«On ne peut pas se permettre d’avoir un trou béant en plein centre-ville»

Depuis une décennie, pas moins de 285 églises du Québec ont changé de vocation ou sur le point de l’être, révèlent des données obtenues par TC Media.

La majorité de ces églises ont été converties. Elles ont été mutées en centres communautaires, en bibliothèques, en salles de spectacle ou même en immeubles à logements abordables, d’après une compilation scrupuleuse du Conseil du patrimoine religieux du Québec (CRPQ).

Et ce n’est pas fini: au moins 50 églises délaissent annuellement en tout ou en partie leur fonction religieuse à travers la province.

Comme L’Écho vous l’apprenait en septembre, Ville La Tuque et la Fabrique St-Martin-de-Tours ont convenu de réaliser trois études pour donner une orientation stratégique aux églises Marie-Médiatrice et St-Zéphirin.

Ville La Tuque mandatera la firme Zins Beauchesne pour effectuer la première étude servant à déterminer à quoi ces églises peuvent servir pour le bien de la communauté.

«L’église St-Zéphirin est en plein cœur du centre-ville. On ne peut pas se permettre d’avoir un trou béant en plein centre-ville. On veut aussi voir ce qui serait réalisable pour l’église Marie-Médiatrice parce qu’on ne veut pas les dévitaliser. Au terme de l’étude, c’est certain que l’aspect financier du projet comptera», explique Marco Lethiecq.

Les deux autres études cibleront plus précisément les mesures d’économie d’énergie pouvant être mises en place et à évaluer l’état de santé de l’ensemble du bâtiment de l’église St-Zéphirin.

La Fabrique a déjà émis, par le passé, vouloir obtenir une cote C dans la reconnaissance patrimoniale pour l’église St-Zéphirin. Cette cote patrimoniale aurait permis à l’institution de bénéficier d’une subvention qui aurait couvert 70% des coûts de réparation.

La Ville préfère attendre les résultats des trois études, qui seront connus au printemps, avant d’aller plus loin dans cette démarche.

De son côté, l’église Marie-Médiatrice est en vente depuis 2010, mais n’a toujours pas trouvé preneur.

«Il y a toujours des gens intéressés, mais l’évaluation municipale est dispendieuse. Là, il y a une exemption de taxes puisqu’il s’agit d’un bâtiment à vocation religieuse. Mais si l’église est vendue à un propriétaire privé, l’évaluation municipale s’élève à 1,7MS. C’est très onéreux comme taxe et la loi n’est pas facilitante avec les entreprises privées dans les cas de vente d’église», soutient M. Lethiecq.

Au Québec, les églises ont été modifiées pour abriter des condos dans moins de 1% des cas.

«Des projets de condos, ce n’est pas l’avenir. Il y a toutes sortes de modifications qui doivent être faites pour essayer d’améliorer la qualité de vie des occupants et leur coût est énorme», indique pour sa part Denis Boucher, chargé de projet du CRPQ.

«Quand on trouve un acquéreur, il y a une facture de mise à niveau qui est énorme, rapporte M. Boucher. Et je ne parle pas de mise aux normes et tout ce que le bâtiment peut exiger selon l’usage que l’on veut en faire.»

Dans l’avenir…

En 2006, la Commission de la culture a exhorté le gouvernement du Québec à décréter un moratoire «sur l’aliénation et la modification des bâtiments religieux» afin de prendre le temps de réfléchir à l’avenir des églises du Québec.

Le Diocèse s’intéresse à la question de la vente et de la conversion d’église. D’ailleurs, dans sa lettre de pastorale, Mgr Luc Bouchard, évêque du Diocèse, se questionne sur l’avenir.

«Y aura-t-il toujours des prêtres? Des paroisses comme nous les avons connues? Que ferait-on des autres églises même rénovées par les fonds du patrimoine religieux? Peut-on penser à un moratoire sur la rénovation d’édifices qui ne serviront plus et qui exigeront entretien et financement dans l’avenir? Où peut-on être créatif dans la transformation de ces édifices que l’on ne peut plus soutenir et dont les communautés ne peuvent plus porter le poids, c’est-à-dire, vente, transformation, etc.?»

Surtout que la relève se fait rare et tant les prêtres que les agents de pastorale avancent en âge. La moyenne d’âge des 33 prêtres responsables de paroisses ou dessertes s’échelonne entre 47 et 90 ans, pour une moyenne de 72 ans…et l’on ne recense que huit prêtres sous la barre des 70 ans.

«Les lieux pour le rassemblement eucharistique sont importants! Mais posons-nous franchement la question: «En faut-il autant?» Il faudra donc ici faire des choix: est-ce que présentement tous les lieux de culte sont nécessaires? Il faut, dans certaines institutions et dans certaines régions où il y a plusieurs églises paroissiales choisir, parmi elles, une seule qui sera lieu de rassemblement et de célébration», souligne Mgr Bouchard.

Lorsqu’une église est venue, l’acheteur doit respecter une clause de moralité, c’est-à-dire qu’il s’engage à ne rien construire ou tenir des activités à l’intérieur de l’église allant contre la moralité, comme un bar, par exemple. Ultimement, la vente d’une église peut être refusée si cette clause n’est pas respectée.

En 2003, le Diocèse recensait 99 églises ayant conservé leur vocation. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 86.

(En collaboration avec Marie-Eve Shaffer et Jonathan Cossette)