Ottawa renonce à traîner des francophones de la Colombie-Britannique en Cour suprême

OTTAWA — Le gouvernement fédéral fait volte-face et ne traînera finalement pas des francophones de la Colombie-Britannique devant la Cour suprême, a annoncé mardi le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, dans la foulée d’intenses pressions de groupes militants. Quelques minutes plus tard, le regroupement de francophones annonçait toutefois qu’il avait déposé un appel sur un autre aspect.

«Dans les circonstances, ça ne vaut pas la peine», a déclaré le ministre Lametti lors d’un point de presse dans le foyer de la Chambre des communes au sujet de la décision de la Cour fédérale voulant qu’Ottawa n’ait pas favorisé l’épanouissement des minorités francophones de cette province de l’Ouest du pays.

M. Lametti a tenté d’expliquer que le gouvernement fédéral était en désaccord avec «le substantiel» et «les principes» de la décision, mais pas avec son «application».

«Il y a beaucoup de travailleurs qui vont être touchés par la décision, a-t-il mentionné. En tant que procureur général, je dois agir de façon responsable pour considérer tous les enjeux.»

Vendredi, le ministre Lametti avait annoncé que le gouvernement interjettera appel du jugement parce que certains aspects «pourraient mettre en péril le soutien à la formation et à l’emploi dont bénéficient chaque année plus de 80 000 Britanno-Colombiens».

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, s’était alors dit «consterné». La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada était pour sa part «abasourdie».

L’arroseur arrosé

La présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), Lily Crist, s’est réjouie de la décision d’Ottawa et d’un avis de résilier une entente fédérale-provinciale au sujet des services d’aide à l’emploi afin de la renégocier «de telle sorte à rétablir des services en français de qualité véritablement égale».

La décision de M. Lametti «réinstaure une cohérence gouvernementale» avec la réforme de la Loi sur les langues officielles contenue dans le projet de loi C-13, estime la FFCB.

Le regroupement affirme cependant que le projet de loi n’assurerait pas le respect des droits linguistiques lorsque le gouvernement fédéral conclut des ententes avec les provinces afin qu’elles offrent des services.

«Seuls une modification au projet de loi C-13 ou un jugement de la Cour suprême du Canada sur ce deuxième volet de la décision de la Cour d’appel fédérale peuvent régler ce problème fondamental», soutient la FFCB dans un communiqué.

C’est ainsi qu’à minuit moins une, le regroupement a demandé à la Cour suprême d’autoriser un appel sur cet aspect de la décision, mardi, au dernier jour où il lui était possible de le faire.

Le ministre Lametti a indiqué aux journalistes mardi que sa décision n’a «pas du tout» été influencée par des pressions de ses collègues ou de groupes extérieurs, mais est plutôt le résultat de sa réflexion de la fin de semaine.

La veille, la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, avait passé un mauvais quart d’heure lorsqu’elle avait évité de répondre à toutes les questions au sujet de la décision, notamment si elle était confortable ou même au courant que son collègue allait interjeter appel.

Mme Petitpas Taylor encensait plutôt son projet de loi qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles ou expliquait que de protéger et promouvoir le français est «une priorité absolue» du gouvernement Trudeau.

Dans une déclaration écrite, le porte-parole du Bloc québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu, s’est réjoui que le gouvernement ait «entendu raison», tout en estimant que les libéraux «ne saisissent pas l’ampleur que requiert la situation».

«Cette seule tergiversation dénote toutefois le profond manque de sensibilité du gouvernement libéral vis-à-vis de la langue française», a-t-il écrit.

Le projet de loi du gouvernement Trudeau visant à moderniser la Loi sur les langues officielles édicte également une nouvelle loi qui vise à établir de nouveaux droits afin que les Québécois et ceux qui résident dans des «régions à forte présence francophone» puissent travailler et se faire servir en français dans les entreprises privées de compétence fédérale.