Le petit garçon qui voulait devenir prêtre

COMMUNAUTÉ. À 10 ans, les petits garçons rêvent souvent de devenir pompiers, policiers, pilotes de course ou même astronautes. Marc Lahaie, lui, avait déjà trouvé sa vocation plutôt unique : il voulait devenir prêtre. À seulement 57 ans, il célèbrera son 30e anniversaire d’ordination le 18 avril prochain. En trois décennies, malgré le déclin de la religion au Québec, il a réussi à marquer des centaines de jeunes et de familles.

Encore aujourd’hui, l’abbé Marc Lahaie se rappelle une réflexion peu commune qu’il s’était faite à l’âge de 10 ans : il se disait qu’il croyait en l’amour, et que Dieu est amour. « Je me disais que si tout le monde sur la planète Terre, peu importe la religion, avait la préoccupation d’aimer les autres plutôt que de tout faire pour être aimé, ce serait incroyable à quel point ça changerait les choses! », se remémore l’abbé Lahaie.

Dans sa vingtaine, il s’était également posé cette question, à savoir d’où émanait ce désir d’exercer la prêtrise. Pour ce faire, il a feuilleté tous ses cahiers de catéchèse remplis de dessins inspirés de textes bibliques, et il a remarqué une constante : le don de soi et l’amour désintéressé. Et c’est ce qu’il a toujours voulu partager.

Marc Lahaie avoue avoir longtemps caché sa flamme pour la religion catholique, par crainte des railleries à l’école. En fait, ce n’est qu’à l’âge de 16 ans qu’il l’a révélé à ses parents. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il a découvert à ce moment que son père avait eu ces mêmes ambitions dans son jeune temps!

Ainsi, après ses études secondaires au Séminaire Saint-Joseph, il a poursuivi en sciences de la religion au Collège Laflèche avant de décrocher son baccalauréat et sa maitrise en théologie.

Un prêtre pas comme les autres

Dans sa jeunesse, Marc Lahaie allait à l’église tous les dimanches. Il se souvient d’ailleurs d’Yvon Carpentier, un prêtre qu’il trouvait génial dans sa façon de raconter. « Chaque fois, ça me confortait là-dedans », dit-il.

L’abbé estime d’ailleurs avoir eu de bons modèles dans la religion. Il y avait encore quelques prêtres au moment où il fréquentait le Séminaire Saint-Joseph, des hommes qu’il décrit comme sympathiques, sportifs et qui partageaient leur pensée intelligemment et de manière originale. C’est probablement grâce à ces exemples qui l’ont forgé que Marc Lahaie a lui aussi fait les choses à sa façon au fil des années.

Pendant une douzaine d’années, l’abbé s’est occupé de groupes de jeunes âgés de 15 à 20 ans, notamment à l’école Paul-Le Jeune de Saint-Tite et au Séminaire Sainte-Marie de Shawinigan, présent à l’animation spirituelle et à l’engagement communautaire. Ensemble, ils mettaient sur pieds des activités pour aider leur communauté ainsi que des rencontres sociales, par exemple des sorties sportives, afin de créer de solides liens fraternels.

Chaque été également, au camp du Lac en cœur, il anime la cérémonie du jeudi soir qui fait un retour sur la semaine qui vient de se dérouler. « Certains me disent que c’est le moment le plus fort de la semaine! On crie, on tape dans le plancher. Ça brasse dans la chapelle! », raconte-t-il, amusé.

« Pour moi, c’est ça la religion. C’est peut-être pour ça que pour certains, ça a donné l’impression que je ne suis pas un prêtre comme les autres. Pourtant, je me considère un gars standard, mais j’aime ça avoir du fun et ça a peut-être été une surprise pour certains! Même dans les cérémonies, je suis assez spontané! », estime-t-il.

« L’objectif n’est pas de ramener les gens à l’église et de leur parler de la bible ou de la prière, ce n’est pas juste de faire des messes ou des cérémonies, mais de créer du sens, d’amener du réconfort et de l’amour lors de moments de vulnérabilité, poursuit-il. Je déteste d’ailleurs être toujours replacé dans le contexte de l’église. Quand je mets l’aube et l’étole, il y a tout un contexte autour de ça, mais ce n’est pas ça qui est important. Ce n’est pas ça être prêtre ».

Le déclin de la religion

Malgré la flamme qui brûle toujours en lui, Marc Lahaie est frappé au début des années 2000 par le déclin de la religion au Québec. « L’image de l’Église est à son plus bas et le contexte religieux est difficile. C’est déstabilisant, sachant que dans d’autres pays, les jeunes expriment leur foi de manière vivante », constate-t-il à la suite de rencontres internationales d’envergure, notamment les Journées mondiales de la jeunesse en 1995 avec le pape Jean-Paul II.

Comme il avait été marqué positivement par cet événement, il a voulu recréer l’expérience en 2002 lors du passage du pape à Toronto, mais l’engouement n’y était pas. Seulement quatre des 300 jeunes approchés par l’abbé avaient répondu présents à l’appel.

Marc Lahaie a donc laissé tomber tous ses mandats pour aller se former autrement au Brésil, par l’entremise de la Société des Missions étrangères du Québec, pendant quatre ans. « J’ai compris que la meilleure façon d’apprendre, c’est l’expérience », dit-il. D’ailleurs, cette expérience lui a donné un second souffle. « J’ai appris le portugais, je suis allé dans les favelas, et j’ai découvert un autre monde. Le rapport des Brésiliens avec la foi et leur religion est différent. Les églises sont remplies de jeunes qui jouent de la musique et on parle de Jésus comme on respire », partage le prêtre.

Toutefois, la barrière de la langue, mais surtout la différence de référents culturels, lui rendait la tâche difficile lorsque venait le temps de créer des liens entre les écrits bibliques et la vie courante d’une culture qui ne lui était pas familière. « Malgré tous mes efforts, je me sentais démuni d’une certaine façon lorsque venait le temps de toucher les cœurs. J’ai donc compris ce qu’était ma force ici, au Québec, et que même si la religion est « out », il y aura toujours la question des naissances, de la mort et de l’amour. Même si la majorité des gens se disent non croyants, il y a en a encore qui ont de l’intérêt à aller plus loin et à comprendre, au-delà de toutes les religions », révèle Marc Lahaie.

À son retour du Brésil, il a recommencé à animer des cérémonies (baptêmes, mariages et funérailles), mais il n’est pas retourné dans les écoles, même si cette période l’a rendu extrêmement heureux. « J’ai décidé de faire autre chose avant de ne plus me sentir à place », dit-il en faisant référence au clivage générationnel, mais également au cheminement de la laïcité. « On n’est plus les bienvenus dans les écoles et il y a une frange de la population qui ne présente pas seulement une antipathie, mais même une violence et une agressivité envers la religion et avec les prêtres. Cependant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain! Je suis convaincu que ce que les gens rejettent en réalité, je le rejette aussi. Il faut qu’on valorise ce qui est sacré dans la vie et on est en train de tout basculer à cause du contexte, et j’en trouve les conséquences tristes », conclut-il.