Cuisines sous pression

MAIN D’OEUVRE. Déjà aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre, le milieu de la restauration a été amené, avec la pandémie de la COVID-19, à se réinventer ces derniers mois.

Fermeture de restaurants quelques jours par semaine, horaires modifiés, personnel à bout de souffle, le topo semble difficile, mais de l’espoir existe.

Les deux formations en cuisine, sous l’égide de l’École forestière de La Tuque (ÉFLT) et plusieurs organismes ont été suspendues en raison de la pandémie de la COVID-19. Le lundi 31 août, tout le monde était de retour en classe, dans l’attestation d’études professionnelles en cuisine de restauration rapide et la technique de base en cuisine.

Les étudiants avaient bénéficié de cinq semaines de formation, soit le tiers de tout l’apprentissage, à la fin de l’hiver dernier. Seuls deux participants ne sont pas revenus: une dizaine de participants sont donc de retour, pour la formation qui va continuer jusqu’au 13 novembre.

«Tout le monde est en poste, au point où on était», assure Josée Duchemin, responsable des communications à l’ÉFLT.

Les deux semaines de novembre seront consacrées à des stages en entreprises, dans les restaurants.

Les étudiants en attestation d’études professionnelles en cuisine de restauration rapide effectuent déjà de l’alternance de travail-études dans le cadre de la formation. «Il y a des entreprises qui ont répondu à l’appel et qui vont accueillir ces gens-là en stage», ajoute Mme Duchemin.

Toutes les règles d’hygiène et de salubrité sont respectées, d’autant plus que plusieurs de ces règles prévalaient déjà en périodes régulières dans les cuisines. Évidemment, le port du masque est obligatoire, puisqu’il n’est pas toujours possible de conserver la distance de deux mètres entre chaque personne en cuisine.

Grâce à l’ouverture du Carrefour d’action bénévole du Haut-Saint-Maurice, la technique de base en cuisine pourra se poursuivre comme elle avait débuté avant la pandémie. «Un gros merci à eux. On peut encore utiliser les locaux de la Popote roulante et on peut se rendre à la Centrale alimentaire, les mardis et mercredis, quand il y a distribution […] Tous nos partenaires sont demeurés fidèles au rendez-vous», souligne avec satisfaction Josée Duchemin. Sans cette poursuite de collaboration, le projet n’aurait pu se poursuivre aussi facilement.

Le restaurateur Patrick Moisan, qui assure la formation, y voit des élèves motivés.

Une nouvelle qui sera certainement accueillie avec satisfaction par les restaurateurs. Plusieurs d’entre eux ont annoncé des mesures, autant en raison de la COVID-19 que parce qu’ils manquent de personnel.

Les restaurateurs s’adaptent

Le restaurant Stratos, qui opère habituellement sept jours sur sept, doit fermer les mardis et mercredis afin de donner un peu de répit à son équipe, pour qui l’été n’a pas été une sinécure.

«On a eu moins de touristes. Mais depuis le confinement, la livraison et le «take out» (mets à emporter) ont augmenté beaucoup», confie Michel Simard, un des propriétaires. Ce qui fait que les cuisines ont continué à rouler à plein régime depuis la réouverture.

La terrasse n’a ouvert que les fins de semaine, parce que les motocyclistes venaient nombreux: «Dans la semaine, on n’était pas capable de l’ouvrir, on manquait de personnel».

La propriétaire du Biztro, Luce Allard, confie que son établissement a connu un excellent achalandage cet été. «La rue était bloquée cet été et j’ai eu beaucoup de monde, ç’a super bien été». Elle aussi doit composer avec la rareté des cuisiniers. Pour cette raison, elle a dû restreindre les jours d’ouverture de son commerce, qui opère dorénavant du mercredi au samedi.

Elle n’est pas prête à mettre la faute entièrement sur le dos de la Prestation canadienne d’urgence, même si l’aide fédérale a pu inciter plusieurs travailleurs potentiels à demeurer à la maison. Les cuisiniers se font rares : «On avait déjà ce problème avant la PCU. Ça fait des années que ça dure, ce problème-là».

Selon Mme Allard, c’est le type de travail, les soirs, les fins de semaine qui attire moins les éventuels candidats. «On n’a pas de cuisinier. C’est moi qui suis rendue cuisinière», conclut-elle.

De nouvelles façons de faire

Les façons de faire changent. Par exemple, en plus de fermer quelques jours par semaine, des restaurants offrent maintenant deux services durant la soirée, afin d’accueillir un nombre maximal de personnes, dans le respect des normes sanitaires. Il faut savoir que la pandémie réduit le nombre de places disponibles dans tous les restaurants.

C’est une pratique en vigueur dans des restaurants de l’extérieur de La Tuque qui s’implante.

«Maintenant, on a de tout petits établissements, ce ne sont pas de très grandes salles à manger, fait valoir Patrick Moisan, du restaurant le Boké. Si on ne trouve pas des manières d’accommoder le plus de gens possible, on va refuser presque 50% des gens à la porte. Généralement, on affichait complet trois soirs sur quatre, avec la pleine capacité […] On veut refuser le moins de clients possible, tout en permettant, quand même, que les gens ne se sentent pas pressés. Souvent, les gens qui viennent manger à 17h, 17h30, ne veulent pas passer de longues soirées au restaurant. Si l’établissement n’affiche pas complet, les gens auront leur table plus longtemps».

Un élément qui devrait jeter un baume sur la rentabilité des établissements, fortement malmenée par la pandémie.

M. Moisan confirme que l’été qui se termine a été exceptionnel au niveau de l’achalandage. Il n’a pas pu embaucher autant d’étudiants qu’il l’aurait souhaité, car la période habituelle de formation, de mars à mai, a été celle du confinement. Il a choisi de fermer quelques jours, à la fin du mois d’août, avant que l’école commence, «par respect pour mon personnel, qui m’a tellement donné du bon service pendant l’été».