Le courage de Marie-Claude

TÉMOIGNAGE. La Latuquoise Marie-Claude Beaudin incarne la résilience même. Le 4 octobre 2019, elle reçoit le terrible diagnostic: cancer colorectal avec métastases au foie, de stade 4.

La nouvelle donne froid dans le dos. «Le médecin m’a délicatement dit de profiter de la vie, car il n’y avait rien à faire. Je suis sortie du bureau en disant: vous ne me connaissez pas, il n’est pas question que je reste à la maison les bras croisés en attendant de mourir». On lui donnait six mois à vivre. Marie-Claude Beaudin est toujours là, aujourd’hui, et elle aborde avec sérénité son parcours vers le retour à la santé, avec reconnaissance.

D’un ton calme, elle raconte son expérience. D’emblée, elle confie que c’est d’abord pour donner de l’espoir aux personnes qui se retrouvent dans sa situation qu’elle le fait.

Le cancer l’a menacée de prendre sa vie à l’âge de 39 ans. Cette mère monoparentale d’un adolescent se bat avec force et sagesse depuis un an, mais elle ne le fait pas seule.

Un long chemin

Dès l’annonce de la maladie, la bataille commence. Pas question de se laisser abattre et d’attendre la mort. Un médecin spécialiste du foie lui annonce qu’elle est gravement malade, au stade des soins palliatifs. On lui propose le tout pour le tout, en ne connaissant pas l’échéancier final.

«Il m’a prévenu qu’il y aurait de nombreuses opérations, beaucoup de douleur, beaucoup de souffrances, avec des traitements très intensifs, car mon cancer était très agressif.» Elle a participé à un programme de recherche, même en sachant qu’une autre jeune femme avec les mêmes conditions qui avait pris part au même programme, n’avait malheureusement pas pu être sauvée. «Je me suis dit: on va y aller une journée à la fois et faire tout ce qui est possible.»

«Il n’était pas question que je reste à la maison les bras croisés en attendant de mourir»

– Marie-Claude Beaudin

S’en sont suivis une intervention à l’intestin, trois opérations au foie où 70% de l’organe a été retiré, ce qui a permis d’éliminer toutes les métastases, de même que des traitements de radiothérapie et de chimiothérapie intensive, qui, malgré les effets secondaires dévastateurs, offraient des résultats de plus en plus positifs à mesure qu’ils avançaient. Cette séquence de bonnes nouvelles lui procurait encore plus d’énergie pour faire mentir les sombres pronostics. Une autre intervention est également prévue plus tard cet automne.

Elle est la mère de Tarik Moujane, ce généreux jeune homme qui avait organisé une campagne de financement, dans le cadre d’un gala de boxe, pour la mère d’un de ses amis qui vivait, elle aussi, l’épreuve du cancer il y a deux ans. Il avait raconté à L’Écho que si ça arrivait à sa propre mère, ce serait très difficile. Le sort a malheureusement voulu que sa mère eût elle-même la maladie à ce moment même, sans qu’elle ne le sache encore.

«Ç’a été un choc pour lui. On a beaucoup discuté […] Ça l’a beaucoup insécurisé.»

 

«Ils m’ont donné la force et l’énergie pour ne pas me sentir seule dans ce combat»

Au moment de son dernier traitement de chimiothérapie à l’hôpital de La Tuque, Marie-Claude Beaudin a tenu à rendre hommage au personnel médical sans qui elle n’aurait pas pu accomplir tout ce cheminement.

Elle estime que ces gens ont fait bien plus que leur simple travail. «Je me sentais avec tellement de chaleur humaine, on ne peut pas faire autrement que d’avoir envie d’entrer là et d’être accompagné par ces infirmières […] Elles se battent aussi avec moi.»

Marie-Claude Beaudin est très consciente qu’une bonne part de la somme de résilience dont elle a eu besoin pour affronter ce tsunami qui s’est jeté sur elle, lui a été insufflée par l’équipe soignante du CIUSSS-MCQ de La Tuque. Celle qui, au début, avait les piqûres en aversion, n’a que de bons mots pour ces gens qui, ont en quelque sorte, facilité cette épreuve par leur accueil rassurant: «C’est leur soutien, mais surtout leur grande dose d’amour qui m’a aidé à franchir ces portes-là, d’une fois à l’autre.»

Elle leur a d’ailleurs écrit un hommage «L’espoir» en guise d’appréciation pour leur empathie et leur compréhension.

«Ils ont pris soin de moi, alors que j’en avais besoin, pas juste au niveau des traitements, du médical, mais aussi de ma santé mentale. Ils m’ont donné la force et l’énergie pour ne pas me sentir seule dans ce combat et surtout d’y croire».

Elle ne le cache pas, le moment où elle a rendu un hommage à cette deuxième famille a été très émotif. «Le fait d’avoir été entouré aussi par ma famille, qui a été présente […] J’ai quelques amis, mais je ne savais pas s’ils allaient être présents pour moi. Finalement, c’est toute une communauté qui m’a entourée de différentes façons, par des messages, des «bonjours» en ville», reconnaît Mme Beaudin.

Sa vision de la vie est maintenant complètement différente. «Je suis maintenant capable de reconnaître les petits plaisirs de la vie et les joies qu’elle apporte. Je suis capable de prendre le temps de penser à moi, de profiter du temps que j’ai, parce que quand on est malade, le temps, c’est un facteur primordial.»

