Gentilly-2 au cœur de la controverse

C’est un secret de polichinelle : la réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2 est à des années-lumière de faire l’unanimité! Annoncé en août 2008, le projet chemine lentement mais sûrement à travers un océan de protestations.

Selon les prévisions d’Hydro-Québec, la centrale sera rénovée au coût de 1,9 milliard de dollars et devrait être remise en service à la fin de 2012. Pour justifier un projet d’une telle envergure, la société d’État rappelle que les retombées économiques seront majeures : 600 millions de dollars pour l’ensemble du Québec, dont 200 M$ pour les régions du Centre-du-Québec et de la Mauricie. Elle estime en outre que la réfection créera 800 emplois sur une période de 20 mois et qu’elle permettra de prolonger la durée de vie utile de la centrale jusqu’en 2040. Après réfection, l’électricité produite à Gentilly-2 aura un prix de revient de 7,2 cents le kilowatt-heure.

Des arguments contestés

Mais pour plusieurs opposants au projet, ces arguments économiques ne tiennent pas la route. Ils estiment que la meilleure solution est la fermeture pure et simple de la centrale nucléaire. «Une étude d’impact produite pour Hydro-Québec, disponible sur le site même de la société d’État, stipule qu’aucun emploi permanent ne serait perdu et que seulement 106 emplois temporaires disparaîtraient à la suite de la fermeture de la centrale de Gentilly-2, rappelle Jacques Dagenais, membre du comité aviseur du Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire (MSQN). En outre, seulement 13 millions de dollars seraient perdus par les fournisseurs de la région.» Selon cet organisme, faire de Gentilly-2 un centre d’excellence en déclassement nucléaire serait beaucoup plus porteur en terme d’emplois et de retombées économiques, tout en mettant fin aux risques considérables et inutiles de contamination. «Les deux milliards de dollars et plus économisés par la non-reconstruction de G-2 permettraient à Hydro-Québec d’entreprendre immédiatement un développement stratégique important au niveau des énergies renouvelables.»

Développer d’autres sources d’énergie

Même son de cloche du côté du député de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant. Selon lui, non seulement les travailleurs de la centrale de Gentilly peuvent être rassurés sur leur avenir en cas de fermeture de Gentilly-2, mais des milliers d’emplois seraient créés si Québec décidait de délaisser le nucléaire et de développer des énergies d’avenir. «Qu’il s’agisse du travail nécessaire au démantèlement des installations actuelles de Gentilly-2 ou des emplois créés dans les domaines plus renouvelables comme l’éolien, le solaire ou la géothermie, le Québec et notre région en sortiraient économiquement gagnants sans aucun doute.» Quant à l’argument d’Hydro-Québec selon lequel la centrale Gentilly-2 est une installation de production énergétique très stratégique pour le Québec, considérant son emplacement géographique et sa fiabilité de production énergétique, il est également balayé du revers de la main par les opposants au projet de réfection. «Le Québec est actuellement en surplus énergétique, rappelle notamment Sylvain Gaudreault, député de Jonquière et porte-parole de l’opposition officielle en matière d’énergie. À quelques pas de la centrale Gentilly-2, Hydro-Québec et le gouvernement libéral ont autorisé la construction d’une usine de cogénération qui est inutilisée et qui aura coûté un demi-milliard de dollars aux contribuables québécois, sans rien obtenir en retour.»

Des arguments économiques… et environnementaux

Par ailleurs, pour la plupart des opposants, même si les questions économiques se retrouvent au cœur de toutes les discussions, c’est d’abord et avant tout celles d’ordre environnemental qui devraient orienter ce débat. Le Mouvement sortons le Québec du nucléaire (MSQN), par exemple, estime que le nucléaire crée des déchets radioactifs «qui seront dangereux pendant plus de 100 000 ans, impose un lourd fardeau économique et environnemental aux générations montantes, et va à l’encontre du développement durable.» Ainsi, même si les travaux préparatoires à ce chantier majeur sont déjà avancés, il est encore temps pour le gouvernement de faire marche arrière, selon plusieurs observateurs. «Le Québec peut se passer de l’énergie nucléaire. Gentilly-2 produit moins de 3 % de l’électricité du Québec et cette production pourrait facilement être remplacée par des énergies propres et vertes», croit Greenpeace Canada. En dépit de ces protestations, Hydro-Québec va de l’avant avec ses travaux de réfection, estimant qu’ils permettront «le maintien d’une installation qui a fait ses preuves au cours de ses 26 années d’existence sur les plans de la fiabilité, de la sûreté et de la sécurité». Parions que le débat autour de sujet est loin d’être clos…