Former la prochaine génération de chasseurs

LOISIRS.  Même si la Haute-Mauricie est reconnue partout au Québec pour ses gros gibiers, c’est par la chasse à la sauvagine que Serge Mathieu forme patiemment la nouvelle relève qui partira un jour sur les traces des originaux et des ours. 

Professeur à l’École forestière de La Tuque au programme Protection et exploitation de territoires fauniques, il forme son groupe en puisant dans le bassin d’élèves inscrit au cours Techniques de pêche, de chasse et de piégeage. « Je fais une pierre, deux coups », lance Serge Mathieu qui a recruté cet automne une trentaine d’élèves pour chasser les bernaches et les canards migrateurs.

Pour ce type de proie, les jeunes adultes ne pouvaient tomber mieux avec leur enseignant qui a grandi à proximité du lac Saint-Pierre, du côté de Nicolet, la plus importante halte migratoire dans l’est du Canada pour la sauvagine.

« La fenêtre pour la chasse à la sauvagine en Haute-Mauricie ne dure pas longtemps. Les oiseaux sont seulement de passage, sur la route qui les emmène à la baie de Chesapeake, sur la côte est des États-Unis », explique Serge Mathieu.

Cette année, il a divisé ses apprentis chasseurs en trois petits groupes, car la chasse à la sauvagine est tout un défi. Chaque groupe a eu droit à sa sortie. « Les années antérieures, je me trouvais un sauvaginier qui a assez la relève à cœur pour prendre mes jeunes, mais ce n’est pas toujours facile à trouver. Cet automne, j’ai donc décidé de tout faire moi-même, de A à Z. « 

Serge Mathieu a donc repéré un champ intéressant à environ 30 minutes de la ville pour amener ses élèves juste avant l’aurore ou en fin d’après-midi, les deux périodes où les outardes et les canards partent à la recherche de nourriture.

Appelants au sol, appeaux accrochés au cou. Chasseurs silencieux tapis dans l’herbe, en tenue de camouflage. Une fine pluie froide qui tombe dans la noirceur dans l’espoir que certains mordront à l’appât. « J’ai des élèves français dans le groupe qui ont tripé sur leur expérience.  On a récolté une bernache et un canard la première fois. Mais à la deuxième sortie, elles m’ont fait un doigt d’honneur », sourit celui qui pratique la chasse depuis son entrée à la petite école.

« Chez nous, c’est vraiment une affaire familiale, mais pour des jeunes qui n’ont pas cet entourage, je trouve important qu’ils puissent s’y initier à l’école, d’apprendre que c’est un loisir qu’on pratique de façon sécuritaire et éthique », poursuit l’enseignant. Mais par-dessus tout, Serge Mathieu veut démontrer aux élèves qu’une partie de chasse peut être satisfaisante même quand on revient bredouille.

Un spectacle de ballet aérien

« Récolter, c’est bien sûr agréable, mais je dis à mes jeunes que tout ce que j’espère, c’est de leur faire vivre un ballet aérien de sauvagines. Voir les oiseaux venir puis repartir avant de revenir. Il faut réussir à les convaincre que la nourriture est bonne au sol. Dans leur tête, ils s’en vont à Montréal, ils n’ont pas envie d’arrêter à La Tuque faire une pause pipi. Puis on lance une discussion avec notre appeau. Si tu as le bon ton de voix, ils vont peut-être s’approcher. On attend patiemment puis ils prennent notre direction. Là, ils sont à peu près à 100 pieds. La distance est bonne. Tu te lèves et tu tires. »

Soulignons que ce cours d’initiation bénéficie d’une aide financière de 1000$ de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs et de la collaboration de l’École forestière de La Tuque. « Ça nous sert à payer un conférencier qui vient parler aux jeunes. Les coûts de déplacement du minibus qui nous transporte jusqu’au site, etc. »

Serge Mathieu conclut traditionnellement cette expérience en organisant un souper avec ses élèves avec au menu les prises de chasse et de piégeage réalisées plus tôt cet automne. « On a mis traditionnellement l’accent depuis près de vingt ans sur l’activité Pêche en herbe pour former une relève de pêcheurs. Moi, je pense qu’il faudrait faire quelque chose de semblable avec la chasse », termine-t-il.