60 chandelles sur le Gâteau des Latuquois
COMMUNAUTÉ. 60 ans, c’est tout un bail pour une organisation bénévole. Particulièrement quand elle maintient les voiles toutes ces années, qu’elle poursuit inconditionnellement sa mission.
Tout jeune, comme plusieurs, je suivais le «Gâteau du pauvre» à la radio. D’une oreille distraite, mais toujours intrigué par le résultat final. On a toujours dit que les Latuquois figureraient, au prorata, parmi les gens les plus généreux au pays dans une telle campagne.
Mon travail d’animateur surnuméraire, puis de journaliste à CFLM, vers la fin des années 80, m’a amené à m’impliquer au «Gâteau du pauvre». À cette époque, quand tu travaillais à CFLM ou à L’Écho, c’était automatique, tu avais ton billet réservé pour ce premier dimanche de décembre. On n’avait jamais à nous tordre le bras pour le faire, cette implication se fait avec le plus grand plaisir. De véritables abeilles accaparaient le sous-sol de l’église St-Zéphirin, des gens impliqués dans toutes les sphères d’activités du Gâteau latuquois. Car cette journée spéciale n’est pas qu’un simple plateau de télévision.
Des gens
Des gens de tous les milieux, des banquiers, des policiers, des employés d’usine, des religieux, des dirigeants d’entreprise, des secrétaires, des commerçants reprennent le collier chaque année dans cet événement caritatif qui n’a jamais fixé d’objectif financier.
Quand j’y suis arrivé, il y avait Sœur Marie Gervais, dont on parle encore aujourd’hui. Même si j’ai à peine eu l’occasion de l’interviewer une fois ou deux, difficile de ne pas sentir son implication inconditionnelle dans la cause des personnes nécessiteuses. Elle leur avait voué sa vie.
Dans un coin de la salle, Noël Filion, le greffier municipal, faisait des entrevues en direct avec différentes personnalités, toute la journée de ce dimanche. Il avait l’habitude de parler en public, M. Filion, car en plus de lire les résolutions au conseil, avec sa voix grave, il animait une émission à saveur religieuse le dimanche matin à CFLM, que je mettais en ondes au moyen d’un lecteur à bobines, tout de suite après la messe de 9h, que je diffusais aussi. Ça trahit mon âge, je ne le sais que trop…
Le Gâteau Latuquois a toujours mobilisé pas mal de gens. Tous ont cru à la cause de la même manière. Au fil des ans, vous avez entendu (et plus tard vu) les Fernand Corbeil, Léo Ménard, André Côté, Raynald Brière, Denys Robichaud, Denis Leclerc, Réal Gauthier, Michel Gaudreault, Marc Rochette, Donald Angers, Réjean Harvey, Francine Beaupré, Daniel Bourassa, Dany Doré, Michel Pronovost, André Mercier, Claudia Martel, Phil Boulianne et combien d’autres apporter leur touche personnelle pour susciter la générosité des gens. On l’a répété souvent, les animateurs ne sont que la pointe de l’iceberg, celle qu’on voit, parce que partout ailleurs, il y a les bénévoles qui amassent les dons, qui les comptent, ceux qui vont les chercher à bord de leurs voitures. Ajoutez à cela les techniciens, caméramans, en plus de l’inimitable Tord Boyau qui vient chaque année courtiser Claudia Martel. J’allais oublier les pompiers qui, dans la pluie, la neige ou la froidure, amassent des montants impressionnants chaque année. Aussi, deux gars qui ont toujours travaillé dans l’ombre parce qu’ils n’aiment pas les projecteurs, Réjean Leclerc et Guy Éthier. Puis, plein d’autres gens qui allongeraient la liste, mais qui ont tous autant de mérite.
D’un studio à l’autre
Cette première fin de semaine de décembre, le sous-sol de l’église St-Zéphirin devenait un grand studio, à l’arrière, alors qu’en entrant, se dévoilait une salle d’exposition où, sur d’immenses tables, on savourait des yeux, les tartes, biscuits, gâteaux, bûches de Noël. Il arrivait même que des gens rachètent leurs propres confections autant dans les pâtisseries que de l’artisanat. En retrait, plus loin, les indispensables téléphonistes prenaient les dons des personnes qui ne pouvaient se déplacer.
Vous n’avez pas idée de la préparation technique que requérait l’événement, chaque année, ne serait-ce que pour la télévision communautaire. Autant d’équipement à amener sur place, à brancher, à tester, à faire fonctionner avant de remballer tout ça et de le retourner dans les studios d’Électrovision, année après année.
Un jour, le Gâteau déménage vers un Complexe culturel tout neuf. On se retrouve dans un tout autre univers où la technique permet de présenter des spectacles de façon professionnelle tout au long de la journée. Ça devient comme un grand spectacle auquel on peut assister toute la journée, dans la majestueuse salle la Forestière. Ainsi, les écoles de danse, les groupes d’étudiants, les chorales, l’Harmonie, les musiciens ont tous la possibilité de monter sur scène, de donner de leur temps pour aider à amasser de l’argent. C’est ça, la solidarité. Tout le monde donne de son temps. À sa manière, mais tout le monde donne.
Impossible d’évoquer la campagne du Gâteau sans se remémorer Guy Doré. Comme le décrivait si bien son ami de toujours, Gaston Bolduc, il avait le don de dédramatiser, de provoquer des fous rires, de taquiner, tout comme celui d’arriver à la dernière minute le matin même du Gâteau. MM. Doré et Bolduc n’étaient pas des animateurs dans la vie, mais pour ceux qui s’en venaient au micro de la Campagne du Gâteau, ils incarnaient la marche à suivre, car ils savaient quoi, comment et quand le dire. Ces deux-là, ensemble, avaient le mot juste pour décrire la générosité de la population de La Tuque, et savaient parler aux téléspectateurs avec humour quand le téléphone ne sonnait pas suffisamment, quand le chiffrier était trop bas à leur goût, vers la fin de l’après-midi. On leur doit beaucoup.
Puis, en 2010, quelques mois avant de nous quitter, Guy est affaibli par la maladie. Il n’avait plus la force de passer la journée complète avec nous. Mais il avait démontré son caractère combatif, une fois de plus, en tenant à terminer la dernière séquence de ce Gâteau sur le plateau des animateurs. Dans un moment d’une grande intensité, il avait dévoilé le chiffrier final. Guy savait que c’était son dernier Gâteau, mais il avait insisté pour savourer ce moment avec toute l’équipe. Pour plusieurs, cet instant émouvant s’est avéré un des plus marquants des dernières années.
Lui, et Jean Trépanier, l’instigateur, sont assurément parmi ceux à qui on devrait dédier cette 60e Campagne du Gâteau.