Luc Martel dit non à la médiation

ENQUÊTE.  Le conseiller municipal Luc Martel a refusé une proposition de médiation provenant de la Commission municipale du Québec (CMQ), concernant une enquête en éthique et déontologie visant le maire de La Tuque, Normand Beaudoin. M. Martel, on le sait, est à l’origine de la plainte déposée à la CMQ en avril dernier.

Dans le cadre d’un projet pilote de la CMQ, une invitation à la médiation avait été proposée par le vice-président à l’éthique et à la déontologie de la Commission municipale du Québec, Thierry Usclat.

Dans une lettre adressée à Me Usclat dont TC Media a obtenu copie, M. Martel explique qu’une médiation peut convenir dans le cas d’une dispute de voisins, mais pas quand il s’agit d’affaires publiques «alors que toute la population est au courant du dossier et attend des réponses tout comme moi».

Il pense qu’il ne s’agit pas d’un dossier d’ordre personnel, mais de questions publiques.

« Je n’ai pas à être intimidé ou même menacé de «perdre ma maison» devant mes confrères et consoeurs du conseil», peut-on lire également dans la missive du 3 juillet.

M. Martel affirme qu’on lui a répondu par une mise en demeure, alors qu’il ne faisait qu’éclaircir un simple compte de dépenses.

Conseiller municipal depuis 2005, Luc Martel, s’est retiré du comité des finances de la ville en décembre, ne participant qu’aux rencontres officielles.

« J’ai perdu totalement mon lien de confiance envers le maire et je ne saurais banaliser ce cas, que ma conscience ne me permet pas», écrit-il également à Me Usclat.

Pour le conseiller municipal, cette demande de médiation qui survient avant la période électorale, cache quelque chose : «On s’entend qu’il a tout intérêt d’étouffer ce dossier avant les élections et surtout que je suis redevable envers la population et non envers l’image du maire».

L’avocat de Normand Beaudoin, Me François Daigle, a rapporté que ce processus est nouveau à la CMQ.  «M. Beaudoin est ouvert à participer à cela», a-t-il laissé entendre. Selon Me Daigle, Normand Beaudoin est ouvert à tout élément pouvant éviter à la Ville d’engager des frais pour sa défense dans cette cause.

Rejet des procédures

Par ailleurs, Me François Daigle, a confirmé à TC Media une requête en rejet des procédures avait été déposée avant que le processus de médiation ne soit entrepris.

La règle du «demininix non curat lex» (de petites choses, la loi n’occure) a été invoquée pour le rejet des procédures.

Me Daigle a rappelé que le litige dans ce dossier est un compte de dépenses de 89 $ plus les taxes. «Selon notre version, le maire n’avait pas besoin d’amener de pièces justificatives. Il pouvait réclamer 140 $», a poursuivi Me François Daigle selon qui le maire Beaudoin a voulu faire économiser la ville.

«Le plaignant (Luc Martel) s’en est servi manifestement avec un agenda politique», pense-t-il également. L’avocat croit qu’il n’y a pas lieu d’alerter la Commission municipale et de faire dépenser des frais à la ville, d’autant plus que le maire aurait pu aller chercher 35 $ de plus s’il avait fait une réclamation sans pièce justificative.

Il a dit trouver dommage dans cette affaire «que les tribunaux soient utilisés comme un instrument politique».

Huis clos

L’avocat Nicolas Dallaire, de la Commission municipale du Québec, avait confirmé un peu plus tôt à TC Media qu’une requête a également été transmise par l’avocat du maire Beaudoin pour demander un huis clos. Cette étape surviendrait si celle du rejet des procédures échouait.

Si la demande de huis clos est présentée, une audience sera tenue pour évaluer cette possibilité.

Depuis mars

On sait qu’une enquête auprès de la Commission municipale Québec a été demandée par le conseiller Luc Martel, qui s’était retiré du comité des finances lors de l’assemblée ordinaire de décembre du conseil municipal de La Tuque. M. Martel était insatisfait de ne pas avoir obtenu de réponse suite au dépôt d’un compte de dépenses du maire Beaudoin en décembre. Il avait affirmé avoir adressé deux fois la même question au maire, lors de la réunion du comité des finances, en vain.

En mars dernier, il avait demandé à la Commission municipale du Québec d’instituer une enquête en éthique et en déontologie visant le maire de La Tuque. Dans ce contexte, M. Martel s’explique mal comment pourrait être formulée une demande de huis clos, alors que le maire avait indiqué en décembre ne rien avoir à se reprocher. «Les dépenses étaient conformes à la politique de remboursement des élus et ça avait été accepté par la direction générale. Je n’ai pas à répondre à ces questions, M. Martel», lui avait répondu le maire Beaudoin.

«Carrément illogique»

Luc Martel a fait parvenir un document de réflexion au ministre Martin Coiteux, dans lequel il propose des pistes de réflexion pour faciliter les choses aux contribuables qui doivent apporter des plaintes semblables à celle qu’il a effectuée. Ce que M. Martel trouve choquant, dans pareille situation, c’est que le plaignant doit absorber les honoraires du conseiller en politique contre un élu alors que « lui se fait payer un avocat auprès des contribuables. Ce que je vis présentement, je dois payer de ma poche pour faire ma job de conseiller municipal et dénoncer une situation grave. Carrément illogique».

Il craint que les gens qui n’ont pas les moyens de formuler une pareille plainte se perdent dans les dédales de la bureaucratie et des frais. « J’ai mis quelques centaines de dollars jusqu’à présent», a indiqué le conseiller municipal.

Il suggère qu’une plainte écrite et documentée doit être faite par le plaignant ; qu’elle soit analysée par un conseiller en éthique pour savoir si elle tient la route; si c’est le cas, elle devrait être assermentée et envoyée à la CMQ. Par la suite, après analyse, si la plainte est recevable, la ville devrait, selon M. Martel, payer le plaignant pour la facture de la consultation auprès du conseil en éthique. Finalement, il suggère que le défendeur qui se fait payer un avocat auprès des contribuables, et qui est sanctionné par la Commission municipale, ait à rembourser tous les frais de sa défense à la municipalité.

«Depuis décembre, il ne se passe pas une journée sans que quelqu’un m’en parle», estime celui qui affirme qu’on est à l’étape où les gens doivent savoir où en est le processus. Luc Martel estime être pratiquement retourné à l’école depuis décembre dernier, alors qu’il a étudié des articles de loi pour étoffer ses interventions.