Emploi : urgence d’agir dans les communautés Atikamekw

EMPLOI. Les Atikamekw expriment l’urgence de régler le problème d’emploi dans les communautés, à un moment où, à l’inverse, se vivent des pénuries de main-d’oeuvre un peu partout. La solution ? Le revenu minimum garanti, permettant aux jeunes de suivre des formations dans des domaines où il y a de l’emploi. «On est encore en récession», laisse tomber Guy Laloche, le conseiller au conseil de bande de Wemotaci mandaté pour produire l’analyse. M. Laloche s’explique mal le climat de morosité qui persiste dans les communautés Atikamekw, alors qu’ailleurs, on vit des pénuries de main-d’œuvre. « À Wemotaci, le budget annuel est de 1,7M$. Avec la sécurité du revenu, on est déficitaire de 700 000 $», déplore-t-il. Il faut savoir que ce sont les conseils de bandes qui gèrent des prestations d’aide sociale, versées dans les communautés. Si rien n’est fait, on devra s’attendre à d’autres déficits pendant les prochaines années. Manawan a terminé 2017 avec un déficit d’un peu plus de 600 000 $, alors qu’Opitciwan s’en tirait avec un manque à gagner de près de 300 000 $. « Le recours à l’aide sociale est causé par une pénurie ou par le caractère périodique des emplois. La situation est alarmante et occasionne, année après année, d’importants déficits aux trois conseils de bande», écrit-il dans le rapport. Entre 2015 et 2017, les revenus des communautés pour l’aide sociale ont augmenté de 2,11 %, au moment même où les dépenses grimpaient de 3,10 %. Elles ont vainement demandé à plusieurs reprises que les revenus soient ajustés en fonction des dépenses. Or, malgré les efforts pour réduire le nombre de bénéficiaires d’aide sociale (application stricte des critères d’admissibilité, création d’emplois ou projets temporaires), les demandes sont en hausse chaque année. Selon Guy Laloche, si les déficits augmentent au même rythme pendant encore 10 ans, c’est un déficit combiné de plus de 4 M$ qui les attend. Ces déficits récurrents viennent contrecarrer des projets mobilisateurs que les communautés pourraient mettre en place. «C’est un cercle vicieux extrêmement difficile à briser». Puisque la population est en hausse, le nombre de jeunes qui deviendront adultes, soient admissibles à l’aide sociale, ne fera qu’augmenter, pense Guy Laloche. « L’analyse des données démographiques des trois communautés permet de constater que la représentativité des jeunes dans l’ensemble des bénéficiaires de l’aide sociale est très élevée. Pour la communauté de Wemotaci, il s’agit de 60 % des bénéficiaires qui sont âgés de moins de 35 ans, dont 40 % sont âgés de moins de 25 ans», relève-t-il. «Nous avons 50 jeunes qui ont 17 ans actuellement. Il y en a 5 qui sont aux études actuellement (secondaire 5 ou Cégep). Les 45 autres sont propices à tomber sur l’aide sociale à 18 ans», remarque le chef d’Opitciwan, Christian Awashish, dont le conseil appuie l’initiative de Guy Laloche. Pourtant, autant lui que le conseiller Laloche affirment que les jeunes veulent travailler. À part la scierie du village, il y a une vingtaine d’années, on n’est pas arrivé à créer de nouveaux emplois là-bas. «On a de l’argent pour de la formation, mais c’est minime. On est condamné à faire une formation par année  (…) Il y a bien des formations qu’on pourrait offrir, mais il faut qu’il y ait des emplois à la fin», nuance le chef d’Opitciwan. Il y a peu de débouchés en foresterie, mais un projet d’auberge à long terme pourrait avoir un certain impact, s’il se réalise. Remettre les gens sur le marché du travail «Ce n’est plus une question de droit ancestral, c’est un droit humain, c’est la dignité. Le statu quo n’est plus acceptable dans un contexte de croissance économique», lance Guy Laloche. Il prône l’utilisation d’un projet pilote ayant pour principe le revenu minimum garanti, qui va vers un centre de formation professionnelle pour les jeunes Atikamekw, où ils seraient payés le temps de leur formation. «C’est un projet en partenariat avec la Commission scolaire de l’Énergie et l’École forestière de La Tuque», précise Guy Laloche. Il sollicite le milieu latuquois pour obtenir des appuis dans ce projet. «Je veux sortir les jeunes de la sécurité du revenu par la formation. On a des besoins. Le marché est capable d’accueillir cela. On a besoin de plombiers, d’électriciens». Le rapport qu’il a soumis précise que des cours pourront être développées selon les emplois disponibles ou à créer. «Ça fait un certain temps qu’on travaille sur un projet avec la Commission scolaire de l’Énergie, confirme Jimmy Néashit, coordonnateur aux communications au Conseil de la Nation Atikamekw. Toutefois, il indique qu’on n’est pas encore rendu à l’étape d’identifier des domaines précis où de la formation serait offerte aux Atikamekw. «Un profil de la main-d’oeuvre avait été réalisé en 2012 par le CNA. Déjà là, on identifiait les principales possibilités d’emplois futurs (…) À l’époque, c’était la foresterie, parce qu’il y avait des projets qui s’en venaient, comme Chamouchouane-bout de l’Île», rappelle M. Néashit. «Hydro-Québec devrait s’asseoir avec nous et discuter afin qu’on puisse, nous aussi, bénéficier de la richesse que le territoire génère», exprime-t-il également, en lien avec les centrales hydroélectriques exploitées sur le Nitaskinan. Déjà, des organismes comme la CCIHSM avaient identifié les Atikamekw comme une excellente solution aux besoins de main-d’oeuvre des entreprises de la région. M. Laloche indiquait qu’il a remis son rapport aux ministres Julie Boulet, Jean-Yves Duclos (de la Famille, des Enfants et du Développement social), Jane Philpott (des Services aux Autochtones) et Carolyn Bennett (des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord).

Le ratio du nombre d’assistés sociaux dans les communautés autochtones par rapport à la population québécoise est de deux pour un. Par exemple, pour Wemotaci, le ratio est de 13,73 %, contre 6,5% pour l’ensemble du Québec chez les 0-64 ans. Même constat pour Opitciwan : le nombre d’assistés sociaux par rapport à la population totale a atteint 16,8 % en 2015. Guy Laloche, citant le Journal de Montréal