Des «Pisteurs de tordeuses» même à La Tuque
ENVIRONNEMENT. La présence de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, dans plusieurs régions, suscite un important projet de science citoyenne appelé « Pisteurs de Tordeuses ».
Ressources naturelles Canada entreprend un vaste projet de récolte de données, en collaboration avec des citoyens de différentes régions pour aider à suivre la migration de la tordeuse des bourgeons de l’épinette et la croissance de ses populations. Depuis plus d’un siècle, la tordeuse des bourgeons de l’épinette est l’insecte le plus destructeur des forêts de l’est du Canada
« Nous recrutons des citoyens volontaires qui ont envie de participer, qui proviennent de l’Ontario, du Québec, de toutes les provinces maritimes et du Maine. Nous voulons vraiment suivre tout l’est du Canada au niveau des épidémies», rapporte Véronique Martel, chercheure scientifique en entomologie à Ressources naturelles Canada.
La capture des papillons
Les citoyens qui participent à cette opération reçoivent une trousse qui contient un piège à phéromone. «Il n’attrape que les papillons mâles de tordeuse. Les gens les installent près de chez eux, dans les secteurs boisés de sapins ou d’épinettes. Une à trois fois par semaine, ils récoltent les papillons qui ont été capturés. Ils font l’estimation du nombre de papillons et peuvent nous envoyer ces données de différentes façons, soit par écrit, sur le site web ou en utilisant une application téléchargeable bien que nous avons développée», poursuit Mme Martel.
La participation citoyenne est importante, car il serait impossible pour l’équipe en place de pouvoir effectuer elle-même cette opération dans autant de territoires visés.
«L’idée est de cibler les régions qui sont actuellement touchées par la tordeuse, mais aussi celles qui ne le sont pas parce qu’on peut voir les déplacements des papillons, car ils peuvent se déplacer rapidement selon les vents. La participation citoyenne va donc pouvoir nous permettre de le faire de façon beaucoup plus précise que ce que nous aurions pu faire nous-mêmes», indique la chercheure.
Véronique Martel a indiqué à TC Média qu’au moins 5 personnes de la Mauricie vont participer, cette année, au projet « Pisteurs de Tordeuses », dont une personne de La Tuque. Pour cette année, il est trop tard pour s’inscrire, mais on peut se rendre sur le site web pisteursdetordeuses.ca et déjà signaler son intérêt de pouvoir y participer, l’an prochain.
La Mauricie n’est pas vraiment touchée par la présente infestation de la tordeuse d’épinette. On en retrouve surtout sur la Côte-Nord, un peu au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans le Bas Saint-Laurent, en Gaspésie et en Abitibi, à la frontière de l’Ontario. On ne retrouve que de très petites superficies touchées en Mauricie.
Une soixantaine de pièges ont été rendues disponibles dans tout le Québec et 300 dans le reste du Canada. Entre 5 et 10 pièges seront installés par région, cette année.
La science citoyenne n’est pas une nouvelle façon de récolter des données. On l’utilise depuis longtemps déjà, notamment en ce qui concerne l’observation des oiseaux. « Je sais qu’il y en a aussi avec le papillon monarque afin d’assurer le suivi des populations», indique-t-elle.
Un fléau
La tordeuse d’épinette est un véritable fléau pour les forêts où elle décide de s’établir. Entre 2006 et 2010, l’épidémie a débuté sur la Côte-Nord avec ses effets dévastateurs. «C’est quelque chose que nous avons toujours eu ici, ce n’est pas un insecte exotique», souligne Véronique Martel.
L’opération est particulièrement importante puisque nous sommes dans le haut d’une vague qui revient environ chaque 30 ou 40 ans. Chacune des infestations de la tordeuse peut durer une dizaine d’années environ. La tordeuse se délecte du sapin baumier, suivi des épinettes blanches, rouges et noires.
La dernière épidémie, vers la fin des années 70, avait pris naissance dans le sud-ouest de la province et avait remonté le long du fleuve Saint-Laurent. Cette fois-ci, elle a commencé sur la Côte-Nord. « Le patron n’est pas nécessairement le même, d’une épidémie à l’autre, mais une forêt qui est susceptible maintenant a quand même des chances de l’être dans 30 ou 40 ans», prévient Mme Martel. On ne comprend pas exactement pourquoi les infestations choisissent un endroit ou un autre pour se déclencher.
Verra-t-on prochainement l’essoufflement de la tordeuse, et surtout avec ce cycle qui dure depuis quelques années ? « Elle est vorace, mais il y a un moment où elle peut manquer de nourriture et d’autres insectes peuvent s’y attaquer. C’est à ce moment qu’on voit un effondrement des populations de la tordeuse», termine Véronique Martel.