Joyce Echaquan : la coroner dépose son rapport

La coroner Géhane Kamel a présenté, ce matin le rapport qu’elle a rendu relativement à la mort de Joyce Echaquan, à l’hôpital de Joliette, sous des insultes.

La coroner, on le sait, devait rendre son rapport public ce matin, mais il s’est retrouvé dans les mains de certains médias le 30 septembre.

Joyce Echaquan a été hospitalisée, du 26 au 28 septembre 2020, en raison de problèmes cardiaques. Elle est décédée des conséquences d’un œdème pulmonaire.

Dans son rapport, Me Kamel expliquera qu’une requête en consultation a été envoyée au Centre de réadaptation et de dépendance de Joliette pour déterminer s’il y a un possible lien à la consommation ou à un sevrage.

N’eût été la captation des événements sur les réseaux sociaux, le triste événement n’aurait jamais été porté à l’attention du grand public. À l’hôpital, Mme Echaquan avait reçu l’étiquette d’une patiente difficile. Elle n’avait pas eu droit à une surveillance adéquate, apprend-on également.

«Or, cette évaluation, telle que rapportée au médecin le 28 septembre 2020, conclut que les symptômes décrits par Mme Echaquan sont sans lien avec un sevrage physique d’opioïdes ou de stimulants. Pourtant, Mme Echaquan sera rapidement étiquetée comme une patiente en servage. Sur la base de ce préjugé, il en découle que ses appels à l’aide ne seront pas considérés avec sérieux. Cette étiquette la suivra tout au long de son séjour et guidera les actions du personnel soignant jusqu’à son décès», peut-on lire dans le rapport.

Si le décès de la mère de sept enfants est considéré comme accidentel, la coroner pense que le racisme systémique et les préjugés peuvent y avoir contribué.

«Dans les jours qui ont suivi le décès de Mme Echaquan, la notion de racisme systémique a été soulevée à plusieurs occasions et a été amenée jusqu’à l’Assemblée nationale. C’est dire l’inconfort de la population quant aux soins qui sont administrés à la communauté atikamekw. Il est donc de mon devoir, à titre de coroner, de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter qu’un membre de la communauté autochtone ou de toute autre origine reçoive des soins tels que ceux offerts à Mme Echaquan», peut-on également lire dans le rapport.

Me Kamel a recommandé que le gouvernement reconnaisse «l’existence du racisme systémique au sein de nos institutions et prenne l’engagement de contribuer à son élimination.»

Quant au Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière elle recommande entre autres qu’il

  • S’assure d’intégrer efficacement l’agent de liaison de Manawan au sein de l’établissement, notamment en l’impliquant auprès des équipes de soins;
  • S’assure d’un mécanisme de collaboration entre le dispensaire de Manawan et l’urgence du Centre hospitalier De Lanaudière afin que les informations médicales concernant le patient soient transmises en temps réel;
  • S’assure que les notes au dossier médical reflètent la réalité de la prise en charge d’un patient.
  • Revoie ses ratios infirmières et préposées aux bénéficiaires en fonction des normes reconnues au niveau provincial afin d’offrir des services sécuritaires à la population.

Elle demande également que le ministère de l’Enseignement supérieur offre des formations on sur les sons patients autochtones prenant en compte leur réalité pour les médecins, les infirmières et les infirmières auxiliaires.

La coroner estime qu’on doit mettre en place des stratégies contre le racisme. Elle a bon espoir de changement. «Si je n’avais pas espoir que la situation puisse s’améliorer, je remettrais ma carte de coroner immédiatement […] Je pense que ce rapport sera un nécessaire rendez-vous entre les communautés autochtones et le gouvernement. Je le souhaite, j’y crois sincèrement», a laissé échapper Me Kamel.

«La bataille contre le racisme et les préjugés commence par s’ouvrir à l’autre», a proposé la coroner Géhane Kamel, soulignant qu’un montant de 15M$ a été annoncé pour l’organisation culturelle dans les milieux de la santé.

Le CNA

Quant à lui, Conseil de la nation atikamekw considère qu’il est maintenant établi que la mort de la femme de 37 ans aurait pu être évitée et que les stéréotypes racistes y ont contribué.

Les Atikamekw «saluent la recommandation de Me Kamel qui somme le premier ministre d’enfin reconnaître l’évidence. Il est temps maintenant de ramener à l’avant-plan le criant besoin d’inclure les Atikamekw, comme tous les autochtones d’ailleurs, à tous les niveaux de décisions et d’actions qui nous concernent. Le rapport de la Coroner rappelle que c’est incontournable».

« Nous, les Atikamekw, travaillons depuis longtemps à trouver des solutions pour les grands défis sociaux auxquels nous sommes confrontés. Nous ne nous décourageons pas, nous savons être patients et résilients, mais maintenant des actions doivent être posées pour guérir et construire », a déclaré le Grand Chef de la Nation atikamekw, Constant Awashish. « Nous remercions la Coroner pour son travail juste et son approche humaine », a exprimé Paul-Émile Ottawa, Chef de Manawan.