L’ex-député libéral fédéral Grewal demande le rejet d’accusations d’abus de confiance

OTTAWA — Un ancien député libéral fédéral en Ontario demande au tribunal de rejeter deux accusations criminelles d’abus de confiance liées à son mandat.

L’avocat de Raj Grewal a plaidé que les procureurs n’ont pas présenté suffisamment de preuves pour le déclarer coupable et que la Couronne n’a pas établi les éléments essentiels requis pour en arriver à une telle conclusion.

La Couronne veut démontrer que le député Grewal a utilisé sa fonction politique à des fins personnelles, offrant un accès à des événements avec le premier ministre et une aide pour les dossiers d’immigration, en échange de prêts importants qui ont servi à rembourser ses dettes de jeu.

Mais dans les arguments écrits déposés devant la Cour supérieure de l’Ontario, la défense plaide que la conduite de M. Grewal ne relève absolument pas du Code criminel et que la thèse de la Couronne ne tient pas la route.

M. Grewal a comparu lundi par visioconférence, alors que son avocat, Nader Hasan, a présenté sa «motion pour verdict imposé» et demandé l’acquittement sous toutes les accusations.

Dans ses arguments écrits, Me Hasan soutient qu’il y a une différence entre abuser de son statut officiel à des fins de corruption et commettre une erreur pendant son mandat – ou même agir de manière déshonorante.

«Dans le dernier cas, il ne s’agit pas d’abus de confiance: il peut s’agir d’une erreur de jugement méritant une sanction administrative, ou simplement d’un manquement personnel, qui n’a aucun lien suffisant pour mériter une sanction, lit-on dans le document judiciaire. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas criminel.»

Élu en 2015 député de Brampton-Est, au nord de Toronto, M. Grewal, qui est lui-même avocat, n’avait pas divulgué au commissaire fédéral à l’éthique une série de prêts importants qu’il avait contractés.

Le casino du Lac-Leamy

Une analyse de ses comptes bancaires présentés en preuve par la poursuite a révélé que le député avait reçu environ 6 millions $ de dépôts supérieurs à 10 000 $ après son élection, et que des sommes importantes provenant de cet argent ont été versées au casino du Lac-Leamy, à Gatineau.

Selon certaines allégations, le député aurait proposé à ses prêteurs, en échange de leur aide financière, de rencontrer le premier ministre Justin Trudeau.

Deux hommes d’affaires de la région de Brampton qui lui ont chacun prêté 200 000 $ ont également participé à des événements lors du fameux voyage de M. Trudeau en Inde, en 2018.

Un ancien membre du personnel libéral a témoigné que Yusuf Yenilmez et Andy Dhugga figuraient sur une liste restreinte de personnes que M. Grewal avait invitées à une rencontre privée avec le premier ministre Trudeau.

Mais ni l’un ni l’autre n’ont déclaré qu’ils s’attendaient à un tel accès au premier ministre en échange des prêts – et Me Hasan soutient que les preuves au procès «contredisent catégoriquement» cette thèse.

Les deux hommes d’affaires se sont décrits comme des amis de M. Grewal et ont témoigné qu’ils ignoraient que leurs noms avaient été proposés pour un événement restreint. De plus, ni l’un ni l’autre n’a décrit comme «particulièrement précieuse» la possibilité d’une photo avec M. Trudeau, plaide la défense dans les documents écrits.

La poursuite allègue aussi que sept autres prêteurs ont reçu une aide liée à l’immigration du bureau de M. Grewal, le plus souvent sous la forme de lettres soutenant les demandes de visas de résident temporaire.

Or, Me Hasan plaide que ces lettres ne sont «pas rares», car les bureaux des députés les fournissent régulièrement à leurs commettants, et elles ne font pas nécessairement partie des dossiers de candidature des demandeurs. L’idée que des prêts ont pu être accordés en échange de ces lettres «défie le bon sens», soutient la défense.

A contrario, si de telles lettres et même des invitations à des rencontres sont des activités normales pour le bureau d’un député, cela aurait été plus problématique, selon Me Hasan, si le député Grewal avait «refusé de fournir à ces hommes des services normaux de circonscription simplement parce qu’il avait un lien avec eux ou obtenu des prêts personnels de leur part».

Les critères de l’abus de confiance

Pour satisfaire aux critères d’une accusation d’abus de confiance, la Couronne doit avoir présenté la preuve que M. Grewal agissait dans le cadre des fonctions de sa charge, que sa conduite représentait un écart grave et marqué par rapport aux normes attendues d’une personne dans sa position, ou qu’il a agi avec l’intention d’utiliser sa fonction publique à des fins autres que le bien public.

La défense estime que la Couronne n’y est pas parvenue.

M. Grewal avait quitté le caucus libéral en 2018, lorsque son problème de jeu a été connu du grand public. Il ne s’est pas représenté lors de l’élection générale suivante en 2019.

Puis, en 2020, la Gendarmerie royale du Canada avait d’abord accusé l’ex-député de quatre chefs d’abus de confiance et d’un chef de fraude de plus de 5000 $, mais il ne reste que deux accusations d’abus de confiance.

Son procès avait commencé l’été dernier, et seule la poursuite a conclu son dossier après neuf semaines de preuves. Si la défense ne parvient pas à obtenir un «verdict dirigé» du tribunal, le procès pourrait se poursuivre au printemps.