« C’était plus séduisant La Tuque que Causapscal » – Marie Marey
ÉDUCATION. Ils s’appellent Marc-Antoine, William, Jordan, Marie, Léo, Emmanuelle et Fabien et ils ont traversé l’Atlantique pour venir étudier à La Tuque. Regard sur un phénomène en croissance…
Sur 220 élèves inscrits à l’École forestière de La Tuque (EFLT) cette année, 27 sont nés dans l’Hexagone. « C’est un chiffre qui est en croissance », se réjouit le directeur général de l’établissement d’enseignement, Gilles Renaud.
Sur les cinq DEP (diplôme d’études professionnelles) offerts à La Tuque, c’est de loin les programmes de Protection et exploitation de territoires fauniques et Aménagement de la forêt qui suscitent l’intérêt de nos cousins français. « C’est intéressant qu’ils nous choisissent, car ces formations sont aussi offertes en Abitibi, en Gaspésie, en Outaouais, dans le Bas-du-Fleuve et au Lac Saint-Jean », poursuit Gilles Renaud.
Plusieurs des étudiants français vont d’ailleurs faire le choix de compléter les deux DEP, c’est le cas de Marie Marey qui est arrivée à La Tuque en juin 2021 et qui s’y sent comme un poisson dans l’eau. « Je ne suis pas un oiseau de ville. Être à quelques minutes d’un chemin de randonnée, c’est parfait pour moi », explique la jeune femme. Ne connaissant pas du tout la région, c’est en regardant des vidéos qu’elle a fait son choix. « J’avais aussi la possibilité de choisir Causapscal, mais c’est La Tuque qui m’a interpellé avec les pentes de ski et les activités. On vient ici pour étudier, mais pas que… « , sourit-elle.
« Ce sont de bons étudiants, complimente le directeur d’école. Il faut se rappeler qu’ils sont dans une démarche très sérieuse. C’est tout un changement de vie qu’ils font en traversant l’Atlantique pour venir étudier au Québec. » Gilles Renaud a rapidement constaté que ce bassin d’élèves apprécie l’ambiance décontractée qui règne dans une école comme celle de La Tuque.
« En France, c’est très hiérarchique comme système d’éducation. Le vouvoiement est de mise et c’est Monsieur le directeur. Ici, ils m’appellent Gilles et quand ils me voient dans la rue ou au restaurant, ils viennent me saluer. Ils ne sont pas habitués à ça, mais je pense qu’ils apprécient. Ils sont aujourd’hui totalement intégrés dans le milieu », poursuit-il, saluant au passage l’excellent travail effectué par l’équipe du Carrefour Emploi Haut-St-Maurice qui gère le programme Choisir La Tuque destiné aux nouveaux arrivants.
Pourquoi La Tuque?
Pour Fabien Lepetit, c’est la présence d’une forêt d’enseignement et de recherche à quelques minutes de l’école qui l’a interpellé. « Ça nous permet de voir le métier qu’on va faire », explique-t-il. À ses côtés, Emmanuelle Marot souligne qu’elle a été attirée par le fait que La Tuque soit logée au milieu d’une forêt tout en demeurant relativement près de Montréal et Québec. « C’est un avantage qui m’a fait venir ici. Ce n’est pas une grande ville, mais en même temps, il y a des possibilités d’emploi pour les étudiants en complément des études. »
Jordan Macaux avait de son côté certaines appréhensions, comme l’enseignement portant sur la chasse par exemple, mais ses craintes ont rapidement été dissipées. « Par rapport à la France, je me sens beaucoup mieux ici. J’ai l’impression d’être mieux accepté et au niveau des emplois et des salaires, c’est plus avantageux ici », explique le natif de la région de Picardie qui s’est senti chez lui dès son arrivée. « On m’a bien accompagné dès le départ et encore aujourd’hui, c’est la continuité. »
La présence de Français dans nos établissements d’enseignement au Québec s’explique aussi par une entente France-Québec prévoyant que leurs frais de scolarité soient les mêmes que ceux des Québécois, un privilège auquel n’ont pas droit par exemple les Belges ou les Suisses francophones. « Ça fait vraiment une différence, souligne Gilles Renaud. Juste pour Conduite de machineries lourdes et voirie forestière, c’est une formation qui coûte environ 25 000$. »
Devenir prof à l’ÉFLT
Le directeur fait remarquer que cette vingtaine d’étudiants français permet aussi de consolider les groupes. « Des fois, nous étions à la limite de partir des programmes parce qu’on avait quatre ou cinq étudiants québécois et que ce n’était pas viable financièrement. Là, on se retrouve avec des classes de huit ou dix élèves. C’est intéressant financièrement pour l’école, mais sur le plan pédagogique, c’est aussi beaucoup plus intéressant, car il y a plus d’échanges avec l’enseignant. »
La plupart des étudiants français interrogés par L’Écho ont l’intention de demeurer au Québec à la fin de leur DEP. Gilles Renaud a en tête des anciens étudiants qui ont passé par l’ÉFLT et qui travaillent aujourd’hui sur l’Île d’Anticosti ou dans la région de Charlevoix.
Originaire de Dunkerque, dans le nord de la France, Léo Duhamel (photo de la UNE), lui, a un autre plan. « Au départ, je voulais aller à l’École de foresterie de Duchesnay, mais il n’y avait plus de place. Il aurait fallu que j’attende un an. Comme je suis passionné par la chasse, la pêche et le plein air, je me suis inscrit à La Tuque et aujourd’hui, je ne le regrette pas du tout. Même que mon objectif, ça serait de devenir prof ici à l’école forestière », conclut-il sous le regard satisfait de Gilles Renaud.