Le gardien de la rivière St-Maurice a cent ans
GOUIN. La rivière St-Maurice est une ressource naturelle importante pour l’économie de la région. Tout le long de son parcours de 381 km, elle représente depuis longtemps aussi des possibilités incroyables pour le développement de l’hydroélectricité. Un facteur qui a été compris par ceux qui la trouvaient attrayante pour développer cette nouvelle forme d’énergie, au début du siècle dernier. Ces jours-ci, Hydro-Québec met en ligne une exposition virtuelle destinée à mieux faire connaître l’histoire du barrage Gouin, incontournable régulateur du débit de la rivière St-Maurice, sur laquelle se retrouve un important complexe hydroélectrique de 11 centrales, du nord de La Tuque à Shawinigan. «Le plus important ouvrage de régularisation est le barrage Gouin, terminé en 1918, derrière lequel une réserve de 8,6 milliards de mètres cubes d’eau est accumulée. Fait inusité, le barrage est équipé d’une mini-centrale : avec ses deux groupes turbines-alternateurs de 300 kilowatts chacun, elle satisfait les besoins du barrage lui-même et alimente les maisons occupées par le personnel d’Hydro-Québec de même qu’une pourvoirie», écrit la Société historique de La Tuque et du Haut-St-Maurice. Les glaciers se retirent Dans son exposition, Hydro-Québec fait remarquer qu’il y a 10 000 ans, les glaciers se sont retirés «pour donner au Québec sa géographie actuelle, faite de reliefs et de milliers de lacs et de rivières. Le lit de la rivière Saint-Maurice est alors modelé par deux poussées successives d’énormes blocs de glace sur son parcours de 381 km, ce qui crée une multitude de chutes et de rapides sur un dénivelé de 400 mètres. La rivière est longtemps considérée comme indomptable, soit jusqu’à la fin du 19e siècle». La configuration qui lui a été donnée en fait un cours d’eau très attrayant pour la Shawinigan Water and Power. Pas étonnant qu’on surnomme l’entreprise, à l’époque, «l’architecte du Saint-Maurice». La Commission des eaux courantes On raconte qu’en 1910, la Saint-Maurice Hydraulic Company propose au gouvernement du Québec un projet de construction de quatre petits barrages dans la partie supérieure du Saint-Maurice. Plutôt que de lui confier le projet de construction, le gouvernement attribue le mandat à la nouvelle Commission des eaux courantes du Québec. Cette commission témoigne de la prise en charge par l’État québécois de ses ressources hydrauliques. Le barrage Gouin sera son premier mandat. La construction du barrage a été entreprise par la Fraser Brace Company, en 1916, avant sa mise en service en 1918. Sa fonction était de régulariser le cours des rivières afin de venir en aide aux compagnies forestières en facilitant la drave. On rapporte qu’avec ce projet, la Shawinigan Power Co., la Laurentides Power Co., la St-Maurice Power Co. et la Brown Corp., ont pu offrir du travail toute l’année durant à leurs employés, alors qu’elles ne fonctionnaient auparavant environ que 6 mois par année. Le projet a permis de réduire le chômage saisonnier avec un tel projet. C’est en 1973 que la société Hydro-Québec fit l’acquisition du barrage Gouin. Aujourd’hui, l’immense étendue d’eau, qui a été créée suite à la construction du barrage Gouin, fait le bonheur de nombreux pêcheurs. La qualité de la pêche au doré jaune et au grand brochet y est exceptionnelle. C’est dans le but de conserver cette qualité de pêche que l’Aire faunique communautaire du réservoir Gouin a été créée. Lomer Gouin lui donne son nom Le barrage Gouin a été baptisé en l’honneur de Lomer Gouin, alors premier ministre du Québec. C’est la Commission des eaux courantes, venant d’être créée, qui a le mandat de construire le barrage. Il a été achevé en décembre 1917 et baptisé en 1919. Dès qu’elle obtient le contrat en 1915, la Saint-Maurice Construction Company s’adjoint la Fraser Brace Company pour les travaux. Pour l’époque le défi est immense. On le compare aux enjeux de la construction de la Manic ou de la Baie-James, dans les années 1910. «L’emplacement est éloigné, les équipements utilisés sont à la fine pointe de la technologie (de la période) et l’embauche de travailleurs est difficile en raison de la conscription de la Première Guerre mondiale et de l’effort de guerre dans les entreprises canadiennes (…) Au moment de sa mise en service, il est le plus important ouvrage de retenue jamais réalisé au Québec et à la tête du plus grand réservoir au monde», rapporte Hydro-Québec. Des campements pour les employés de la Commission des eaux courantes et pour les travailleurs de Saint-Maurice Hydraulic Company sont aménagés sur les rives de la rivière Saint-Maurice. Un village temporaire est bâti pour accueillir un maximum de 560 personnes. En juillet 1917, 463 personnes travaillent sur le chantier. On raconte que les travailleurs non spécialisés gagnent 20 cents de l’heure, logés et nourris. Les ingénieurs doivent tenir compte de la présence de glace en hiver dans le réservoir, qui a tendance à prendre de l’expansion sur ses rives et crée de la pression sur les berges et le barrage. Il doit être construit de façon solide pour résister à l’hiver.
Le cycle annuel du réservoir Gouin
Depuis 1963, lors de la nationalisation de l’électricité, Hydro-Québec gère le complexe de la rivière Saint-Maurice. Le niveau du réservoir Gouin varie au cours de l’année. «Durant l’hiver, Hydro-Québec procède à l’abaissement du réservoir afin de pouvoir remplir celui-ci lors de la crue et de la fonte des neiges. Au moment de la période estivale, le niveau du réservoir atteint un niveau maximal jusqu’à la fin de l’automne. Le cycle recommence année après année en fonction des précipitations de pluie ou de neige», rapporte Hydro-Québec, qui, en plus de veiller à la sécurité physique des utilisateurs de la rivière, voit également à la sécurité énergétique des Québécois. Dates de mise en service des centrales sur la rivière St-Maurice
- Shawinigan 2 : 1911
- Grand-Mère : 1915
- La Gabelle : 1924
- Rapide-Blanc : 1934
- La Tuque : 1940
- Shawinigan 3 : 1948
- La Trenche : 1950
- Beaumont : 1958
- Rocher-de-Grand-Mère : 2004
- Chute Allard : 2008
- Rapide-des-Cœurs : 2008