Référendum de 1980 : Jean-Pierre Jolivet se souvient
HISTOIRE. Le 20 mai 1980, un mardi, pour la toute première fois de son histoire, le peuple québécois doit se prononcer sur son avenir constitutionnel. Comme les citoyens qu’il représentera de 1976 à 2001, Jean-Pierre Jolivet s’apprête à aller voter.
Quarante ans ont passé, l’homme de conviction se souvient de cette journée ensoleillée qui ne se conclura évidemment pas comme il l’aurait souhaité. En effet, dans une proportion de 59,6% (à 56,7% dans Laviolette), les Québécois répondront NON à la «fameuse» question portant sur la souveraineté-association.
L’ancien ministre péquiste, reconnu pour son accessibilité et sa simplicité, a accepté de replonger dans ses souvenirs de cette journée historique qui s’est soldée dans les pleurs de la défaite.
«On avait fait une bonne campagne, malgré tout. M. Lévesque était venu à Trois-Rivières et à Shawinigan durant la campagne référendaire»
– Jean-Pierre Jolivet
«Mon numéro de téléphone était et est toujours dans l’annuaire. Les gens appelaient à la maison. Mes enfants le savaient: «Je vais prendre le message et mon père va vous rappeler». Ce que je faisais. J’étais présent et disponible pour mon monde», raconte Jean-Pierre Jolivet.
Toujours actif, il revenait justement de réparer une porte à l’extérieur de sa maison de la 14e avenue à Grand-Mère qu’il habite depuis 1970.
«De cette campagne référendaire, je me rappelle de la peur. Moi, je ne l’ai jamais eu. Dans ma famille, on est des déportés de l’Acadie. Mon grand-père a marié une descendante de Louis-Joseph Papineau. Mon père était dans le Bloc populaire. C’était définitif, dans ma famille, on voulait le Québec», exprime-t-il en reconnaissant qu’il y avait une inquiétude dans Laviolette sur le futur d’un éventuel pays du Québec.
«Chez les plus âgés, certains avaient peur de perdre leur pension. Ça a joué beaucoup. Ils n’ont pas vu, dans ce que René Lévesque proposait, quelque chose qui les rassurait», se rappelle-t-il avec déception. Jean Chrétien, député de Saint-Maurice et ministre dans le cabinet de Pierre Elliot Trudeau, sera d’ailleurs très actif dans la région, lors des semaines qui ont précédé le 20 mai. «Chrétien, il semait la peur», s’exclame-t-il dans ce franc-parler qui caractérise toujours l’homme à l’aube de la quatre-vingtaine.
Les troupes souverainistes menées par Jean-Pierre Jolivet étaient pourtant bien préparées. «On avait fait une bonne campagne, malgré tout. M. Lévesque était venu à Trois-Rivières et à Shawinigan durant la campagne référendaire. On avait rempli les salles. On avait nos pancartes. Même, le long de la route de La Tuque, à la Pointe-à-la-Mine, on avait mis une grosse affiche du OUI dans la montagne, en haut. On sentait qu’il y avait «un» goût de faire quelque chose, mais pas assez suffisant pour le faire passer. On était nerveux, inquiets et le soir, on pleurait», relate-t-il tout en mentionnant qu’il gardait, même dans la tristesse de la défaite, l’espoir que le peuple québécois voudrait «se prendre en main» ou avoir son «rendez-vous normal avec l’histoire» comme l’affirmait René Lévesque.
Toujours en politique active, lors du référendum sur la souveraineté de 1995, Jean-Pierre Jolivet et ses militants renverseront la tendance de 1980. Les citoyens de La Tuque, de Grand-Mère et de Mékinac appuieront la souveraineté à 56,8%. Pour l’ensemble du Québec, le NON l’emportera cependant par une courte victoire à 50,6%, une majorité d’à peine 54 288 voix.
Avant, pendant et après 1995, Jean-Pierre Jolivet fera toujours écho à son chef qui va lancer son «Si j’ai bien compris, vous êtes en train de me dire: à la prochaine fois» devant un Centre Paul-Sauvé bondé, à Montréal le 20 mai 1980 en soirée. «L’histoire d’un peuple, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Virer un paquebot de bord, ça prend de l’espace et ça prend du temps», souligne celui qui n’a jamais oublié le grand chef d’État que Félix Leclerc a qualifié un jour «de libérateur de peuple».
Féru d’histoire, cet ancien professeur de sciences humaines de la Polyvalente du Rocher à Grand-Mère a tout lu sur René Lévesque en plus de l’avoir côtoyé dans l’exercice du pouvoir. «C’est vraiment un homme extraordinaire», enchaine Jean-Pierre Jolivet en se confiant sur celui qui est décédé le 1er novembre 1987.
«Je pense à lui à tous les jours. J’ai des statues de lui à la maison. Il a eu un parcours exceptionnel. Ce n’est pas rien, il a été correspondant de guerre pour l’armée américaine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il a eu son émission Point de mire à Radio-Canada, avant de faire le saut en politique, avec les libéraux de Jean Lesage. Je me rappelle qu’il était venu à l’aréna de Shawinigan pour parler de la nationalisation de l’électricité. J’étais là. Il a toujours eu la capacité de soulever les foules. C’était la même chose au Parti québécois qu’il a porté au pouvoir de 1976 à 1985», témoigne un Jean-Pierre Jolivet qui, fièrement, se souvient.
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L’ancien ministre analyse la gestion de la pandémie
Ministre dans les gouvernements de René Lévesque, Pierre-Marc Johnson, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, Jean-Pierre Jolivet dresse un portrait généralement positif de la gestion de la crise par son ancien collègue péquiste François Legault.
«Moi je trouve qu’il fait une bonne job. François Legault se révèle à lui-même, souligne celui qui siégeait au conseil des ministres, lors de son arrivée au Parti québécois en 1998, un parti à ce moment-là dirigé par Lucien Bouchard. «C’est un homme d’affaires, il a fait un bon travail à l’éducation. Mais il doit lui-même se surprendre. Il est d’ailleurs appuyé par une bonne équipe de la Santé publique», analyse Jean-Pierre Jolivet en ajoutant une lecture constitutionnelle à la crise actuelle.
«Trudeau, c’est sûr qu’il est député à Montréal, mais il ne devrait pas jouer à la belle-mère. Il ne s’implique pas dans les autres provinces comme il le fait au Québec. Si on avait été indépendant en ce moment, on agirait à notre façon. Peut-être qu’on n’aurait pas eu les déboires qu’on a actuellement», suggère-t-il en dénonçant les «tergiversations» du premier ministre du Canada à fermer les frontières au début de la pandémie.
L’ancien militant du Rassemblement pour l’indépendance nationale perçoit un regain de la fibre nationaliste de François Legault. Particulièrement lorsqu’il a évoqué en point de presse la souveraineté alimentaire du Québec.
«La CAQ, c’est un peu l’Union nationale renouvelée. Mais il va frapper son Waterloo. Un moment donné, il va se retrouver devant les autres provinces et le premier ministre du Canada, dans les mêmes conditions que René Lévesque s’est retrouvé, lors du rapatriement de la constitution. Il va perdre du pouvoir», croit Jean-Pierre Jolivet.
L’ancien député péquiste voit dans le drame des CHSLD, une nécessité de donner une plus grande considération aux personnes aînées dans notre société. «Moi et mon épouse Nicole, on aide aux soins palliatifs à l’hôpital, depuis une dizaine d’années. Là, on ne le fait pas, car on est confiné. Mais on voit que beaucoup de gens sont laissés à eux-mêmes en fin de vie», se désole-t-il.