Rendre à l’orgue de Saint-Zéphirin sa sonorité d’antan

Yves Lévesque est facteur d’orgues. Il a entamé, il y a quelques semaines, un mandat auprès de la paroisse Saint-Martin-de-Tours qui redonnera à l’orgue Casavant de l’église Saint-Zéphirin la sonorité originale de mai 1964, au moment où l’abbé Antoine Bouchard, grand professeur d’orgue et organiste, inaugurait l’instrument de style néoclassique français. Rencontre avec le facteur d’orgue.

Quand il est question des travaux de restauration de l’orgue de l’église Saint-Zéphirin, on peut penser qu’ils sont exécutés sur la console elle-même, mais ce sont majoritairement les tuyaux qui en ont besoin. « C’est peut-être 20% des travaux qui le seront (sur la console), si on est généreux », précise Yves Lévesque.

Il précise que l’orgue souffre entre autres d’empoussièrement. « Il y a eu des travaux de faits, il n’a pas été protégé. Il y a des sections, des jeux, qui ont été rendus muets », signale le facteur d’orgues. 7 des 52 jeux de l’instrument de 4230 tuyaux ne jouent plus, ce qui en altère la performance.

L’opération ne consiste pas qu’en un simple nettoyage. Il faut démonter tous les tuyaux, les nettoyer, ce, dans les deux sections. Un nettoyage en profondeur s’impose, même pour certaines parties plus difficiles d’accès.

« Si on ne le fait pas aujourd’hui, dans vingt ans, ce sera à faire », prévient-il. Nettoyer, oui, mais tant qu’à faire, on va aussi changer tous les cuirs de soupapes situées sous chaque tuyau, des éléments indispensables aussi minces qu’une feuille de papier. Après autant d’années, les cuirs s’assèchent. « La qualité principale de ce cuir, il faut qu’il soit étanche. Quand il ne l’est plus, il ne fait plus son travail », évalue M. Lévesque.

Il note aussi un problème d’affaissement à corriger pour certains tuyaux de la section supérieure de l’orgue Casavant de l’église Saint-Zéphirin : « Avec les années, faute d’un appui suffisant, ils ont commencé à pencher ». Mais aucun tuyau n’aura à être remplacé.

L’orgue n’a jamais été endommagé par les travaux effectués au fil des années à l’église, a confirmé André Dompierre, responsable du comité de la restauration de l’orgue. Une fois, c’est passé proche, un entrepreneur avait percé un trou près de l’orgue, mais on avait pu le prévenir juste à temps.

Quant aux travaux sur la console elle-même, il faudra refaire des contacts électriques et des composantes du clavier, changer des touches usées. Initialement prévus pour durer jusqu’à Noël, les travaux devraient durer jusqu’à la fin octobre, estime M. Lévesque.

Un orgue réputé

Ce n’est pas d’hier qu’on parle du caractère unique de l’instrument de l’église Saint-Zéphirin, dont la conception se situe dans une époque de renouveau. Pour suivre le courant, dans les années 60, Casavant avait embauché un directeur tonal, qui avait proposé cet orgue de transition, tant au niveau sonore que mécanique, pour atteindre de nouveaux procédés.

« C’est un bel orgue, c’est indéniable […] On y retrouve à peu près tout ce qu’un organiste veut, même s’il n’y a pas un orgue sur la planète qui plaît à tous les organistes », conçoit Yves Lévesque.

Avec son entreprise Lévesque-Roussin de Thetford-Mines, il travaille depuis 20 ans à redonner vie à des orgues fatigués d’un peu partout au Québec : « On ne veut pas construire d’orgue neuf, parce qu’il faut préserver le patrimoine organistique au Québec. Avec toutes les fermetures d’églises, il y a énormément d’orgues qui se retrouvent au dépotoir. Déménager un orgue, c’est un gros travail, c’est très coûteux. Mais c’est moins coûteux que d’en construire un neuf ».

Aussi, la fierté est toujours grande, pour Yves Lévesque, d’entendre le son d’un appareil renouvelé une fois qu’il a terminé un contrat de restauration, après la réharmonisation de l’instrument.

On se rappellera que quatre concerts bénéfice ont été présentés au fil des dernières années pour la restauration de l’orgue, permettant de recueillir 30 000$. L’été dernier, la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Nathalie Roy, remettait une enveloppe de 110 119$ pour couvrir une partie importante des coûts estimés à près de 160 000$. La paroisse comblera le montant manquant, qui sera ensuite remboursé par des concerts bénéfices.