Du Guatemala à La Tuque pour courir les érables
Dorénavant bien intégrés dans les fermes québécoises, les travailleurs agricoles étrangers investissent tranquillement depuis quelques années un autre secteur traditionnel de notre économie: les cabanes à sucre.
À la tête d’Érablière Wayagamak, sur le chemin du Lac Thomas à La Tuque, Patrick Juneau entame sa 3e année avec des Guatémaltèques pour la saison des sucres. «Ils sont extrêmement disponibles et surtout, ils sont ici pour travailler. Même quand tu n’es pas sur place, tu es sûr qu’ils ne sont pas là à se tourner les pouces», lance au bout du fil l’acériculteur dont l’érablière en Haute-Mauricie compte 50 000 entailles sur des terres publiques.
La première année, Patrick Juneau entretenait certaines craintes face à la langue et surtout au froid. «J’ai appris par la suite qu’il y a de la neige dans les montagnes au Guatemala. J’en ai deux sur quatre qui étaient habitués à la température. À – 5 degrés Celsius, ils ne mettent même pas de gants. Ils sont quasiment plus chaleureux que moi. La première journée, ils ont mis des raquettes et sont partis comme si de rien n’était», poursuit celui qui possède aussi une autre érablière de plus de 50 000 entailles à Saint-Ubalde, dans la région de Portneuf.
Selon Martin Méthot, un consultant spécialisé dans le recrutement de travailleurs étrangers, les acériculteurs québécois se tournent vers les Mexicains et les Guatémaltèques depuis un peu plus de cinq ans maintenant et leur nombre va en grandissant avec le temps. «Cette année, j’ai aidé une cinquantaine de cabanes à sucre à en embaucher. On en retrouve beaucoup en Beauce, dans le Bas du Fleuve et au Nouveau-Brunswick», indique-t-il.
À 25 km du centre-ville
Isolée en forêt, la cabane à sucre de l’Érablière Wayagamak n’est accessible qu’après une randonnée de 15 kilomètres en motoneige à travers les bois. Les quatre Guatémaltèques sont arrivés à La Tuque à la mi-janvier et repartiront au début du mois de juin. «Ils sont très autonomes. Ils couchent sur place et ils ont deux motoneiges à leur disposition pour rejoindre un camion stationné à environ 10 km du trafic. Une fois par semaine, ils s’en vont en ville faire leurs commissions», raconte Patrick Juneau qui commence à parler un peu l’espagnol alors que ses travailleurs se familiarisent graduellement avec notre langue.
«On marchait beaucoup par signe au début pour se comprendre. Mais le travail dans une érablière, c’est beaucoup des gestes répétitifs. Alors, ils te regardent faire avant de poser à leur tour l’action en demandant si c’est correct. Si ça l’est, tu peux être sûr que tout ce qui va suivre va être no 1.»
Patrick Juneau entaille son érablière à La Tuque depuis maintenant 22 ans. Certains seront étonnés de savoir que les érables coulent si loin au nord. «C’est un peu comme avoir une cabane à sucre en Gaspésie ou dans le Bas-Saint-Laurent. La saison se termine généralement plus tard, au début du mois de mai parfois. L’année dernière, cela a été une saison moyenne parce qu’il faisait froid, mais cette année, ça regarde bien», termine l’acériculteur.