La COVID-19 crée des surplus de poissons

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AQUACULTURE. Récemment, les médias nationaux rapportaient un cri du cœur de l’Association des aquaculteurs du Québec, dont les membres craignaient des pertes de production en raison des dommages collatéraux de la COVID-19 chez plusieurs de leurs clients, dont des pourvoiries.

Ils affirmaient que, sans l’intervention du gouvernement pour permettre l’ensemencement, environ 500 000 poissons allaient périr. Ils craignent de devoir laisser aller une bonne partie de leur production, dans un contexte où les canicules se succèdent à un bon rythme.

«C’est une problématique qu’on connaît bien. Ça fait plus de 25 ans que mon père est dans le domaine et c’est la première année qu’il vit cela», indique Maxime Sauvé, qui possède avec son père, Alain, la pisciculture Sauvé, un établissement de cinq lacs à l’entrée de la municipalité de La Bostonnais.

Normalement, les commandes pour des clients pourvoyeurs arrivent aux alentours du 15 mai. «Jusqu’à la fin juin, les lacs sont vidés pas mal au complet. Cette année, les clients ont annulé ou diminué leurs commandes, alors on se retrouve avec des surplus de poissons dans les lacs, à une période l’année ou normalement on n’en a plus», poursuit M. Sauvé.

Les gouvernements fédéral et provincial ont annoncé une aide financière de 1M$, mais c’est bien peu, croient les aquaculteurs. Une opinion que partage Maxime Sauvé.  «C’est le fun qu’ils aient sorti de l’argent, sauf que le prix qu’il nous donne, la livre, versus ce qu’on vend ou versus le programme du MAPAQ, en juin, c’est encore plus bas», se désole-t-il.

Habituellement, le poisson peut être vendu 6$ la livre ou plus. Au printemps, le programme gouvernemental avait fixé des prix à 4,34$ la livre, ce qui était encore acceptable. Mais le nouveau programme équivaut à acheter des poissons à 2,30 $ la livre.

À un prix aussi bas, il préfère garder ses poissons, qui pourront trouver preneur l’an prochain. «Je ne pense pas que des producteurs vont s’en servir, honnêtement».

Il faut savoir qu’aucune pêche ne se fait à cet endroit. «Ce sont surtout les Zecs, les pourvoiries, les Sépaq, les clubs privés (les clients de l’entreprise)», rapporte Alain Sauvé.

Les canicules

Les récentes canicules constituent également un facteur stressant pour le poisson: plus l’eau est chaude, moins elle est facile à oxygéner, particulièrement quand les lacs sont de petites dimensions. Malgré tout, l’entreprise latuquoise s’en tire bien car elle compte sur de l’eau souterraine.

Mais même en période de pandémie, on réussit à vendre les poissons. «On a jasé avec des pisciculteurs et ça va peut-être devenir une problématique dans l’avenir. La truite de consommation (arc-en-ciel), pandémie ou pas, ils la vendent quand même. Tandis que la truite mouchetée, pour l’ensemencement, on ne sait pas. S’il y a une autre vague, on ne sait pas si les pourvoiries vont pouvoir ouvrir ou non. Ça reste une problématique», pense Alain Sauvé.

Les poissons qui sont plus gros seront peut-être nourris un peu moins souvent l’année prochaine pour pouvoir arriver en pourvoirie, mais en attendant, il manque des revenus.

L’aide du gouvernement fédéral a été demandée pour écouler les surplus de poissons, mais on fonde peu d’espoir. «Il y avait un programme pour Pêche en ville […] l’enveloppe a été transformée pour le délestage, mais depuis ce temps, on attend une aide et aucune aide n’arrive».

Ça n’a pas empêché les Sauvé de faire le don de 1000 truites et ainsi doubler le nombre de poissons qui avait été prévu pour l’ensemencement du lac Saint-Louis, au début du mois de juin, en raison des surplus de poissons.

L’entreprise existe depuis 1994. Alain Sauvé, qui était à l’emploi de la cartonnerie aujourd’hui West Rock, a choisi de créer sa propre entreprise, lors des mises à pied de 1993. Son fils, Maxime, a étudié dans le domaine de la finance et y a même travaillé, avant de rejoindre l’entreprise familiale.

Consommation de la table

Les entrepreneurs latuquois ne restent pas les bras croisés à attendre le développement de leur entreprise. Ils veulent éventuellement orienter leurs activités vers la transformation, pour la consommation de la table, mais les autorisations gouvernementales sont laborieuses à obtenir.

«Le Québec fournit, peut-être 7, 8% de la consommation. Les acheteurs nous ont dit: si vous pouvez faire 500 tonnes, on va être ici demain matin […] À l’heure actuelle, il y a du poisson qui arrive de la Saskatchewan, parce que le Québec ne fournit pas», lance Alain Sauvé.

Il y a beaucoup de place pour l’expansion de l’ancienne pisciculture Georgieff. «On n’est pas stressé d’investir, pour agrandir l’entreprise, les acheteurs sont là», pense Maxime Sauvé.

Un projet initial, pour produire 100 tonnes de poissons, a d’abord été présenté et les autorisations gouvernementales sont en attente. Ce nouveau bâtiment permettrait de décupler la production actuelle de truite de l’entreprise, pour fournir les usines de transformation. Mais le plan initial pourrait tourner en deux projets de 130 tonnes de poissons, représentant un investissement total de 4M$.

Pour mettre de l’avant leur projet initial, les Sauvé avaient besoin de trois autorisations gouvernementales et ils n’en ont obtenu qu’une jusqu’à présent. Mais le dossier chemine à pas de tortue, au gouvernement.

Pourtant, affirment-ils, leur projet d’expansion est tout ce qu’il y a de plus respectueux pour de l’environnement. «Pour faire une pisciculture et avoir du succès, ça prend de l’eau souterraine de qualité, en quantité aussi. Ça prend un milieu récepteur pour les rejets de phosphore. On a tout ça. On ne défait aucun milieu humide, on ne demande aucune dérogation, mais c’est quand même long d’avoir toutes les autorisations», se désole Maxime Sauvé. Le projet se veut aussi viable, à long terme, laissent-ils entendre.

Alain Sauvé souhaite que ça ne prenne pas deux ou trois ans de plus pour obtenir les autorisations du gouvernement.