Des années de défis pour les forestiers

FORÊT.  Le vice-président exécutif de Gestion Rémabec Éric Bouchard ne se souvient pas d’avoir connu une saison aussi intense des feux de forêt ayant un impact majeur sur le monde forestier.

Au moment d’écrire ses lignes mercredi, la Société de protection des forêts contre le feu dénombrait 481 feux de forêt depuis le début de l’année alors que la moyenne des 10 dernières années à pareille date est de 266 feux. Pis encore, le nombre d’hectares affectés par les feux cette année atteindra bientôt le 1,4 M, alors que la moyenne pour les 10 dernières années est de 9676.

« Je ne suis pas assez vieux pour me souvenir d’une saison de feux si intense, et en parlant avec les forestiers, c’est une saison hors du commun incroyable! Présentement, on n’a pas toutes les informations pour l’étendue des dommages sur nos volumes de bois. Le ministère de la Forêt de la Faune et Parc s’affaire à préparer un plan spécial pour qu’on puisse récupérer le bois brûlé le plus rapidement possible », exprime M. Bouchard.

Ce dernier explique que lorsqu’il y a des feux de forêt tôt en saison comme c’est le cas cette année, le longicorne entre rapidement dans le bois et les insectes grugent le bois de façon très rapide. « On a environ un an pour récolter le bois qui servira à un sciage de qualité. À la deuxième saison, le longicorne continue et le bois devient trop attaqué, il devient mort et ça devient plus du bois pour faire de la biomasse. Avec la quantité de bois brûlés, le travail est énorme. Ce bois devra être récolté sur plusieurs années, mais il va se perdre du bois c’est certain. »

D’ailleurs, l’alliance forestière a fait parvenir une liste de 6 demandes au gouvernement provincial afin de les aider pour cette situation exceptionnelle. « Aussi, apparemment que plusieurs machineries forestières ont brûlé, donc la capacité de récolte et la capacité de construction de chemins forestiers, et la capacité d’opérer dans la forêt sera amputée. Les deux prochaines années seront très spéciales », poursuit Éric Bouchard.

Comment le vice-président exécutif du Groupe Rémabec appréhendet-il les répercussions sur le marché au cours des prochains mois? « C’était déjà un marché qui était au ralenti, et on savait que l’Amérique du Nord n’était pas autosuffisante en termes de quantité de bois. La tendance tend à remonter puisque les États-Unis ont augmenté leur quantité, et l’offre est à la baisse autant en Colombie-Britannique qu’au Québec. Les usines qui fonctionnent présentement opèrent avec l’inventaire du printemps. Mais ça fait 4-5 semaines qu’on ne récolte plus le bois. C’est certain qu’il y aura des usines qui vont fermer parce que l’approvisionnement ne sera plus là. Ça entraînera une pression sur les prix, et on peut le voir depuis trois semaines, les prix ont monté à un niveau qu’on n’avait pas vu depuis longtemps. »

En ajoutant le blocus forestier des Atikamekw plus tôt au printemps, l’année 2023 est loin d’être rose pour le monde forestier. « C’est une année très difficile effectivement, principalement pour nos opérateurs forestiers et les gens des usines parce qu’ils ont dû prendre des pauses forcées. C’est clair qu’on a fait des représentations via notre association. Je pense qu’il y a une bonne écoute du gouvernement et qu’il pourra nous aider. Si on regarde le plan de décarbonation de la province, on ne pourra pas y arriver sans la forêt. L’arbre capte le carbone, et quand on le scie, le carbone reste dans le produit. Il y a aussi toute la transformation de la biomasse en produits verts, que ce soit les biocarburants ou les biocarbones. Ces technologies sont à nos portes. Que ce soit pour 2030 ou 2050, on ne peut pas ignorer la forêt », conclut M. Bouchard.