L’industrie funéraire en pleine mutation
DOSSIER. Saviez-vous que le nombre de décès, qui avoisine les 60 000 bon an mal an, augmentera de façon importante au cours des prochaines décennies? Au point où, dans toutes les régions du Québec, le nombre de décès dépassera le nombre de naissances.
De manière générale, c’est en 2034 que le point de bascule sera atteint au Québec. Mais en Mauricie, c’est déjà chose faite, tout comme en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent.
Ces statistiques nous ont amenés à nous interroger sur la «santé» de l’industrie de la mort. L’arrivée prochaine des baby-boomers dans le marché funéraire en modifiera-t-elle le visage? Bousculera-t-elle certaines traditions? Comment les maisons funéraires s’adapteront à la situation? Nous avons discuté de la situation avec Alain Leclerc, directeur général de la Fédération des coopératives funéraires du Québec, et Nathalie Samson, directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec.
Plein de défis
Si la gestion de l’accroissement du nombre de décès constitue un gros défi pour l’industrie funéraire, il est loin d’être le seul, selon Alain Leclerc. Les autres défis sont liés à la mutation qu’elle connaît.
«Un des gros phénomènes qu’on observera dans les prochaines années, c’est la consolidation des entreprises», dit-il, rappelant qu’actuellement, au Québec, on compte près de 300 entreprises funéraires, dont bon nombre sont de petites compagnies familiales.
«Je compare la situation au problème de relève dans les fermes familiales. Les enfants ne sont pas nécessairement intéressés à prendre la relève et à travailler sept jours sur sept, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Ou s’ils le sont, ils ne peuvent pas toujours accéder au financement nécessaire à l’acquisition de l’entreprise.»
Pour ces raisons, bon nombre de maisons funéraires sont vendues, fusionnent ou encore se regroupent. C’est le cas partout, y compris en Mauricie, où le portrait de l’industrie a considérablement changé ces dernières années. On n’a qu’à penser à la fusion des activités des Résidences Funéraires J. Philibert & Fils inc. à celles des Résidences Funéraires Louis Richard & Fils de Louiseville, en 2013, et à l’acquisition de plusieurs petits salons funéraires par des joueurs plus gros.
S’adapter aux générations
Un autre défi qui attend les entreprises funéraires se situe au niveau de… la clientèle. Selon Alain Leclerc, l’arrivée des baby-boomers dans le marché funéraire accentuera les changements déjà observés dans les rites mortuaires.
«Les baby-boomers ont rejeté la pratique de la religion catholique. Ils ont tout décidé de leur vivant. Ils veulent décider comment ça va se passer lorsqu’ils seront décédés.»
Conséquence? Aujourd’hui, les demandes sont multiples et les cérémonies religieuses sont nettement moins nombreuses.
«On est à l’ère de réinventer le modèle de la maison funéraire», fait remarquer la directrice générale de la Corporation des thanatologues du Québec, Nathalie Samson.
Selon elle, tant les endeuillés que les directeurs funéraires sont en mode «essais-erreurs» pour redéfinir la façon de vivre un deuil et saluer une dernière fois la personne chère qui est décédée.
Mais quelle que soit la forme que prendront les obsèques des défunts ces prochaines années, Mme Samson rappelle l’essentiel pour traverser un deuil: il faut prendre le temps de se réunir, accepter qu’un deuil fait mal car «c’est un passage obligé de la vie».
Rédigé avec la collaboration de Valérie Lessard et Marie-Eve Veillette