Allumer des passions avec le Fab Lab

Depuis quelques semaines, une quinzaine d’Atikamekw de La Tuque de 15 à 30 ans sans emploi ont la possibilité de plonger dans les nouvelles technologies, dans un mini laboratoire d’acquisition de connaissance, le Fab Lab.

Le laboratoire a pignon sur rue dans l’ancienne Boutique Marie-Soleil, sur la rue Saint-Joseph. Le spacieux local dispose d’une foule d’équipement autant sophistiqués que spécialisés, de haute technologie.

Les Fab Labs existent dans plusieurs versions, mais c’est celui des nouvelles technologies qu’on a implanté à La Tuque. « Il y a des regroupements, des associations, c’est international », explique Serge Ducharme, chargé de projet au Conseil de la nation atikamekw. Lui et Marieve Raymond, coordonnatrice à la dotation financière au CNA, ont noué des liens avec les participants du Fab Lab, qui proviennent majoritairement de La Tuque, de Wemotaci, d’Opitciwan, de Manawan ainsi que de Trois-Rivières. Des enseignants se partagent les plages horaires déclinées en 16 semaines de formation, en plus de quatre semaines de stage en entreprise.

Déjà, un Fab Lab mobile se déplaçait dans les communautés et l’engouement généré a été tel que la décision a rapidement été prise d’en aménager un fixe à La Tuque.

Pour la première année, l’accès est réservé aux Atikamekw, mais à partir de la deuxième, toute la population aura la possibilité d’y accéder, mais les Atikamekw seront sélectionnés en priorité.

Il n’y a pas de critère d’admission, mais la majorité des jeunes qui y participent n’ont pas de secondaire cinq. Pour plusieurs, c’est une excellente occasion de tester leurs intérêts et les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies. Et ça marche. Mais il y a plus. Une partie de la formation est consacrée à la transmission des valeurs ancestrales.

« Chaque journée est séparée en deux. Une demi-journée est réservée à la culture atikamekw », indique Marieve Raymond. Un aîné et un facilitateur culturel maintiennent vivant le lien entre les jeunes, la culture traditionnelle et leur sentiment d’appartenance face à leur nation.

Le Fab Lab leur offre du support pour le logement, le gardiennage et le transport. Les participants reçoivent un salaire tout au long de leur période d’apprentissage.

La technologie

Les appareils utilisés n’ont pratiquement pour limite que l’imagination des participants. « Avec la première cohorte, ce qu’on a eu comme commentaire, c’est que c’étaient des gens très intéressés (de la part des instructeurs) », signale Serge Ducharme.

Le groupe compte sur une imprimante 3D, une impressionnante machine qui transforme des tiges de plastique en ce que vous voulez. Cela permet de créer des pièces, avec des détails d’une précision chirurgicale. « On crée une pièce à partir d’un programme dans un ordinateur et elle va la reproduire », précise Serge Ducharme. Des reproductions de charpentes de bâtiments, la réplique du Stade olympique, des porte-clés, tout est possible.

Avec une autre imprimante, on peut écrire sur les chandails, des casquettes, des tasses, à partir d’un programme informatique. Un participant a même conçu une voiture téléguidée.

« Avec la découpe au laser, on peut faire des pièces complexes, très fines », signale aussi M. Ducharme. Le Fab Lab compte aussi un volet touchant le travail du bois.

Les participants ont été enthousiasmés par le projet et se le sont pleinement approprié. « Ils voulaient apprendre », remarque Serge Ducharme.

« Le but est aussi d’établir un partenariat avec la communauté, pour aller chercher des matériaux qu’on peut réutiliser ou des choses que certaines entreprises n’utilisent plus. On peut faire des projets, apprendre avec des retailles, des rebuts », propose aussi Marieve Raymond. Après les 16 semaines de formation, quatre semaines de stages sont prévues dans les entreprises locales qui acceptent de collaborer au projet.

Et, fait qui n’est pas à négliger, le Fab Lab aura contribué à briser l’isolement chez cette clientèle, surtout après la COVID-19.

Le financement

Lorsque des produits réalisés par les participants sont vendus, l’argent est réinjecté dans le Fab Lab. Mais il faut compléter les sources de financement. Le rôle de Marieve Raymond est de frapper aux bonnes portes pour trouver l’argent afin de faire perdurer le projet dans le temps. Les gouvernements, les fondations, des groupes philanthropiques, les municipalités répondent bien, jusqu’à présent.

« On croit beaucoup au projet, il a un niveau de réussite très élevé », assure Mme Raymond.

Des résultats tangibles

Shawn Awashish, un jeune participant, compte parmi ceux qui croient le plus au Fab Lab, qui lui a apporté beaucoup. Le jeune homme avoue qu’il n’avait aucune idée de la technologie avant d’entreprendre son parcours au Fab Lab. Cela l’a sorti d’un parcours où il allait d’un emploi à l’autre et lui a permis de se découvrir une réelle passion.

Avec de longues heures de travail, de formations, de patience, une minutie exemplaire et l’aide de l’imprimante 3D, il a créé un grand aigle qui pourra voler, grâce à un moteur qui y sera intégré. Il a lui-même conçu des pièces électroniques qui vont activer les ailes et a conçu lui-même la manette.

Il a consacré la majorité de son temps en formation à concevoir ce projet.

« Il y a beaucoup de machines. Une machine ouvre beaucoup de portes dans le marché du travail », fait-il remarquer. Il s’est découvert des aptitudes, en soudure, en électronique. Je suis vraiment plongé dedans, j’aime ça. Dans mes temps libres, je vais faire des recherches […] C’est vraiment un lieu où on peut échanger aussi ».

La première cohorte termine son passage au Fab Lab et déjà, les responsables préparent la deuxième pour cette année, qui débutera la première semaine d’août.