Au front pour sa communauté d’adoption

OPITCIWAN. Pendant une semaine entière, ­Kim ­Dumaine a été la seule ­Allochtone parmi une trentaine d’Atikamekw à combattre les feux de forêt au nord d’Opitciwan. Désormais connectée à ce territoire, son intuition l’a poussée à joindre le petit groupe composé de membres de sa communauté d’adoption afin de repousser les flammes de chalets et de territoires de chasse.

En 2016, ­Kim ­Dumaine a quitté ­Shawinigan pour aller enseigner à l’école primaire ­Niska d’Opitciwan, découvrant ainsi la généreuse communauté atikamekw qui l’a accueillie à bras ouverts. Après toutes ces années à vivre dans la communauté, il était impensable pour elle de rester chez elle, les bras croisés, à attendre que les choses se règlent d’­elles-mêmes.

«  ­Les feux étaient quand même loin au départ, mais un matin, j’ai vu ma collègue très inquiète, car les feux s’approchaient beaucoup de son chalet. Elle avait les larmes aux yeux et je me suis aussitôt demandé ce que je pouvais faire pour les aider  », indique ­Kim.

Au départ, l’enseignante s’est attribué la tâche d’apporter de la nourriture aux équipes qui combattaient les feux de forêt depuis déjà deux semaines. Puis, lorsqu’elle a vu l’état des lieux et les hommes à l’œuvre, elle s’est dit qu’elle pouvait, elle aussi, combattre les feux.

«  ­Le lendemain, j’ai rejoint les filles et je remplissais surtout les cuves d’eau, des cuves de 1000 litres. On s’approvisionnait dans les petits ruisseaux, on se rendait aux feux et on les éteignait  », ­raconte-t-elle. «  ­Les petits feux, par contre. Les gros feux, je ne m’approchais pas, parce que c’est vraiment dangereux.  »

La journée dont elle se souviendra longtemps, c’est la toute dernière qu’elle a passée à combattre les feux. Alors que la journée était plus calme que les autres et que ­Kim était sur le point de repartir vers ­Opitciwan, les combattants ont entendu dans leur émetteur radio que de la fumée se dirigeait vers le chalet 15, soit le lieu où tout le monde se regroupe pour dormir la nuit, «  un lieu de rassemblement pour être au centre de tout ce qui se passe et intervenir vite un peu partout.  »

Rapidement, tout le monde s’est rendu au chalet et, dans toute leur efficacité, les combattants ont mis en œuvre leur plan de protection, dont couper des arbres pour créer un ­coupe-feu et arroser jusqu’à la dernière seconde, alors que la pluie de cendre s’intensifiait et que le son des arbres qui brûlent s’intensifiait.

«  ­Au moment d’évacuer, tout le monde est entré dans sa voiture et s’est éloigné, alors que certains sont restés en arrière pour continuer à éteindre. J’ai vraiment eu la peur de ma vie. Je n’avais jamais vu des flammes aussi rapides et aussi grosses que ça. On priait pour que tout le monde s’en sorte, et tout le monde s’en est sorti sans aucune égratignure. Le feu est passé à côté, car tout ce qu’ils ont fait a fonctionné  », raconte ­Kim.

«  Ça a été le moment le plus intense, et je pense que ça a été le moment où on s’est le plus rapprochés les uns les autres.  »

Kim ­Dumaine rapporte que ce dont elle a été témoin, c’est de l’entraide, de la solidarité, de la transmission de connaissance et du courage. Malgré tout, ces hommes et ces femmes ne se considèrent pas comme des héros, mais seulement comme des membres d’une même communauté qui accomplissent leur devoir, celui de se battre pour leur culture, leur territoire, leurs animaux. «  C’est ce qu’ils tenaient à protéger en fait, bien plus que les bâtiments. C’est le souvenir de leurs ainés qui les ont quittés. Il y a ­peut-être des gens qui vont trouver que c’était inconscient de faire ça, mais au contraire, je trouve que c’est d’être conscient, justement, de l’importance de la forêt boréale. À plus grande échelle, cette forêt crée un équilibre au niveau de la planète entière. C’est important de la protéger  », ­assure-t-elle.

Même si les prochaines semaines restent incertaines malgré la pluie qui est enfin tombée en ­Haute-Mauricie à la fin du mois de juin, ­Kim ­Dumaine croit que les combattants ont su faire une différence en contrôlant les feux. «  Ça me rend émotive d’avoir vécu ça avec eux. Je ne pourrai pas être là dans les prochaines semaines, mais mon cœur est avec eux. Je comprends leurs motivations. La création des liens avec le temps, c’est précieux. Il y a tellement de belles choses qui se passent ici, tu te sens vraiment comme un humain, tu te sens accueilli, tu sens que tu fais partie de la famille, et ce sont toutes ces raisons qui m’ont poussée à être là.  »

«  ­Et si c’était à refaire, je recommencerais sans hésiter.  »