagieuse qui a fait sa marque de commerce dans la région et un peu partout dans le milieu de la presse hebdomadaire québécoise.

Michel Matteau a fait ses premiers pas dans la famille de L’Hebdo en tant que conseiller publicitaire en août 1975. Inspiré par la fougue du jeune homme, l’éditeur Claude Bérubé lui confie la direction du journal à l’été 1976. Quatre ans plus tard alors que Gesca (Power Corporation) acquiert Publi-Hebdos – groupe d’hebdomadaires en Mauricie – et que Bérubé prend sa retraite, Michel Matteau devient éditeur de L’Hebdo du Saint-Maurice.

Il assumera avec brio ce rôle jusqu’à l’édition du 30 décembre 2009. Entre temps, en 2001 à l’occasion d’une transaction majeure dans le domaine de la presse québécoise, le groupe Transcontinental acquiert des dizaines d’hebdomadaires, dont six en Mauricie. Michel Matteau se voit alors confier la direction régionale de ces journaux tout en conservant son poste d’éditeur à Shawinigan.

Un style franc et direct

Si L’Hebdo du Saint-Maurice a pu demeurer un acteur incontournable de la vie socio-économique shawiniganaise durant toutes ces années, il le doit beaucoup à la personnalité flamboyante de son patron qui a été de toutes les tribunes. «J’ai toujours eu un style franc et direct, reconnaît-il. J’ai les défauts de mes qualités. Les j’aurais donc dû, je ne vis pas là-dedans.»

C’est habité par ce trait de caractère, qui lui valu autant de partisans que d’opposants, que Michel Matteau a signé durant plusieurs années la colonne éditoriale de L’Hebdo. «Disons qu’avec certains éditoriaux, j’ai épargné le prix d’un timbre dans le message que je voulais passer», sourit-il.

Plus que quiconque, il a démontré que le rôle d’un média dans une communauté dépassait la simple diffusion d’information. Michel Matteau a siégé sur des comités ou des conseils d’administration de la Chambre de commerce, de la Classique, des Cataractes, de l’hôpital, de plusieurs fondations. Épris de culture, il a contribué à promouvoir l’œuvre d’Ozias Leduc à l’intérieur de l’église de Notre-Dame-de-la-Présentation. Aux heures sombres de Shawinigan alors que les usines fermaient les unes après les autres, il a été à l’avant scène pour interpeller sans compromis et sans relâche les décideurs politiques et économiques. «J’avais une énergie épouvantable. Tout était possible à l’époque», se remémore-t-il. Ce régime de vie est toutefois difficile à soutenir éternellement et Michel Matteau est le premier à le reconnaître. Pour l’illustrer, il aime bien utiliser l’image du coureur à relais. «C’est la plus belle épreuve de toutes. J’ai emmené L’Hebdo jusqu’ici et maintenant, je passe le témoin à des plus jeunes que moi, qui affichent plus d’énergie et qui sont outillés à surmonter les défis qui attendent la presse hebdomadaire.»