Les Atikamekws d’Opitciwan s’opposent à la vente de Kruger à Rémabec
BOIS. Le Conseil des Atikamekw d’Opitciwan s’est opposé formellement à la vente de la division des Produits forestiers de Kruger à Gestion Rémabec.
Ils ont rappelé que leur communauté possède des droits sur le Nitaskinan qui obligent notamment le gouvernement et les utilisateurs du territoire à obtenir son consentement.
D’ailleurs, à Québec, le Chef Christian Awashish en a fait part hier au premier ministre du Québec, Philippe Couillard. Il le rencontrait dans le cadre d’une session de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
« Cette annonce créé un sentiment d’injustice, de colère et de frustration. Pour maintenir une relation de confiance, le gouvernement devra poser des gestes concrets, particulièrement quant à la gestion et l’exploitation des ressources du territoire atikamekw », a-t-il affirmé au premier ministre Couillard. Il l’a aussi invité à convenir d’une entente Atikamekw-Québec d’ici octobre 2015.
«De son côté, le premier ministre Couillard a fait part du sentiment d’incertitude que vivent les citoyens des régions forestière, comme ceux du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Maurice, en raison des difficultés de l’industrie forestière et des problèmes de relations entre les entreprises et les communautés autochtones. À cet égard, le Chef d’Opitciwan a rappelé que sa communauté n’est pas contre le développement. Elle souhaite au contraire en faire partie et en bénéficier d’une manière qui respecte leurs droits sur ce territoire», indiquaient les Atikamekws d’Opitciwan.
On vise le bois de Parent
La communauté d’Opitciwan a réitéré son intention de récupérer les volumes de bois de l’usine de Parent qui sont nécessaires pour assurer la pleine occupation de la scierie d’Opitciwan qui n’opère qu’à la moitié de sa capacité. Le contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) de la scierie de Parent représente de 380 000 m3 de bois. Opitciwan rappelle que 70 % de l’approvisionnement du CAAF de la scierie de Parent est situé sur son territoire ancestral, le Nitaskinan.
« Il est évident pour nous que l’achat de la scierie de Parent n’est pas l’objectif premier de Gestion Rémabec. Cette acquisition permet plutôt aux acheteurs de mettre la main sur des volumes de bois supplémentaires. En 2012, notre communauté s’était fermement opposée à la réouverture de Parent par un blocus. Cette réouverture d’une usine non rentable venait directement priver notre communauté d’un volume de bois issu de notre propre territoire », a rapporté Christian Awashish.
La scierie d’Opitciwan traite actuellement 143 150 m3 de bois, alors qu’elle a la capacité d’en traiter 322 000 m3. Selon les Atikamekws, elle serait ainsi en mesure de transformer la majorité du volume de bois qui avait été cédé par le gouvernement à la scierie de Parent en 2012.
Recours aux tribunaux
« Nous avons interpellé le gouvernement à maintes reprises sur cette question, précise-t-il. En mars dernier, nous avons envoyé une lettre au ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, M. Laurent Lessard, lui indiquant notre opposition à la vente des actifs de Kruger sans une entente préalable avec nous. Une fois encore, force est de constater que le gouvernement n’a pas pris en compte nos droits dans le dossier, et ce, malgré les promesses de nous consulter et de convenir d’une entente bilatérale bonifiée quant à l’exploitation de nos ressources naturelles. Ce nouvel épisode mine sérieusement notre confiance envers la capacité du gouvernement quant à la gestion et l’exploitation des ressources naturelles. »
« Le gouvernement doit s’assurer de redistribuer adéquatement et équitablement les volumes en priorisant Opitciwan, il en va du respect de nos droits. Aujourd’hui même, le premier ministre Couillard nous parle d’ouverture, de partage et de confiance. Il devra le démontrer par des engagements concrets, justes et bénéfiques pour nos deux nations », affirme le Chef d’Opitciwan.
M. Awashish n’écarte pas le recours aux tribunaux, puisque les tentatives au niveau politique n’ont pas apporté de résultat concret.
Il compte préparer un recours judiciaire basé sur une décision récente de la Cour suprême du Canada qui a reconnu l’existence d’un titre ancestral (Tsilhqot’in). Cette décision précisait que
lorsqu’une Première Nation dispose d’un titre ancestral sur un territoire il faut obtenir son consentement avant d’entamer des activités sur ce territoire. « Il est question ici de notre territoire et de nos ressources. Quand le gouvernement va-t-il considérer cette réalité ? Fermer les yeux, c’est maintenir notre communauté dans la pauvreté chronique », a rappelé le Chef Awashish.
Le Conseil réclame donc le respect de ses droits sur son territoire et le rapatriement de volumes de bois supplémentaires qui lui permettront de développer l’économie.