Loi 40 : «On se sent tassé cavalièrement»

SCOLAIRE. Surprise chez les commissaires scolaires locaux devant l’adoption sous bâillon, dans la nuit de vendredi à samedi, du projet de loi 40, sur la gouvernance scolaire. La loi, on le sait, transforme les commissions scolaires du Québec en nouveaux centres de services. Les commissaires d’école des 60 commissions scolaires francophones ont perdu leur emploi sur-le-champ, après le vote de 60 voix contre 35.

L’ex-commissaire Luc Gaudreault, de la Commission scolaire de l’Énergie (CSÉ), s’explique mal l’urgence d’avoir eu à mettre fin aussi rapidement aux commissions scolaires. «On se sent tassé cavalièrement. Je me sens comme quelqu’un qui a fait quelque chose de mal et vite, vite ! On s’en débarrasse», a-t-il illustré, déplorant du même coup des commentaires négatifs vus sur les réseaux sociaux face aux commissaires. Le manque de visibilité des commissaires scolaires pouvait nourrir une image plus négative de leur travail.

Luc Gaudreault

«On n’a même pas pu faire une dernière réunion, se donner la main, se dire que ça a été le fun de travailler ensemble», lance celui qui a été commissaire d’école pendant 11 ans.

Un point de vue que partage son confrère Mario Lebel, commissaire depuis novembre 2007 pour une partie du secteur de La Tuque, de même que Lac-Édouard, La Bostonnais et Parent.

«La façon de faire m’a surpris. Qu’est-ce qui pressait ? De dire : là c’est fini, ça fait sauvage. C’est plus ce côté-là qui m’a fait sentir ne pas être respecté pour tout le temps qu’on a donné. On n’était pas inutile», soutient M Lebel.

La structure qui a été mise en place l’inquiète. «Mais on n’a pas vu ce que ça donne. On va leur laisser le bénéfice du doute, mais j’ai des doutes», poursuit-il.

Il n’a pas caché ses appréhensions pour des écoles de secteurs isolés comme Parent ou Lac-Édouard. «C’est ce qui m’inquiète. Je n’ai pas eu beaucoup de réponses à ce sujet dans ce qui a été déposé. Ça ne me dérange pas de brasser la structure, mais ils centralisent tellement les territoires, ils s’en donnent tellement, ils en enlèvent tellement, que c’est ce bout-là qui me fait peur», pousse l’ancien commissaire.

En raison de ses milieux ruraux, la Commission scolaire de l’Énergie avait une bonne écoute pour les besoins des écoles de petites localités : «On était conscientisé à l’importance de prendre soin de nos petits milieux».

Les questions de configuration du transport scolaire à chaque début d’année, les changements de classes pour des élèves, figurent parmi ce qu’avaient à traiter les commissaires, souvent dans l’ombre. «Il y a beaucoup des situations que les gens ne voient pas nécessairement, du cas par cas. Les gens nous appelaient parce qu’on était leurs élus, c’est nous qui les représentions», fait valoir Mario Lebel.

Il maintient que le fait de tenir les élections scolaires en même temps que le scrutin municipal aurait pu faire gonfler le taux de participation, mais cela a été refusé par les municipalités.

Mario Lebel.

Ce sont ces mêmes municipalités qui, a fait remarquer M. Lebel, se retrouvent aujourd’hui face à l’éventualité que les nouveaux centres de services scolaires puissent leur exiger la cession d’immeubles, gratuitement dans leurs localités :«Si elles avaient accepté qu’on fasse des élections en même temps, on ne serait peut-être pas rendu la».

De toutes ces années à représenter la population au conseil des commissaires de l’ex-CSÉ, Luc Gaudreault retient qu’il a toujours apprécié aider les gens et les élèves.

«C’est un paquet de petits projets», résume-t-il. Son objectif était de trouver une solution aux problématiques qui lui étaient signalées. «Des fois, on revenait bredouille. Mais d’autres fois, on réussissait à faire passer notre point», souligne celui qui a particulièrement apprécié le travail d’équipe qui s’accomplissait à la table des commissaires.

«Ça me fait quelque chose», a-t-il conclu.

Sursis pour la CQSB

L’abolition des neuf commissions scolaires anglophones ne se fera pas tout de suite. Il s’agit d’une exception qui a été appliquée dans leur cas.

C’est seulement en novembre, soit au moment où les élections scolaires auraient normalement dû avoir lieu, que l’abolition deviendra effective. La Commissaire de la commission scolaire Central Québec (CQSB) pour la région de La Tuque, Chantal Guay, a appris la nouvelle en fin de semaine, après avoir contacté les dirigeants de la CQSB. Les commissaires auront donc le temps de terminer leur mandat.

Cela, au moment où une association représentant des commissions scolaires anglophones jongle à la possibilité d’aller au front pour combattre le projet de loi 40.

Au début de son mandat, il y a 13 ans, Chantal Guay aura fait mentir la croyance voulant qu’à peu près personne ne s’intéresse aux élections scolaires. À l’époque, elle et son adversaire, Christine Hillier, avaient mené une campagne active sur le terrain, ce qui avait fait bondir à 52% le taux de vote aux élections scolaires dans ce quartier de la CQSB. Mme Guay a ensuite été réélue sans opposition dans ses autres mandats.

La commissaire a mené plusieurs projets auprès de la CQSB pour la région de La Tuque, au fil des ans. Le plus récent auquel elle aura contribué en tant qu’élue aura été la reconfiguration majeure effectuée à l’école La Tuque High School, dont les travaux ont dernièrement pris fin.