Une Latuquoise instaure un projet pilote pour les camionneurs atteints du syndrome post-traumatique

CAMIONNAGE. Les chauffeurs de poids lourds qui sont affectés par le syndrome de stress post-traumatique pourront compter sur une ressource offrant une aide rapide et précieuse. Latuquoise d’origine, Kareen Lapointe et son conjoint Patrick Forgues ont récemment mis sur pied l’organisme «Syndrome de stress post-traumatique chez les camionneurs». M. Forgues a lui-même été impliqué dans un accident : en février 2013, un individu s’est jeté devant son camion sur l’autoroute 40. Il vit depuis avec le syndrome de stress post-traumatique suite à l’accident. En 2016, constatant qu’il n’était pas seul à vivre le même traumatisme, le couple veut mettre sur pied un organisme d’aide. «Ça nous trotte toujours dans la tête, c’est notre cauchemar. On s’en parle entre camionneurs et on pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Sur le coup, je suis devenu de glace, sachant bien ce qui s’était passé», avait indiqué M. Forgues. Il est rapidement entré en urgence psychiatrique, après les événements et après avoir tenté un retour au travail, sans avoir toute l’aide dont il aurait eu immédiatement besoin. «On s’est rendu compte que l’aide n’était pas là», a déploré Mme Lapointe, qui ajoute toutefois avoir bénéficié d’une oreille attentive du gouvernement. À la fin mai, la députée-ministre Dominique Vien a annoncé que son gouvernement verserait une contribution de 157 000 $ à l’organisme créé par le couple qui réside dans la région de Bellechasse. Cela permet la création d’un projet pilote pour venir en aide à ces camionneurs. L’UQAM L’Université du Québec à Montréal s’implique activement dans le projet pilote. «L’UQAM va faire l’étude de données. Des psychoéducateurs vont remplir des rapports pour démontrer que c’est important d’avoir une prise en charge rapide», explique Kareen Lapointe. Deux groupes témoins de 40 camionneurs prendront part au projet pilote, dès l’automne. Un premier groupe suivra la trajectoire normale, patientant un mois avant que la CNESST ne prenne le dossier en main. Le second groupe sera pris en charge par l’association entre 24 et 48 heures après l’accident. L’évaluation permettra de démontrer lequel des deux groupes aura été traité le plus rapidement et le plus efficacement possible. Un suivi de cinq à six rencontres avec des intervenants spécialisés et psychoéducateurs, avant leur prise en charge par la CNESST, sera réalisé. Les données recueillies auprès des spécialistes serviront à la mise sur pied d’un véritable programme d’intervention, validé scientifiquement, qui permettra de soutenir les camionneurs et l’ensemble de l’industrie du camionnage. «L’UQAM a fait une pareille étude avec les chauffeurs de trains et ils ont vu une nette amélioration», rapporte Mme Lapointe. Elle espère que ce protocole fera partie des stratégies de la CNESST, pour que les camionneurs soient pris en charge immédiatement. La carrière de Patrick Forgues, en tant que camionneur, est terminée depuis ce temps. «J’essaie de vivre avec les symptômes, ce qui n’est pas toujours évident autant pour moi que ma famille», ajoute-t-il. Kareen Lapointe, qui a vécu en Haute-Mauricie jusqu’en 1997, connaît bien l’industrie du camionnage et la réalité des routes régionales. Il existe peu de données portant sur ce type d’accident vécu par les camionneurs. Mais le groupe fondé par Kareen Lapointe et Patrick Forgues existe parce que ça survient beaucoup trop souvent. Depuis deux ans, Mme Lapointe estime que son association est venue en aide à au moins 200 camionneurs, dont les employeurs acceptaient de payer des frais de psychothérapie.  Même après 5 ans, M. Forges a encore des «flashbacks» de son accident. Une situation qui alimente son désir de venir en aide à ses collègues camionneurs. La CNESST Selon la porte parole de la CNESST, Geneviève Trudel, la CNESST a dénombré 96 dossiers de camionneurs ayant subi un stress post traumatique, entre 2013 et 2017. «Parmi ces 96 dossiers, on observe 87 cas de stress post traumatique faisant suite à une exposition à un événement traumatisant, dont moins de 3 causés par une tierce personne.  Nous ne pouvons cependant confirmer qu’il s’agit d’une personne s’étant suicidée», indique-t-elle. Une indemnité de remplacement de revenu est versée au travailleur, lorsqu’il est démontré qu’il a subi une lésion psychologique attribuable à son travail et que sa demande d’indemnisation est acceptée par la CNESST. «De plus, il a droit à des soins de psychologie pour traiter la lésion tel que prescrit par son médecin.  Lorsque le retour au travail est susceptible d’être compromis, la CNESST doit évaluer la situation pour décider des mesures de réadaptation qui contribueront à assurer le retour prompt et durable en emploi du travailleur», complète Mme Trudel. Avec la collaboration de Serge Lamontagne