La crise du logement frappe durement les personnes handicapées

On se doute que la crise du logement qui sévit dans la région affecte de nombreuses personnes. Le taux d’inoccupation des logements s’établit présentement à 1,3%, alors que le seuil de balance devrait normalement s’élever à 3% d’inoccupation. Au bout du fil, Julie Hubert n’a qu’un mot à dire quand on lui demande comment se passent les choses de son côté: «Désespérée».

Julie Hubert est coordonnatrice adjointe et responsable du service Info-Habitation à BAIL-Mauricie. L’organisme a pour mission de favoriser l’autonomie et l’intégration des personnes ayant des limitations fonctionnelles par la promotion et le développement d’accessibilité universelle, autant pour les logements que les lieux publics.

Le service Info-Habitation soutient les personnes ayant des limitations fonctionnelles à trouver un logement qui leur convient ou qui pourrait leur convenir après quelques travaux qui peuvent faire l’objet d’une subvention.

La tâche de trouver un logement pour la clientèle de BAIL-Mauricie est déjà difficile en soi, mais cette année, c’est pire que pire, affirme Julie Hubert.

«Il n’y a pas de logement, encore moins au rez-de-chaussée avec une possibilité d’accessibilité. À Trois-Rivières, c’est très difficile, mais c’est encore pire à Shawinigan où il est presque impossible de trouver quelque chose qui convient pour notre clientèle. Les logements sont pris de toutes parts. C’est épouvantable! C’est définitivement ma pire année jusqu’à présent», confie-t-elle.

Plusieurs personnes ont aussi retardé un déménagement en raison de la pandémie qui rendait les visites d’appartements plus complexes. «La concurrence est plus forte cette année. On voit beaucoup de gens des grandes régions qui décident de déménager dans la région», rappelle Mme Hubert.

Pendant ce temps, la liste d’attente s’allonge.

«Vu la situation, on regarde peu de critères. On veut essentiellement que la personne soit capable de rentrer seule chez elle, d’aller aux toilettes sans difficulté et qu’elle n’ait pas de difficulté à circuler dans l’appartement ou à tourner les coins si la personne est en fauteuil roulant. Quand on rentre avec un ergothérapeute, on peut faire entrer le programme d’adaptation de domicile pour les personnes en situation de handicap. Ça donne un budget entre 15 000$ et 17 000$ pour faire de petites rénovations comme baisser les interrupteurs des lumières, modifier un peu la plomberie, ajuster la poignée de porte, ajouter une rampe… Ça se dépense vite.»

Il doit vivre séparé de sa famille

Depuis janvier, elle est parvenue à régler 24 dossiers, mais elle en compte toujours 18 en cours. Cela fait en sorte que les gens commencent à choisir des endroits qui ne conviennent pas à leur budget ou encore à leur situation.

Julie Hubert parle de cet homme à Shawinigan dont la sclérose en plaques a empiré durant la pandémie. Il n’y avait pas de rez-de-chaussée disponible suffisamment grand pour sa famille et lui. Il a été obligé de choisir de vivre dans un logement 3 et demi au rez-de-chaussée sans sa famille qui s’est trouvé un appartement ailleurs dans la ville.

«Je m’occupais aussi du dossier d’une dame qui se retrouvait à la rue si on ne lui trouvait pas un logement avant le 30 avril. Finalement, on a pu lui trouver quelque chose, mais ça ne convient pas à sa condition de santé. En ce moment, notre clientèle doit faire beaucoup de sacrifices pour se loger», raconte-t-elle.

Il y a aussi cet homme qui cherchait un appartement qui lui aurait coûté environ 600$ par mois pour que cela convienne à son revenu. Il en a trouvé un, mais à 850$ par mois. «Se loger représenter 75% de son revenu», poursuit Julie Hubert.

Il n’y a pas ou peu d’offre du côté des nouvelles constructions également, déplore-t-elle. «Quand le 3 et demi est affiché à 995$ par mois, on est rarement capable d’y placer quelqu’un en raison de leurs revenus. Maintenant, tout ce qui se construit au rez-de-chaussée doit être accessible quand c’est un bâtiment de huit logements ou plus. Par contre, les appartements varient entre 1200$ et 1600$ par mois», fait-elle remarquer.

Julie Hubert indique que la solution pourrait passer par la construction d’immeubles locatifs qui comporteraient déjà des logements accessibles à prix plus abordable. «J’aimerais aussi que les gestionnaires d’immeubles locatifs nous appellent quand ils ont des logements au rez-de-chaussée qui se libèrent. On a plusieurs personnes qui attendent de trouver un appartement qui convient à leur condition physique», lance-t-elle.