Marie-Claude Beaudin aura encore une autre intervention chirurgicale à subir au cours des prochains mois. On la sent réaliste, mais positive: «Les signes de cancer ne sont plus présents. Les médecins m’ont avisée d’une possible récidive, on ne peut pas parler de guérison avant 5 ans. On parle de rémission, de résultats positifs. C’est ce qui compte, il y a une lumière au bout du tunnel», explique celle qui apprivoise toutes les phases de «l’après-cancer» et s’accordant du temps pour récupérer.

Elle insiste sur l’importance d’être accompagné dans de pareils moments: «On parle beaucoup de santé mentale ces jours-ci, de schizophrénie ou des troubles de consommation, mais ça touche aussi la santé en général, d’être bien accompagné, bien entouré, de pouvoir parler de ce qu’on vit. Il fallait que je leur rende hommage et c’est à la hauteur de ce que je voulais», conclut la Latuquoise.

Dans ses projets futurs, Mme Beaudin souhaite prononcer des conférences à partir de son vécu et produire des photos pour la Société canadienne du cancer: «être belle malgré les cicatrices et la maladie». Elle veut résolument redonner à ceux qui en auront besoin.

 

Voici le texte remis aux employés du CIUSSS MCQ par Mme Beaudin

Je sens les larmes sur mes joues.

Dre. Djaknoun me parle avec beaucoup d’émotions.

J’entends seulement un mot. Le reste est flou.

Ma bouche ne veut pas prononcer ce mot. J’en suis incapable.

Est-ce vraiment la réalité ? Non, je dois dormir. C’est un cauchemar.

Réveillez-moi !

Rien à faire, je ne suis plus seule, il y a un monstre en moi.

Il grandit. Il détruit tous mes rêves et mes espoirs.

Il veut prendre ma vie. Je n’ai que 39 ans !

J’ai beau nommé ce monstre, ce cancer colorectal avec de nombreuses métastases au foie, je n’y crois pas, mais il est là!

Mon médecin de famille, Dr. Capusan, m’assure qu’il sera présent, à mes côtés, pour affronter cette maladie.

Pourquoi moi ? J’ai peur ! Tellement peur !

Pas question ! Non, pas question ! Je ne le laisserai pas voler ma vie !

La guerrière que je suis affrontera ce monstre qu’on m’a envoyé !

Je suis décidée !

 

C’est aujourd’hui que la guerre commence !

Assise dans le bureau du Dr. Daigle à Québec, je suis prête pour ce long et périlleux combat, le combat de ma vie. C’est avec confiance que je remets ma vie entre les mains de ce grand homme vêtu de blanc.

Il croit à une possibilité de guérison, mais ma situation est grave, très grave. Je suis très malade.

Vais-je vivre ? Il n’a pas de boule de cristal, il ne sait pas !

Je l’assure de coopérer de mon mieux.

Bistouri, oh oui ! Jamais deux sans trois. Ce monstre est gros et puissant, mais pas autant que moi !

Couper, enlever, gratter, il doit s’affaiblir. Moi, je souffre et j’ai mal, mais il doit comprendre qu’il n’y a pas de place pour deux.

Il n’y a pas de place pour lui ! Je garde espoir.

Chimiothérapie, ce poison toxique coule à flots dans mes veines pour attaquer et détruire le monstre.

Dr. Cantin me suit de près.

C’est le tout pour le tout !

On ajoute la radiothérapie pour être encore plus fort.

Ce n’est pas fini, ça continue !

Dr. Thibeault prend le relais et sort à nouveau le bistouri.

J’ai un forfait dans cette salle stérile et froide.

Elle me fait encore peur, même après mes cinq passages.

Mon corps s’est affaibli, mais le cancer se meurt. Je suis tenace !

Mon corps a tant subi ! Les cicatrices sont là à jamais.

Je ne peux pas les oublier, mais j’ai espoir de parler du monstre au passé.

 

Pour toi mon fils Tarick, j’ai été forte en regardant les merveilleuses années passées ensemble et les nombreuses encore à venir. Mon amour inconditionnel pour toi m’a poussé à vivre et à rester à tes côtés encore très longtemps.

 

Avec vous, maman, papa et mon cher frère Maxime, j’ai trouvé l’amour, le réconfort et la force de prendre une journée à la fois. Vous avez toujours trouvé les mots justes pour apaiser ma colère, mes souffrances, mes peines et mes peurs. Vous avez été présents à toute heure pour moi, pour voir à tous mes besoins.

Mes chères amies, avec vous j’ai pu me changer les idées et oublier pour un moment. Vos mots d’encouragement et d’amour m’ont donné une belle énergie.

Mon amour Steeve. Avec toi, j’ai rayonné de bonheur en prenant le temps de profiter des petits et des grands plaisirs de la vie. Ton amour, ta compréhension, tes encouragements et tes douceurs m’ont aidée à rester positive en gardant la tête bien haute.

Avec vous, médecins, je me suis battue.

Avec vous, infirmières, préposées et autres membres du personnel hospitalier, je me suis tenue debout à marcher un pas à la fois sur le chemin de la santé. Votre accueil remplit de chaleur humaine, votre présence près de moi et vos mots si rassurants m’ont donné la force et le courage de franchir ces portes vitrées, d’une fois à l’autre.

Vous avez su être à l’écoute de mes besoins, de comprendre mes peurs et mes anxiétés en prenant le temps de me connaître. Votre équipe médicale qui m’a entourée à fait toute la différence dans le combat de cette grave maladie.

Vous avez pris soin de moi alors que j’en avais grandement besoin.

Un merci ne sera jamais assez grand pour vous témoigner à vous, toutes et tous, ma reconnaissance profonde.

Je vois la lumière au bout du long tunnel, la lumière de l’espoir, de la vie, de ma vie.