Cinq élus de Wemotaci quittent le CNA

Cinq des sept élus du conseil des Attikameks de Wemotaci ont remis leur démission il y a quelques semaines comme membres votants du Conseil de la nation Atikamekw (CNA).

Ils ont tenu à préciser leur position de façon publique.

Alexandra Awashish, Alice Quoquochi, Guy Laloche, Marco Chilton, Patrick Boivin et Patrick Petiquay affirment d’entrée de jeu qu’ils ont démissionné du CNA, mais pas du conseil des Attikameks de Wemotaci. Le chef François Néashit ne fait pas partie de ce mouvement démissionnaire. Le conseiller Guy Laloche, qui avait démissionné, a par la suite réintégré les rangs du CNA.

«Notre participation à titre de membre votants du CNA est volontaire et doit toujours se faire dans l’intérêt de la population de Wemotaci, tiennent-ils à faire savoir. Selon les six élus, leur démission ne vise pas à nuire au CNA ou à l’empêcher de fonctionner.

C’est d’ailleurs cet état de fait qui a poussé le conseiller Guy Laloche à revenir sur sa décision et à réintégrer les rangs des membres votants. «Ce que je voulais faire, c’était de nous faire entendre et de revenir après pour ne pas compromettre le bon fonctionnement de l’organisation». Il estime qu’il a été entendu et que les gens sont prêts pour des changements en profondeur.

Une structure inachevée

Chaque communauté délègue son chef et ses conseillers comme membres votants. Mais Guy Laloche fait peu de cas du rôle des conseillers dans le processus d’adoption des états financiers du Conseil de la nation atikamekw. «On est comme la petite souris qui tourne la roue. C’est à ça qu’on sert, pour les états financiers. Dès que l’assemblée est finie, on ne sert plus à rien», image-t-il.

Chacun des chefs des trois communautés dispose d’un vote alors que le Grand Chef peut trancher une décision avec son vote prépondérant en cas d’égalité.

Cela privilégie, selon le conseiller Laloche, un rapport de force d’une communauté qui pourra se coller au Grand Chef du conseil tribal.

Depuis quelques années, le Grand Chef est élu au suffrage universel. «Quand la corporation (le CNA) a été créée, elle l’a été pour un collège électoral. Notre représentant de la nation, avant le suffrage universel, c’était le collège électoral, c’étaient les conseils de bande pour qui élisaient le représentant et non la population. Mais la structure est restée telle quelle. Quand ç’a été le temps d’instaurer le suffrage universel, tel qu’il est aujourd’hui, on devait créer une entité politique, ce qui n’a jamais été fait. Donc, en ce moment, c’est une structure inachevée depuis l’instauration du suffrage universel», résume le conseiller Laloche.

Il voit la situation actuelle comme un obstacle au développement économique de Wemotaci, ajoutant qu’au moment où la structure a été mise en place, la situation économique de la communauté n’était pas aussi dynamique.

«Quand on fait une demande pour un programme, on nous dit que déjà le CNA a demandé pour nous. Ça ne marche plus, c’est compliqué», déplore-t-il.

«Nous avons posé ce geste afin de faire la lumière sur certaines situations que nous considérons comme problématique ainsi que dans le but de réfléchir à des pistes de solutions qui seront bénéfiques pour les intérêts de Wemotaci », indiquent aussi les conseillers démissionnaires par voie de communiqué.

Ils demandent de redéfinir les relations entre le CNA et le conseil de Wemotaci. Le tout, avec pour objectif principal le respect de leur autonomie gouvernementale.

«Cette réflexion concernant les rapports entretenus entre les différentes instances politiques nous semble urgente, considérant la multiplication des situations d’ingérence qui ont eu lieu au cours des dernières années par le CNA à l’encontre des compétences et juridictions du conseil de Wemotaci. Ces situations d’ingérence sont suffisamment préoccupantes que nous n’avons eu d’autres choix que de remettre notre démission à titre de membres votants, et ce, afin d’attirer l’attention de nos membres pour les celle des dirigeants du CNA».

Ils ont rappelé qu’un protocole d’entente politique, adoptée par les trois communautés Atikamekw et le CNA en 2002 prévoyait notamment le principe de la non-ingérence par le Grand Chef dans les affaires des conseils des communautés Atikamekw

«En 2013, le conseil de Wemotaci a confirmé son retrait du protocole politique de 2002, souhaitant alors et jugeant nécessaire de participer à la ratification d’un nouveau protocole politique. Depuis ce retrait, diverses déclarations, discussions et interactions ont eu lieu sans donner les résultats escomptés. Malgré cette démarche, l’ingérence de la part du CNA dans l’autonomie gouvernementale du conseil de Wemotaci s’est poursuivie et s’est accrue».

«Nous sommes disposés à réintégrer le CNA, dès que notre demande aura été entendue et qu’un engagement ferme aura été pris pour y répondre. Cette demande va bien plus loin que le diagnostic organisationnel et opérationnel entamé par le CNA et la promesse de Sommet sur la gouvernance, tel que réclamé par les trois communautés Atikamekw», ont-ils conclu.

La résolution qui a été adoptée cette semaine par le conseil des Atikamekw de Wemotaci prévoit que le conseil entame rapidement des discussions avec le CNA pour négocier une nouvelle entente politique par laquelle «la problématique non résolue de l’ingérence du Grand Chef président et du CNA dans les compétences et les responsabilités relevant de Wemotaci serait abordée et que des solutions durables seront adoptées par les parties». Mandatée pour agir comme conseillère juridique du conseil dans ce dossier, la firme d’avocats BLG rédigera une première ébauche d’entente politique.