«Un ouragan dans un verre d’eau» -Me François Daigle
AUDIENCE. Le dossier concernant le compte de dépenses du maire de La Tuque Normand Beaudoin a été entendu mercredi au palais de justice de Shawinigan devant la Commission municipale du Québec (CMQ). Au cours de la journée, nous avons pu entendre trois témoins, en plus du maire Beaudoin qui a été questionné.
Rappelons que le dossier repose sur un compte de dépense du 17 novembre 2016 dans un restaurant de Montréal, alors qu’il y avait une rencontre le lendemain, du comité des forêts de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) sur lequel siège M. Beaudoin. La plainte a été déposée par le conseiller municipal Luc Martel qui contestait la validité du compte de dépenses.
Pour l’avocat de la poursuite, Me Nicolas Dallaire, il est clair que l’enjeu ne repose pas sur le montant en cause, mais sur les actes.
De son côté, lors des représentations en fin d’audience, l’avocat de M. Beaudoin, François Daigle évoquait qu’il s’agissait «d’un ouragan dans un verre d’eau», et que la seule erreur de son client aura été de ne pas avoir demandé de per diem qui voulait plutôt avoir le remboursement de la dépense réelle. «On s’acharne sur une personne qui demande moins que ce que la Ville lui propose.»
François Daigle a aussi signifié à la CMQ que le dossier perdait de sa saveur comme son client ne se représente pas pour le poste de maire.
Sur la facture du maire, on pouvait lire à l’endos les annotations: «UMQ, Matte, Potvin Saint-Félicien».
Normand Beaudoin
Lors de l’interrogatoire, le maire Beaudoin a indiqué qu’il prenait souvent des notes derrière ses factures pour les personnes qu’il rencontre. «J’ai la mémoire des chiffres, mais pas des noms. C’est un aide-mémoire pour moi.»
Le maire a reconnu qu’il était au souper avec une personne pour des fins personnelles, et non pour représenter la Ville. La réclamation avec les taxes pour ce souper était de 103,13$. «En étant deux jours à Montréal, j’avais droit à un per diem de 70$ par jour pour 140$ au total. Je me disais que la Ville gagnait. Pour moi, tant que ce n’est pas indu, c’est correct. Je suis intègre. Si j’avais pris le per diem de 140$, il n’y aurait jamais eu cette histoire. Il y a eu un jeu politique avec ça. D’ailleurs, je suis surpris de ne pas voir M. Martel dans la salle.»
«Au départ, M. Martel m’a demandé avec qui j’étais. J’ai refusé de répondre. J’aurais donné des réponses sur le compte, mais pas sur la personne avec qui j’étais», ajoute M. Beaudoin.
Ce dernier a aussi précisé qu’il n’inscrivait pas le nom des personnes avec qui il mange, mais le lieu et la raison.
Me Nicolas Dallaire a fait entendre des enregistrements de la radio locale où M. Beaudoin a donné des entrevues. Il a identifié plusieurs contradictions entre les enregistrements et ce qui a été dit lors de l’audience.
«Je n’ai jamais voulu voler la ville, ni voulu falsifier des documents. J’ai toujours été à l’aise avec mes dépenses. Ceux qui voulaient saliver avec ce dossier avalent leur propre salive parce que je ne me représente plus comme maire et ce dossier n’a aucun lien avec ma décision. C’est certain que c’est fatigant, ça serait mentir de dire le contraire. On aurait pu régler ça dans un bureau sans tout étaler sur la place publique et faire dépenser des milliers de dollars aux contribuables», a déclaré le maire en entrevue à TC Media.
Les autres témoins
Le premier témoin à être entendu a été le maire de Saint-Félicien Gilles Potvin. Ce dernier a souligné que Luc Martel a communiqué avec lui pour savoir s’il était au souper. M. Potvin a confirmé qu’il n’était pas au souper. Pourtant, sur le compte de dépense, son nom y figurait.
Puis, la directrice des finances et secrétaire trésorière à la Ville, Christine Gervais, a été appelée. Après avoir relaté ses tâches, elle a fait part à la CMQ de la politique de remboursement de la Ville pour les élus et les employés. Un per diem de 70$ peut aussi être alloué sans besoin de pièce justificative.
«Je n’ai pas posé de question parce que rien à mes yeux ne nécessitait de question supplémentaire», exprime Mme Gervais devant la Commission.
Denise Bérubé, l’adjointe du maire et du directeur général a été la troisième personne à témoigner. Cette dernière soulignait avoir vu les annotations, mais elle n’a pas eu d’échange avec le maire sur ce point. Elle disait qu’elle avait cherché à savoir qui était le Matte en question, mais qu’elle a dû être dérangée parce que ça lui a sorti de l’idée.
Détails sur la suite
La juge Martine Savard a pris la cause en délibéré et la CMQ a un délai de 60 jours pour faire connaître sa décision à savoir si le maire Beaudoin a eu un manquement selon le code d’éthique et de déontologie.
Si une faute est reconnue, les différents partis ont convenu de la date du 15 décembre pour l’audience sur la sanction.