À la tête de l’International des montgolfières

Comme bien des jeunes, Éric Boivin quitte La Tuque pour les études à 16, 17 ans. Gars de région, il puise dans l’esprit de sa ville natale l’audace pour dynamiser le prestigieux événement qui fait battre le cœur de sa ville, Saint-Jean-sur-Richelieu, l’International des montgolfières.

Après un parcours de 23 ans chez Desjardins où il a surtout oeuvré dans des postes de direction, en finances, il souhaite se recentrer vers des opérations sur le terrain, plus près des gens, des opérations concrètes et surtout, travailler chez lui, à Saint-Jean-sur-Richelieu, plutôt que de voyager continuellement.

Fin 2018, l’occasion se présente pour le poste de directeur exécutif de l’international des montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Il a été embauché alors que l’événement vivait une crise, accusant des déficits depuis 2012, 2013. « C’est assez courant dans l’univers des festivals. C’est du capital de risque. Deux ou trois années de mauvaise température peuvent vous casser les genoux », fait-il valoir.

Habitué en fusion, acquisition et redressement d’entreprises chez Desjardins, M. Boivin a travaillé, avec son équipe, au plan de redressement de l’International pour lui redonner une santé financière, sachant que les gestes à poser n’allaient pas nécessairement être faciles.

« On a fait un ménage, mais en même temps, on a réinvesti. À l’édition 2019, on a grossi le nombre de ballons de 25%, on a ajouté six nouveaux plateaux d’animations sur le site et on a réinjecté plus d’argent dans la programmation de spectacles. On a aussi conclu un partenariat majeur avec Live Nation, la plus grosse compagnie au monde en divertissement », dit-il.

Sortir des sentiers battus

Puis, à l’an 2 du plan de redressement, la COVID-19 est arrivée, chamboulant toute l’économie. « Ce n’était pas dans mes plans. Je l’ai échappée celle-là », rigole M. Boivin.

D’autant plus, analyse-t-il, que l’International représente le pire des modèles d’affaires en période de restrictions sanitaires, simplement par le fait de recevoir quotidiennement de 350 000 à 400 000 personnes, sur 10 jours.

Aussi, pour conserver la notoriété de l’événement, son organisation s’est complètement repositionnée.

On a fait un Piko parc, un « auto parc » avec des films, des spectacles d’humour et de musique. Une scène mobile « Pikomobile » s’est aussi promenée pour agrémenter la vie des gens confinés en résidence.

Le nom de Piko revient souvent, car le ballon est devenu la mascotte de l’International des montgolfières. Il est un des trois ballons les plus connus dans le monde, apparaissant sur les affiches promotionnelles du festival d’Albuquerque, le plus grand rassemblement de montgolfières au monde.

Autant d’éléments qui nourrissent cette créativité qui aura permis à l’international de se tirer d’affaire sans se casser les dents. « On a passé un peu pour les hyperactifs du Réseau des événements majeurs internationaux », remarque Eric Boivin.

Pour 2021, on ne voulait pas créer un événement qui serait dépendant du degré d’évolution des consignes sanitaires : « Au lieu de faire une fête au sol, on va en faire une dans le ciel. On a créé un événement qui s’appelle »Ciel en fête« . On y verra des envolées de montgolfière tout le long du mois d’août, ainsi qu’un championnat canadien du 18 au 22 août.

De petites activités sont aussi prévues au sol. Mais ce qui retiendra aussi l’attention, c’est un record Guinness de plongeon extrême à partir d’un ballon, par la plongeuse québécoise Lysanne Richard, un événement qui vaudra le déplacement à lui seul.

«Ce qui remplace le festival cette année va permettre de colorer le ciel de Saint-Jean et de soutenir notre marque ballon», apporte aussi le Latuquois. La clé, selon lui, est de sortir des sentiers battus et de ne pas passer trop de temps à songer à ce qu’on fait habituellement, car on ne peut plus le faire.

La Tuque

Eric Boivin n’a pas le sentiment d’avoir quitté La Tuque. Latuquois, il l’est toujours, plus de la moitié de sa famille y habite : « C’est comme si je n’avais jamais quitté, c’est encore chez moi ». Son frère a acheté la maison familiale et il s’y sent toujours autant chez lui quand il va y passer du temps, deux ou trois fois par année.

Ce que La Tuque lui évoque, quand il était tout jeune, c’est la liberté qu’on y retrouvait : « On sortait jouer dehors et le »call« c’était (de rentrer) à la noirceur. Je pouvais partir de la rue Caron, aller jouer à la terrasse Maurice ou au quartier Bel-Air, ce n’était pas grave, c’était sécuritaire. On avait des amis partout. Je pense que ça, ça nous a appris à être sociables et à être confiants ». Pas de règles liées à la mobilité.

Il pense que des Latuquois du même groupe d’âge que lui, comme Guy Fortin, Steven Guilbault, n’ont pas intériorisé de limite, ils sont « des gens qui osent, car ils proviennent d’un milieu où il y avait cette liberté ».

Il retient aussi l’amour de la nature, que sa ville natale lui a apporté :« Mon père avait des terres à bois, on a été élevés au Beaumont, l’été. Ça, ça ne m’a jamais quitté. Ce sont des héritages immenses ».

Il affirme qu’il n’aurait aucune difficulté à retourner vivre à La Tuque, si la vie le conduisait là, à la retraite ou professionnellement.

« Ce n’est pas impossible que j’aille y faire un tour avec des montgolfières, glisse-t-il en toute fin d’entrevue. S’il y a une occasion importante pour la ville, il n’est pas dit que Saint-Jean-sur-Richelieu ne serait pas fière de donner un coup de pouce […] Il nous arrive d’aller visiter d’autres municipalités dans des moments importants ». Le message est lancé, d’autant plus que de voir voler une montgolfière est toujours impressionnant.

D’ailleurs, pendant son entretien avec L’Écho, un de ses vieux potes latuquois l’appelait sur son cellulaire. C’est dire combien La Tuque ne nous quitte jamais.