Plus de soutien pour les agriculteurs de la région

RÉGIONAL. Un projet-pilote vient d’être mis en branle dans la région pour faciliter la prise en charge des producteurs agricoles nécessitant un suivi psychosocial.  

Il se décline en deux volets : sensibiliser les acteurs du réseau de la santé à la réalité agricole et créer un corridor de services afin de référer directement cette clientèle aux programmes et services qui répondent à ses besoins. Le but ultime est de permettre une adaptation de l’intervention à la réalité agricole.

Le projet, nommé «Approche et références pour les producteurs agricoles et leur milieu» (ARPAM), est déployé par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ), en collaboration avec l’organisme Au cœur des familles agricoles (ACFA), qui offre depuis 21 ans des services psychosociaux aux agriculteurs par le biais d’une équipe de travailleurs de rang.

Deux intervenantes y sont dédiées : Marie-Ève Durand pour la région du Centre-du-Québec et Kim Rémillard pour la Mauricie. Elles sont la courroie de transmission entre les services du CIUSSS MCQ et la communauté agricole de la région, qui englobe quelque 3200 entreprises agricoles au Centre-du-Québec et 965 en Mauricie.

Elles ont amorcé leur mandat en novembre dernier. Depuis, elles sont allées à la rencontre d’agriculteurs et ont réalisé de la sensibilisation auprès d’environ 700 intervenants du CIUSSS MCQ.

« On a 20 000 employés du CIUSSS à sensibiliser sur la réalité agricole. On a une très belle réceptivité de leur part. Ils se disent empathiques à la réalité des agriculteurs et ils s’engagent à adapter leur pratique professionnelle pour leur venir davantage en aide », témoigne Kim Rémillard, qui se réjouit de la grande mobilisation collective qui se met en place pour assurer le bien-être psychologique et la santé de cette clientèle.

Les besoins sont grands. Pas moins de 58 % des producteurs et des productrices agricoles présenteraient des symptômes d’anxiété, alors que 35 % d’entre eux présentent des symptômes dépressifs, selon une récente étude.

Dans la région, les travailleurs de rang de l’ACFA ont effectué plus de 750 interventions en 2022. Les conflits familiaux en lien avec la sphère professionnelle, le stress et l’anxiété, les problématiques relationnelles et la surcharge de travail sont parmi les principaux motifs de consultation.

« 92 % des producteurs agricoles souhaitent que la personne à qui ils adressent leur problème de santé ou psychologique ait une connaissance au niveau de la réalité agricole. Cela favorise le lien de confiance », témoigne Marie-Ève Durand.

Cette statistique fait comprendre toute l’importance de la démarche de sensibilisation. « [Cette démarche] va permettre d’offrir des outils d’intervention adaptés à leur réalité.  Par exemple, un arrêt de travail de 30 jours n’est pas applicable pour un agriculteur. Quelles solutions pourraient alors lui convenir, en fonction de sa situation? », illustre Mme Durand.

Elle y va d’un autre exemple : « Les règles actuelles font en sorte que lorsqu’une personne ne se présente pas trois fois à une rencontre planifiée, son service est annulé. Or, y a-t-il moyen de repenser ça cliniquement? Car si la personne ne se présente pas, c’est peut-être parce que sa réalité agricole implique qu’elle doit faire les foins, parce qu’il y a des récoltes, parce que la météo fait en sorte que c’est maintenant qu’il doit aller dans ses champs… »

La démarche vise aussi à faciliter le processus d’accès aux services, notamment en permettant aux travailleurs de rang de faire des références directes. Ainsi, l’agriculteur n’a plus besoin de passer par le 811 ou l’accueil psychosocial pour qu’on lui ouvre un dossier.

« Souvent, quand un agriculteur appelle, il n’est pas à l’aise de tout dire. Donc, souvent, il ne sera pas bien priorisé parce qu’il va minimiser certaines choses », souligne Mme Durand.

En étant référé par son travailleur de rang, son accès aux services appropriés est ainsi facilité. Le processus est en cours d’élaboration. « On veut produire des documents qu’ils [les travailleurs de rang] pourront remplir et acheminer aux intervenants. Pour le moment, on appelle encore les équipes pour les aviser qu’elles vont recevoir une référence. On sert de pont », termine Mme Durand.

L’évolution de ce projet-pilote – une première au Québec – sera suivie avec intérêt par les autres CISSS et CIUSSS du Québec, car la formule pourrait être déployée ultérieurement partout.