La bioraffinerie forestière, réalisation un an plus tôt que prévu ?

ÉCONOMIE. S’il n’en tient qu’à Patrice Mangin, directeur général de Bioénergie La Tuque (BELT), le projet de bioraffinerie forestière en Haute-Mauricie pourrait se réaliser un an avant l’objectif initial de 2023. M. Mangin a confirmé à l’Écho de La Tuque l’enthousiasme du partenaire de BELT, la firme finlandaise Neste. «Lars Peter Lindfors, (vice-président senior) me pousse dans le dos que ça aille plus vite, se surprend M. Mangin. On a vraiment un excellent partenaire. Ils aimeraient effectivement avancer l’agenda d’un an. Il y a des choses qui sont incompressibles, mais on fait le maximum pour répondre à leur demande». C’est que dans la stratégie de Neste, il existe un besoin de croissance organique, basé sur un développement de carburants renouvelables, dans leur panier de produits. Limités, les approvisionnements en gras et en huiles seraient facilités en Haute-Mauricie, où la biomasse de bois est très présente. «Le grand avantage qu’on a au niveau du Québec c’est la biomasse à un coût raisonnable, à long terme», lance M. Mangin. Cela, parce que le résidu forestier des unités d’approvisionnement de la région, n’est pas utilisé. Il pense qu’on peut garantir un coût de biomasse qui n’est pas lié au marché : «Vu que le gouvernement nous les cède à 10 cents du mètre cube, soit les coûts de collecte pour l’amener à l’usine, c’est très compétitif, soit la moitié du coût européen. Notre coût n’est pas dépendant du marché, puisque c’est le gouvernement qui est propriétaire de ces résidus», avance M. Mangin. Pas d’usine expérimentale M. Mangin a confirmé à L’Écho de La Tuque que l’usine expérimentale, qui devait être construite au coût de 300 M$, ne figure plus dans le projet. Cela fait diminuer les montants d’investissements. «Il fallait convaincre le gouvernement fédéral et provincial que c’est ridicule d’investir dans une usine de démonstration quand des usines existent à travers le monde. On va faire nos essais là-bas. On demande 8 M$ (au gouvernement fédéral et provincial et à Neste) pour faire nos essais, mais c’est quoi par rapport à 300M$, pour une usine de démonstration ?», demande-t-il. Une opinion partagée par Patrice Bergeron, président de BELT. L’usine expérimentale, en plus, ne ferait que retarder davantage le projet. La première phase du projet, on le sait, est terminée. «On fait de gros efforts pour le concrétiser le plus rapidement possible. Mais il y a des étapes importantes et la prochaine sera cruciale», insiste Patrice Bergeron, président de BELT. «Au niveau fédéral, ça va très bien, on rencontre régulièrement des gens de Ressources naturelles Canada. François-Philippe (Champagne, député et ministre) est bien au fait du projet. Au provincial, notre nouvelle députée, Marie-Louise Tardif est ingénieure forestière. Elle connaît très bien le projet. On sait qu’on a son appui pour nous aider à le mettre sur pied», résume Patrice Bergeron. Seuil minimal BELT veut travailler avec les gouvernements pour un seuil minimal en ce qui a trait à l’utilisation des biocarburants au Québec et pour des incitatifs. On a bon espoir. «On martèle sur la place publique qu’on a besoin d’un marché pour les biocarburants. Ça ne donne rien de construire une usine de 1G$ s’il n’y a pas d’utilisateurs au bout de la chaîne». La première phase du projet a permis d’identifier les technologies les plus prometteuses pour le projet. La deuxième étape consistera à faire des essais concrets dans des unités de démonstration, dans des situations réelles, avec de la biomasse du Haut-Saint-Maurice. «On va rapatrier les biodiesels qui seront produits et faire des essais concrets d’utilisation ici pour valider la viabilité du procédé et la qualité des produits», détaille M. Bergeron. Une fois les textes concluants, se prendra la décision d’investir. On espère cette étape vers 2020 ou 2021 pour une mise en service idéalement vers 2023 ou peut-être avant, comme le souhaite Patrice Mangin. La main-d’œuvre et les Atikamekw Élément clé de ce projet, la main-d’œuvre sera forte importante. Le fait que le siège social de BELT soit situé à Wemotaci et que ses quartiers généraux se retrouvent dans les locaux du Conseil de la nation atikamekw laisse présager que la main-d’œuvre atikamekw sera aussi courtisée. On voudra lui offrir la formation pour en faire des travailleurs de premier plan. Dany Chilton, Coordonnateur au Secrétariat au territoire du Conseil de la nation atikamekw, est membre du conseil d’administration de BELT. Patrice Mangin qui est en contact avec beaucoup d’Atikamekw, ne tarit pas d’éloges envers eux. «Il y a des gens chez les Atikamekw qui sont brillants, pointus (…) Si à travers la formation, on développe la culture entrepreneuriale chez d’autres jeunes qui vont devenir des futurs Dany Chilton ou Constant Awashish, on va peut-être développer le Québec avec les Premières nations beaucoup plus que ce qu’on fait», imagine Patrice Mangin. Il y a beaucoup de travail qui se fait dans l’ombre. Pendant la première partie de 2019, on planchera sur les définitions des postes. «C’est de travailler avec l’École forestière, le CÉGEP, l’université pour les différents niveaux de postes dont on aura besoin, avec Nesté pour les besoins et à l’intérieur de l’usine, a entre autres glissé M. Mangin. Patrice Bergeron croit que les énergies vertes tout comme le type d’industrie que BELT veut mettre en place sont plus attirants pour la future main d’œuvre, en raison de son caractère innovateur et environnemental. En janvier dernier, Neste était classée 2e parmi les 100 entreprise la plus durables au monde. «On a le meilleur partenaire au monde pour créer le projet. C’est une chance unique qu’on a», estime Patrice Bergeron.   @Ci: C’est un des plus beaux projets au Canada de collaboration entre autochtones et non autochtones, vivant sur le même territoire, pour développer l’économie et créer des emplois. Tant mieux si ça peut devenir un modèle : ce genre de collaboration aurait dû se faire bien avant. @Csi: Patrice Bergeron