Quand la pandémie réinvente la restauration
ÉCONOMIE. Un point qui aura caractérisé l’ensemble de l’activité économique de la région aura été la résilience dont ont fait preuve les commerçants locaux, dans différentes sphères d’activités. Coup d’œil sur quelques acteurs du domaine de la restauration.
Certains restaurants ont donné rendez-vous à leur clientèle après le confinement, d’autres sont demeurés ouverts, en adaptant considérablement leurs pratiques : si la montagne ne vient pas à nous, il faut aller vers la montagne. La pandémie, les consignes de distanciation sociale, la fermeture forcée des salles à manger auront poussé les restaurateurs à se rendre directement chez les clients en créant même des expériences culinaires.
C’est exactement ce qu’a fait Patrick Moisan, du restaurant le Boké.
Il a réparti les opérations de son commerce en trois secteurs d’activités distinctes. Des boîtes de fruits et de légumes pour les gens qui ne peuvent pas nécessairement se rendre au supermarché, des boîtes économiques de viandes, qu’on peut cuisiner, des boîtes de mets cuisinés qui viennent au secours des gens qui doivent continuer à travailler. Les denrées sont acheminées par le nouveau service de livraison La Tuque.
Être confiné ne rime pas avec être malheureux. Une thématique différente est proposée chaque semaine, comme le brunch de Pâques qui a connu un succès boeuf. «La semaine dernière, on en a vendu 450 et on en a refusé pour 250 personnes», s’étonne encore M. Moisan.
Chaque vendredi, sa boutique gourmande ouvre ses portes, offrant les produits pour emporter ou en livraison. «Ce n’était pas dans les premiers scénarios, mais depuis l’ouverture du Boké, il y a 7 ans, les vendredis soirs, on affiche toujours complet pour avec le steak frites. On a ajouté la livraison. On se limite à un soir semaine, étant donné que d’autres établissements vivent de la livraison», poursuit M. Moisan.
«J’ai confiné 50 % de mon personnel (30 personnes y travaillent habituellement), pour que si, dans ceux qui sont ici, il y en avait qui étaient contaminés, on aurait des remplaçants dans les secteurs clés de l’entreprise», a-t-il fait savoir. Il concentre ses activités les jeudis, vendredis et samedis.
Les employés ressentent bien cette gaieté que le Boké veut apporter : «Ça donne du «pep» aux employés. C’est de la nouveauté pour nous aussi. C’est comme un «challenge», car on ne faisait pas de livraison». Des serveuses ont été réaffectées au contact avec les clients par Facebook ou pour rappeler les clients pour des commandes. Tout le monde a accepté d’emblée de collaborer dans cette nouvelle façon de faire temporaire, disait le patron, visiblement reconnaissant.
Une forte demande qui convainc M. Moisan à non seulement conserver l’aspect livraison après la pandémie, mais aussi à développer un éventuel nouveau créneau qui n’est pas offert actuellement à La Tuque. On devrait en savoir plus long d’ici les prochaines semaines à ce sujet.
Enthousiasme
Le propriétaire du restaurant le Saint-François, Marc-André Potvin, a vite remarqué un enthousiasme de la clientèle pour le nouveau service de livraison qu’il vient de mettre lui-même sur pied, les jeudis, vendredis et samedis.
«Je vous dirais que c’est complètement fou. Ça marche beaucoup plus qu’on l’aurait espéré», laisse-t-il entendre.
Comme plusieurs, il décèle là une opportunité d’affaires créée de toutes pièces par la pandémie. «Probablement qu’on va continuer de l’offrir après», se propose-t-il.
Cette nouvelle façon de faire a permis de conserver quatre emplois à la cuisine, puisque le menu qu’il propose en livraison est assez varié. Seules deux serveuses ont dû temporairement être remerciées par son entreprise.
Sur son menu, il a inscrit les éléments constituant les meilleurs vendeurs. «On ne faisait pas de poutine. Je pense que c’est ce qui marche le plus», s’étonne-t-il.
Sept jours sur sept
Le restaurant Stratos compte parmi ceux qui sont demeurés en opération sept jours semaine, mais seulement au comptoir et en livraison. À part quelques éléments contenant des fruits de mer qui ont dû être retranchés du menu, on peut se faire livrer tous les plats habituels.
«Ça va quand même bien. Ce n’est pas comme quand on est ouvert, mais on a de la livraison pas mal», confie Michel Simard, propriétaire. L’entreprise n’a pas pu conserver ses employés, seuls les quatre propriétaires mettent la main à la pâte pour l’instant.
Comme de nombreux autres restaurateurs, il espère que cette pause sera la plus brève possible.
L’après-pandémie
Bien malin qui peut prévoir de quelle manière exacte se passera la période qui suivra le déconfinement pour le domaine de la restauration.
«À mon avis la restauration va être les derniers secteurs avec l’hôtellerie (à pouvoir rouvrir). Il va tellement avoir de mesures restrictives de distanciation qu’on est mieux de se préparer avec d’autres créneaux pour l’été à venir», prévoit Patrick Moisan. Les terrasses pleines, la musique, l’ambiance festive vont fort probablement passer leur tour cet été.
Créativité toute latuquoise
Le maire de La Tuque, Pierre-David Tremblay, salue la créativité qui a marqué le domaine de la restauration comme bien d’autres secteurs d’activités économiques à La Tuque. «Le fait qu’on se confine nous a indirectement rapprochés, mais dans la créativité. C’est là que les restaurateurs ont dû être créatifs», fait valoir M. Tremblay.
Comme plusieurs, la COVID-19 a accéléré la découverte de la technologie informatique, pour ceux qui hésitaient encore à y plonger, permettant des réunions à distance ou le télétravail.
«On a des réunions interrégionales pour lesquelles on n’a pas besoin de se déplacer. Avec le service de livraison vers Parent, vers le centre-ville, il y a des gens qui magasinent pour nous. Dans les épiceries, il y a quelqu’un qui fait votre épicerie et elle va être livrée dans les heures qui suivent. Les restaurants ont mis en place des services de livraison avec des produits qui plaisent aux gens […] Je pense que cet aspect d’entraide, de solidarité et de créativité, on le voit se manifester», évalue M. Tremblay.